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Ouganda : 20 ans après, de jeunes déplacés reprennent goût au riz et à la vie

Ouganda : 20 ans après, de jeunes déplacés reprennent goût au riz et à la vie

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Les toutes premières pluies sont arrivées avec le mois de juin, dans le comté de Padibe-East, près de la frontière entre l'Ouganda et le Soudan. Une petite pluie mais bien bénéfique pour Alphonso Oyo qui a planté ses nouvelles variétés de riz à haut rendement dont il attend impatiemment la floraison.

«Elles ont eu du retard, ces pluies, et la floraison de mon riz s'en ressent », explique Alphonso, « mais avec la variété NERICA que j'ai plantée sur ce sol sec et ingrat des hautes terres, j'espère quand même une bonne récolte en septembre ».

Alphonso, lui, est déjà sur ces terres. Environ 1,5 million de déplacés devraient retourner progressivement des camps vers leurs villages d'origine, après plus de 20 ans de vie précaire dans le nord de l'Ouganda. Et cela grâce à un projet de développement rural agricole centré sur des systèmes de culture innovants à base de riz pour assurer la sécurité alimentaire et réduire la pauvreté. Le Japon finance le projet (1,5 million de dollars 2008-2010), explique l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

C'est à la faveur d'un processus de paix engagé et conclu en 2006 entre le gouvernement ougandais et les rebelles de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) que les hostilités ont cessé dans cette région et dans la zone frontalière avec le sud-Soudan.

« C'est précisément là que nous nous devions d'agir pour aider à la réinstallation des populations sur leurs terres ancestrales et les encourager à reprendre l'activité agricole », indique le représentant de la FAO à Kampala, Percy Misika.

Le gouvernement ougandais, le Japon et la FAO ont porté un choix stratégique sur la culture du riz, spécialement le NERICA, surnommé 'nouveau riz pour l'Afrique'. «Les différentes variétés de NERICA sont innovantes et bénéfiques à plus d'un titre: elles poussent sur les plateaux et résistent à la sécheresse; leur taux de productivité est de 30 pour cent supérieur aux variétés locales; en outre, elles produisent un long grain savoureux et nutritif qui vient à maturation en trois mois ou moins quand les pluies sont régulières», explique M. Misika.

Une première phase de l'intervention FAO-Japon, conclue en 2008, avait concerné huit districts de la région du nord, de l'est, du centre et de l'ouest : 1.800 cultivateurs avaient reçu des variétés NERICA, 32 facilitateurs ont été formés et 64 Champs-Écoles d'agriculteurs mis sur pied.

Neuf districts du nord bénéficient de la 2ème phase du projet NERICA: Amolatar, Amuru, Apac, Dokolo, Gulu, Kitgum, Lira, Oyam et Pader.

La plupart des jeunes ménages sont composés d'hommes et de femmes sans revenus qui ont grandi dans les camps de déplacés et l'on compte beaucoup de femmes-chefs de famille. Ils ont vingt ans et plus et n'ont pas la moindre idée de la manière de cultiver la terre, n'ayant jamais vu faire leurs parents dans les camps. Mais ils sont tous déterminés à prendre de nouveau la houe pour cultiver la terre où ils sont nés. Eric Lobi, un orphelin de 20 ans, s'est installé à Amuru: « Quand j'aurai assez de revenus de mes récoltes de riz, je pourrai m'inscrire à l'université. »

Il a fallu aussi tout apprendre dans les champs et assimiler les meilleures pratiques agricoles ainsi que les systèmes de production de base essentiels dans la culture du NERICA.

Il est envisagé de rendre plus accessibles les variétés améliorées de riz, résistantes à la sécheresse et autres fléaux, et de développer les technologies agricoles liées à la culture du NERICA dans les régions rudes du nord. Le riz symbolise autant la nourriture que les revenus ici.

Pour atteindre cet objectif et augmenter la production alimentaire et les revenus des familles, Shivaji Pandey, directeur de la division de la FAO pour la production et la protection des plantes, confirme que la FAO maintient le cap sur le renforcement des capacités locales à formuler des programmes de sécurité alimentaire dans les zones rurales. « Nous encourageons des systèmes semenciers harmonisés et d'intensification agricole durable basés sur la production du riz ; nous avons aussi comme objectif d'améliorer les technologies après-récoltes et leur diffusion », poursuit-il.

Avec ce projet, la FAO compte pouvoir former plus de 2.160 agriculteurs dans la production de NERICA avec la création d'un total de 72 champs-écoles d'agriculteurs dans neuf districts.