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Darfour : La justice est en marche, selon le procureur de la CPI

Darfour : La justice est en marche, selon le procureur de la CPI

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo.
Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, tout en reconnaissant l'importance des efforts de médiation actuellement menés à Doha en vue de faire cesser la violence et d'empêcher d'autres crimes au Darfour (Soudan), a affirmé vendredi devant le Conseil de sécurité que le gouvernement du Soudan avait la responsabilité d'arrêter le Président Omar Al-Bachir.

« La justice est en marche », a déclaré M. Moreno-Ocampo, qui s'exprimait pour la première fois devant le Conseil de sécurité depuis la délivrance, le 4 mars dernier, d'un mandat d'arrêt par la Chambre préliminaire I de la CPI à l'encontre du Président soudanais pour cinq chefs de crimes contre l'humanité et deux chefs de crimes de guerre. « Il n'y aura aucune impunité au Darfour », a-t-il précisé.

« L'expérience internationale dans les cas de Slobodan Milosevic et de Charles Taylor ou des expériences nationales nous montrent que la mise en œuvre d'une décision judiciaire contre un chef d'État est un processus qui peut prendre du temps, des mois, voire des années », a-t-il dit, rappelant qu'« ils avaient finalement tous été confrontés à la justice ».

M. Moreno-Ocampo présentait, devant le Conseil de sécurité, son exposé biannuel sur les activités judiciaires entreprises par la Cour pénale internationale au cours des six derniers mois en application de la résolution 1593 (2005).

Estimant que la situation au Soudan continuait de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité, dans cette résolution, a en effet décidé de déférer au Procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002.

« Nous avons rassemblé des éléments de preuve de façon impartiale pendant deux ans », a-t-il dit, notant que ces informations avaient été fournies « par de nombreux acteurs, dont le gouvernement » et grâce à des « témoignages de plus de 130 témoins », recueillis « dans plus de 18 pays ». « Beaucoup d'efforts ont été entrepris pour assurer la sécurité de ces témoins », a-t-il précisé.

Le Procureur a fait ainsi le point sur les trois affaires traitées par la CPI. La première concerne des cas de tueries massives, de viols et de tortures contre des villageois au cours de la période 2003-2005, entraînant le déplacement de quatre millions de civils. Les preuves, a-t-il expliqué, ont montré le rôle du ministre de l'intérieur, Ahmed Harun, en tant que « coordonnateur de crimes de masse contre des civils ne participant pas au conflit », ainsi que celui du chef janjaouite Ali Kushayb dans des attaques spécifiques.

Dans la deuxième affaire, la CPI enquête sur des crimes identiques commis contre des villageois et la poursuite de crimes contre des personnes déplacées dans des camps. Dans cette affaire, a-t-il souligné, le rôle du Président Omar Al Bachir a été démontré, « dès le début de 2003, lorsqu'il a ordonné les opérations contre les civils dans les villages, jusqu'en 2005, quand il a désigné Ahmed Harun comme ministre d'État pour les affaires humanitaires et organisé le processus d'étranglement des communautés déplacées ».

Le 4 mars 2009, la Chambre préliminaire I a émis un mandat d'arrêt pour cinq chefs d'accusation de crimes contre l'humanité, notamment extermination, viols et meurtres, ainsi que pour deux chefs de crimes de guerre. Par deux votes contre un, les juges ont rejeté les trois accusations de génocide à ce stade. « Le Bureau a fait appel et la Chambre préliminaire doit encore décider d'accorder l'autorisation d'appel », a indiqué M. Moreno-Ocampo.

La décision du 4 mars a « clarifié le type de crimes commis au Darfour contre les personnes déplacées dans les camps », a ajouté le Procureur, affirmant que « la seule différence entre l'extermination et le génocide est la nécessité de démontrer, dans le dernier cas, une intention d'éliminer un groupe spécifique, en l'occurrence les Four, les Massalit et les Zaghawa ». « L'extermination se produit donc contre des millions de victimes », a-t-il déclaré. « L'extermination se passe devant les yeux de la communauté internationale. »

La troisième et dernière affaire suivie par la Cour pénale internationale se rapporte à l'attaque à Haskanita, en septembre 2007, qui a causé la mort de 12 soldats de la paix de l'Union africaine, « laissant des milliers de personnes sans protection », et constituant « la plus grave de toutes les attaques contre des soldats de la paix dans la région ».

Le 7 mai 2009, a poursuivi M. Moreno-Ocampo, la Chambre préliminaire I a rendu sa première décision sous scellés dans l'affaire Haskanita et a délivré une citation à comparaître à l'encontre du chef rebelle Bahar Idriss Abu Garda pour trois chefs d'accusation au titre de crimes de guerre.

Le Procureur de la CPI a ensuite informé le Conseil de sécurité des activités à venir de son Bureau. « Le processus judiciaire se poursuit », a-t-il dit. « L'audition pour la confirmation des accusations dans l'affaire d'Haskanita contre Bahar Idriss Abu Garda est prévue le 12 octobre à La Haye », a-t-il précisé, ajoutant que les groupes rebelles devraient « faciliter la présentation des deux autres commandants ». « Ils se sont engagés à le faire » et « doivent agir maintenant », a-t-il déclaré.

De même, M. Moreno-Ocampo a rappelé que le mandat d'arrêt émis contre le Président Al-Bashir avait été envoyé aux autorités soudanaises. « Le gouvernement du Soudan a la responsabilité de l'arrêter », a-t-il assuré. Le Procureur de la CPI a ajouté que le Soudan avait également le devoir d'arrêter Ahmed Harun et Ali Kushayb.

De l'avis de M. Moreno-Ocampo, les États parties au Statut de Rome, qui définit les règles de fonctionnement de la Cour pénale internationale, « ont la responsabilité d'arrêter et de remettre tout accusé qui voyage sur leur territoire ». Si les États non parties au Statut n'ont pas cette obligation légale, en revanche, la résolution 1593 du Conseil de sécurité « les exhorte à coopérer pleinement avec la Cour ».