L'actualité mondiale Un regard humain

Un employé du HCR pris en otage il y a douze ans raconte son engagement humanitaire

Un employé du HCR pris en otage il y a douze ans raconte son engagement humanitaire

Vincent Cochetel
Une nuit de janvier 1998, Vincent Cochetel, alors chef du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Vladikavkaz dans le Nord-Caucase, s'est fait kidnapper par un groupe armé qui l'attendait dans son appartement. A l'occasion de la seconde édition de la Journée mondiale de l'aide humanitaire, le travailleur humanitaire a accepté de raconter son expérience et d'expliquer pourquoi il travaille toujours pour le HCR.

Une nuit de janvier 1998, Vincent Cochetel, alors chef du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Vladikavkaz dans le Nord-Caucase, s'est fait kidnapper par un groupe armé qui l'attendait dans son appartement. A l'occasion de la seconde édition de la Journée mondiale de l'aide humanitaire, le travailleur humanitaire a accepté de raconter son expérience et d'expliquer pourquoi il travaille toujours pour le HCR.

Les hommes en armes l'ont forcé à se mettre à genou. « Je croyais qu'il y avait un contrat sur ma tête », raconte-il. A partir de ce soir-là, et durant 317 jours, il a été retenu en otage, enchaîné à une pièce métallique d'un lit, seul et dans l'obscurité totale.

« Ils m'ont mis un sac sur la tête, pour que je ne vois plus rien. Nous avons descendu les escaliers, six étages. Je suis tombé à plusieurs reprises. Ils me poussaient dans les escaliers. Ensuite, ils m'ont mis dans le coffre d'une voiture puis j'ai été transféré de voiture en voiture pendant trois jours. J'ai passé trois jours dans le coffre de plusieurs voitures. Trois jours avant d'être transféré en Tchétchénie », raconte Vincent Cochetel.

Après avoir été déplacé de voiture en voiture, le travailleur humanitaire a finalement été enfermé dans une cellule où il était autorisé à avoir « à peine 10 à 15 minutes de lumière par jour ». Le plus difficile, affirme l'ancien otage, c'est d'être seul. « Alors il faut se forcer à de ne pas trop penser, sinon, on devient fou, mais il faut s'occuper l'esprit ».

« On se pose des questions existentielles. On tente de justifier son travail dans cette région. Mais, en y repensant, je pense que le HCR se devait d'être là. Nous apportions des vivres à un demi-million de personnes, nous remettions en état les systèmes de distribution d'eau pour tout le pays, nous assistions des personnes déplacées internes à rentrer chez eux, nous reconstruisions des écoles, des infrastructures sociales. Nous avions de bonnes raisons d'être là », affirme encore aujourd'hui Vincent Cochetel.

Après 317 jours d'emprisonnement, les ravisseurs l'ont menotté et emmené dans une voiture. « Il y avait un long convoi de voitures, environ cinq ou six 4x4, tous neufs, avec des gardes armés partout. A un moment, on m'a sorti de la voiture et transféré vers une autre voiture. Et à nouveau, on m'a demandé de m'agenouiller, ce que j'ai fait, en demandant pitié car je ne comprenais vraiment pas ce qui se passait. Quatre jours auparavant, quatre otages avaient été décapités dans un autre lieu, je le savais. Et soudain, j'ai été tiré par un ou deux hommes et mis dans une autre voiture. Ils m'ont jeté comme un sac de pommes de terre. On m'a mis un casque sur la tête. Lorsque j'ai senti le casque, j'ai su que j'étais avec des forces régulières. Ensuite, nous avons fait de la route et j'ai été amené dans un lieu sûr », a confié le travailleur humanitaire.

A la question « pourquoi poursuivez-vous votre travail pour une organisation qui a mis votre vie en danger et dans laquelle vous pourriez de nouveau courir un risque », Vincent Cochetel est sans ambiguïté sur la nature de son engagement : total.

« Bon nombre de personnes m'ont questionné à ce propos juste après, me disant 'n'en avez-vous pas assez ?'. Si j'avais arrêté de travailler pour le HCR à ce moment-là, cela aurait voulu dire qu'ils m'avaient pris quelque chose. Que ces types auraient gagné. Il était important pour moi de continuer, de me prouver que j'étais capable de travailler et même d'agir concrètement pour aider des réfugiés. Plusieurs années après, je peux dire que ce que j'ai vécu m'a rapproché des épreuves subies par les réfugiés. Je ne savais pas ce qu'était la torture. Je ne savais pas ce que signifiait 'être à l'isolement', maintenant, je peux en parler. Je peux reconnaître ces signes quand des réfugiés en parlent », explique-t-il.

« Aujourd'hui, je peux parler de la frontière ténue entre la folie et la raison. J'ai exploré l'extrême solitude connue d'un très petit nombre de personnes. Mais on finit toujours par se frayer un chemin. C'est ce qui fait la beauté de l'humanité » a-t-il conclu.

Sous le thème « Nous sommes des travailleurs humanitaires», cette édition 2010 doit être l'occasion de mieux faire connaître au grand public le travail des milliers d'hommes et de femmes qui sont sur le terrain pour sauver des vies et d'honorer la mémoire de ceux et celles qui sont morts pour cette cause.

Selon l'ONU, en 2009, 278 travailleurs humanitaires ont été victimes de graves incidents de sécurité (agressions, attentats, attaques de véhicules?). 102 ont été tués, 92 autres enlevés.

Pour tout savoir sur cette Journée mondiale de l'aide humanitaire (manifestations, vidéos, documents, communiqué de presse, liste des évènements organisés) : http://ochaonline.un.org/whd/