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Israël doit cesser de s'en prendre au défenseur des droits des Palestiniens Issa Amro, demandent des experts de l'ONU

Le tribunal militaire et la prison d'Ofer, en Cisjordanie.
UNICEF-oPt/Ennaimi
Le tribunal militaire et la prison d'Ofer, en Cisjordanie.

Israël doit cesser de s'en prendre au défenseur des droits des Palestiniens Issa Amro, demandent des experts de l'ONU

Un groupe d'experts indépendants des Nations Unies a exprimé mardi sa profonde préoccupation devant le harcèlement judiciaire, les tentatives d'intimidation et les mauvais traitements dont Issa Amro, un éminent défenseur palestinien des droits de l'homme, serait victime de la part d'Israël.

M. Amro a été arrêté et détenu à vingt reprises en 2012, et six fois rien qu'en 2013, alors qu'il n'a jamais eu recours à la violence ni été inculpé du moindre crime. Il est l'un des fondateurs des organisations non-gouvernementales Jeunesse contre les colonies et Défenseurs d'Hébron.

« M. Amro semble être la victime d'une campagne de harcèlement visant notamment à l'intimider à la veille de sa participation à la session de juin 2013 du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève, où il a fait deux déclarations en sa qualité de représentant d'une ONG », explique dans un communiqué de presse le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, Richard Falk.

« Juste avant de prendre part à cette session du Conseil, il a reçu une citation à comparaître, le 30 décembre 2013, au tribunal militaire d'Ofer », a précisé M. Falk. « A ce stade, il n'y a aucune indication de chefs d'inculpation contre M. Amro. »

Au cours des derniers mois, M. Amro a également reçu nombre de menaces de mort de la part d'organisations de colons. « Parmi les caractéristiques les plus insidieuses de l'occupation prolongée de la Cisjordanie figure le degré de complicité qui lie l'administration militaire israélienne à la violence perpétrée par des colons illégaux contre les habitants palestiniens », accuse M. Falk.

Le 8 juillet dernier, M. Amro se trouvait avec une équipe de télévision française dans l'enceinte de la mosquée Ibrahimi, dans la vieille ville d'Hébron, en Cisjordanie, lorsque des soldats israéliens les ont arrêtés et confisqué leurs documents d'identité. Tous ces documents ont été restitués, à l'exception de ceux de M. Amro.

Les soldats israéliens l'ont ensuite emmené au poste de police, où il a été menotté et battu jusqu'à ce qu'il s'effondre. M. Amro aurait été laissé gisant sur une civière, tandis que des membres présumés des forces de sécurité israéliennes riaient, prenant des photos et faisant mine de lui tirer dessus. Ce n'est que plus de cinq heures plus tard qu'il a été hospitalisé.

« Je suis très inquiet pour la vie de M. Amro, son intégrité physique et l'impact psychologique que de tels actes peuvent avoir sur sa santé et sa famille », déplore de son côté le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Juan E. Méndez, tout en rappelant qu'en vertu du droit international, il n'existe aucune dérogation à l'interdiction absolue de la torture et des traitements cruels. « Il est incompréhensible que la police l'ait convoqué, dès le lendemain matin, au même poste de police où il avait été maltraité. »

Le 25 juillet dernier, des soldats israéliens lourdement armés avaient attaqué le siège de Jeunesse contre les colonies. Le lendemain, M. Amro et trois autres militants avaient été la cible de tirs effectués par des colons israéliens présumés alors qu'ils se trouvaient à proximité du centre.

« Le droit à la liberté d'association suppose que ceux qui l'exercent sont protégés des menaces ou des actes de violence, de harcèlement, de persécution, d'intimidation ou de représailles », souligne de son côté le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté de réunion pacifique et d'association, Maina Kiai. « Les auteurs de ces actes inacceptables devraient être tenus responsables, tandis que les membres de Jeunesse contre les colonies devraient immédiatement bénéficier d'une protection adéquate. »

Pour sa part, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'opinion et d'expression, Frank La Rue, s'est dit profondément préoccupé par les restrictions imposées par Israël aux journalistes et défenseurs des droits humains travaillant dans le territoire occupé, et qu'il avait observées en personne lors d'un déplacement en Cisjordanie en 2011. « L'intimidation par des arrestations arbitraires risque de faire taire des voix importantes qui nous renseignent sur la situation réelle sur le terrain », a prévenu l'expert.

« Nous appelons le gouvernement israélien à veiller à ce que toutes les allégations de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants à l'encontre de Palestiniens détenus par Israël fassent l'objet d'une enquête approfondie […] », insiste le Rapporteur spécial Falk.

« Israël doit prendre des mesures pour veiller à ce que les colons ne soient pas autorisés à harceler ni intimider en toute impunité des Palestiniens. Je continue également d'être préoccupé par le recours à des tribunaux militaires pour juger des civils palestiniens dans les territoires occupés », ajoute l'expert.