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Libye : les attaques contre des civils pourraient constituer des crimes - Pillay

Libye : les attaques contre des civils pourraient constituer des crimes - Pillay

Navi Pillay.
La Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a condamné mercredi l'utilisation répétée d'armes à fragmentation et d'armes lourdes par les forces du gouvernement libyen dans leur tentative de reprendre le contrôle de la ville de Misrata, et a déclaré que ces attaques contre des zones urbaines densément peuplées, entraînant de nombreux morts parmi les civils, pourraient constituer des crimes internationaux.

« Une bombe à fragmentation aurait explosé juste à quelques centaines de mètres de l'hôpital à Misrata, et d'autres informations font état d'au moins deux cliniques médicales touchées par des mortiers ou des tirs de snipers", a déclaré Mme Pillay. « Depuis que la ville est en grande partie isolée, on ne sait pas précisément combien de civils ont été tués ou blessés au cours de deux mois de combats, mais il est clair que les chiffres sont désormais considérables, et que les morts incluent des femmes et des enfants. »

« Utiliser des armes imprécises telles que des armes à fragmentation, des lance-roquettes multiples et des mortiers, et d'autres types d'armes lourdes, dans des zones urbaines surpeuplées conduit inévitablement à des pertes civiles », a déclaré Mme Pillay. « Il y a aussi des informations répétées faisant état de tireurs d'élite visant délibérément des civils dans Misrata, ainsi que dans d'autres villes libyennes. »

Selon la Haut commissaire, les forces pro-gouvernementales assiégeant la ville doivent être conscientes qu'avec la Cour pénale internationale enquêtant sur d'éventuels crimes, leurs actions feront l'objet d'un examen minutieux. « D'après le droit international, les attaques délibérées contre des installations médicales sont un crime de guerre, et le ciblage délibéré ou la mise en danger inconsciente de civils peuvent également constituer de graves violations des droits de l'homme internationaux ou du droit international humanitaire, » a-t-elle ajouté.

Navi Pillay a appelé les autorités libyennes à mettre un terme au siège de Misrata et à permettre à l'aide et aux soins médicaux d'atteindre les victimes du conflit.

Elle a également exprimé sa vive préoccupation quant au traitement des journalistes par les autorités libyennes. Au moins deux journalistes ont été tués, et environ 16 autres sont portés disparus, dont dix journalistes internationaux et six Libyens. Des dizaines d'autres ont été arrêtés, agressés, maltraités physiquement, ou expulsés.

Navi Pillay a salué la décision de la Libye d'accepter la mise en place d'une présence humanitaire des Nations Unies à Tripoli. Elle a également exhorté les forces de l'OTAN à exercer la plus grande prudence et vigilance afin de ne pas tuer des civils par erreur.

Lors d’une conférence de presse au siège de l’ONU à New York mercredi, la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires, Valerie Amos, a répété que les conditions humanitaires en Libye étaient graves.

« Les informations en notre possession ne sont pas confirmées, mais selon toute vraisemblance, des centaines de personnes ont été tuées ou blessées à Misrata, et la population dans son ensemble fait face à une pénurie de produits alimentaires », a dit Mme Amos, qui a effectué il y a quelques jours une mission en Libye, au cours de laquelle elle s’est rendue à Tripoli et à Benghazi, le fief des rebelles.

S’agissant de l’accord avec le gouvernement libyen sur une présence humanitaire de l’ONU à Tripoli, la Secrétaire générale adjointe a précisé que celui-ci s’était engagé à assurer la sécurité des équipes humanitaires aux nombreux postes de contrôle qui jalonnent les routes du pays.

Elle a ajouté qu’une équipe humanitaire de l’ONU devrait arriver à Tripoli ce week-end, et que des stocks d’aide humanitaire actuellement entreposés à la frontière avec la Tunisie et l’Égypte seraient acheminés dans le pays dès que la situation sécuritaire le permettrait.

Elle a précisé que bien que l’accord concerne uniquement la présence humanitaire de l’ONU à Tripoli, les autorités libyennes lui avaient affirmé que la sécurité des travailleurs humanitaires cherchant à se rendre à Misrata par voie terrestre ou maritime serait assurée.

Elle a ajouté que pour l’heure, l’ONU parvenait à mener ses activités humanitaires en Libye avec des moyens civils, mais si cela n’était plus possible, elle ferait appel aux Forces de l’Union européenne (EUFOR) et de l’OTAN avec lesquelles un accord a été conclu.

« En situation de conflit, il importe avant tout de clairement faire savoir que la livraison de l’aide humanitaire est impartiale », a néanmoins souligné Mme Amos. « Brouiller la limite entre les opérations humanitaires et militaires mettrait la vie des travailleurs humanitaires en péril, de même que la livraison de l’aide ».

De son côté, la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence sexuelle dans les conflits, Margot Wallström, a déclaré qu’il était urgent de se concentrer sur la prévention de la violence sexuelle alors que les combats s'intensifient à Misrata et dans d'autres parties de la Libye.

« Je condamne dans les termes les plus énergiques l'emploi de la violence sexuelle à des fins politiques et militaires. J'appelle toutes les parties à garantir l'accès des employés des Nations Unies et des organisations humanitaires pour qu’ils puissent surveiller de telles violations et apporter une aide aux civils pris dans les combats », a-t-elle dit dans un communiqué publié mercredi.