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Réforme de l'ONU : Kofi Annan présente un vaste projet de refonte de la gestion de l'Organisation

Réforme de l'ONU : Kofi Annan présente un vaste projet de refonte de la gestion de l'Organisation

Kofi Annan
Suite aux demandes des Etats membres formulées dans le document final du sommet mondial, le Secrétaire général a présenté aujourd'hui à l'Assemblée générale un rapport qui propose de refondre complètement le Secrétariat pour qu'il soit mieux adapté aux réalités d'aujourd'hui et pour qu'il gère mieux les Nations Unies sur le terrain.

« Nos règlements et règles ne répondent plus à nos besoins et font même qu'il est très difficile pour l'Organisation de faire son travail avec efficacité et efficience », a constaté le Secrétaire général dans un discours prononcé aujourd'hui devant les Etats membres, réunis en séance plénière à l'Assemblée générale, dans lequel il a présenté les grandes lignes de son rapport intitulé « Investir dans l'Organisation des Nations Unies ».

image • Retransmission de la séance de l'Assemblée générale[34mins]

« Nos règles et règlements ont été conçus pour un Secrétariat essentiellement statique, dont la principale fonction était d'assurer le service de conférences et de réunions des États membres et dont les fonctionnaires travaillaient pratiquement tous au siège. L'ONU ne répond plus à cette description », a affirmé Kofi Annan.

« Aujourd'hui, grâce aux mandats que nous confient les États Membres, nous sommes directement engagés dans de nombreuses parties du monde, où nous travaillons sur le terrain pour améliorer le sort de ceux qui sont dans le besoin », a-t-il poursuivi.

« Plus de 70 % de notre budget annuel, qui se monte à quelque 10 milliards de dollars, est actuellement consacré au maintien de la paix et à d'autres opérations sur le terrain, contre près de la moitié d'un budget deux fois moins élevé il y a 10 ans », a-t-il indiqué.

« Dans les 16 années qui ont suivi la fin de la guerre froide, nous avons entrepris deux fois plus de nouvelles missions de maintien de la paix qu'au cours des 44 années précédentes. Les dépenses de maintien de la paix ont quadruplé », a-t-il souligné.

« Plus de la moitié des 30.000 agents qui forment notre personnel civil sont aujourd'hui déployés sur le terrain non seulement dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, domaine qui a en soi pris beaucoup d'ampleur et a énormément gagné en diversité et en complexité, mais également pour des activités aussi variées que les secours humanitaires, la justice pénale, la surveillance et le renforcement des capacités en matière de droits de l'homme, l'assistance électorale et la lutte contre la drogue et le crime », a-t-il rappelé. « Le nombre d'agents humanitaires qui travaillent sur le terrain a été multiplié par huit », a-t-il encore précisé.

« Ces mandats de plus en plus complexes exigent un personnel doté de compétences différentes. L'ONU doit pouvoir recruter et garder à son service des dirigeants, des gestionnaires et des agents capables de gérer de vastes opérations pluridisciplinaires dotées de budgets de plus en plus élevés », a fait remarquer le Secrétaire général.

« Dans l'état actuel des choses, beaucoup de nos agents – notamment ceux de terrain qui exercent leurs fonctions avec beaucoup d'idéalisme et d'intégrité, souvent dans des conditions pénibles et dangereuses – sont découragés et démotivés par l'absence de possibilités d'avancement, et par une administration qui semble à la fois lourde et coupée d'eux », a regretté Kofi Annan.

« Malgré toutes les difficultés, notre personnel en fait plus chaque année. Mais notre système de gestion n'est pas à la hauteur. Il n'est pas adapté à la gestion d'opérations mondiales coûtant des milliards de dollars et devant souvent être déployées très rapidement. Tant les fonctionnaires que les États membres méritent mieux », a-t-il fait observer.

« Le moment est venu d'opérer des réformes plus profondes. Ce qu'il faut faire et ce que nous avons la chance unique d'entreprendre, c'est refondre complètement l'ensemble du Secrétariat – ses règles, sa structure, ses rouages – pour qu'il soit mieux adapté aux réalités d'aujourd'hui et puisse mener à bien les nouvelles opérations que les États membres lui confient et attendent de lui qu'il exécute », a-t-il insisté.

« Tout comme ce bâtiment, qui, après avoir été réparé et entretenu au coup par coup pendant 56 ans, a maintenant besoin d'être rénové de fond en comble, notre organisation elle aussi a besoin d'être entièrement remise à neuf, ce qui ne sera possible que s'il existe une volonté soutenue d'y parvenir, à tous les niveaux de la hiérarchie », a-t-il fait observer.

« Le rapport contient des propositions relatives à sept domaines principaux, à commencer par le capital humain – c'est-à-dire la manière dont nous recrutons, encadrons et motivons les femmes et les hommes chargés d'exécuter les mandats que vous nous confiez », a-t-il décrit.

Le deuxième domaine est l'encadrement – c'est-à-dire « les changements dans la haute hiérarchie du Secrétariat pour que le Secrétaire général puisse exercer son autorité en toute efficacité ».

« Troisièmement, le rapport traite de l'informatique et de la télématique, domaine dans lequel un investissement majeur s'impose pour que toutes les parties de l'Organisation puissent communiquer entre elles de façon efficace ».

« Quatrièmement, le rapport indique comment il serait possible de réduire les coûts et de renforcer l'efficacité en réexaminant le mode d'exécution de certains services, par exemple en les délocalisant ou en les externalisant, et en resserrant les règles et procédures de passation des marchés ».

« Cinquièmement, le rapport propose une simplification radicale des processus budgétaires et financiers ».

« Sixièmement, il suggère des moyens de rendre la gestion et le processus budgétaire de l'Organisation plus accessibles pour les États membres et de permettre à ceux-ci d'exercer un meilleur contrôle ».

« Enfin, il préconise la création au Secrétariat d'un petit bureau qui ne s'occuperait que de la gestion du changement proprement dit, en liaison étroite avec un groupe restreint mais représentatif d'États membres ».

« Ces propositions de changement sont toutes interdépendantes, car leur réalisation dépend également de l'observation des normes de déontologie les plus élevées partout au Secrétariat – objectif en vue duquel j'ai déjà, avec votre appui, pris des mesures – et de la réforme de nos systèmes de contrôle et de justice interne, qui font l'objet d'examens distincts », a fait remarquer le Secrétaire général.

« Si la réforme échoue dans l'un ou l'autre de ces domaines, la valeur des réformes menées dans tous les autres risquera d'être fortement réduite, voire réduite à néant. C'est pourquoi je ne saurais assez insister pour que les États Membres envisagent ce processus comme un tout, et coopèrent sans arrière pensée avec l'administration et le personnel du Secrétariat », a fait encore observer Kofi Annan.

« Je suis tout à fait conscient que cette confiance ne peut être considérée comme allant de soi. Je sais que de nombreux États se sentent dépourvus de toute influence réelle sur les affaires de l'Organisation et cherchent à y remédier en affirmant leur autorité sur des questions de détail. Ce faisant, ils perturbent la répartition du travail qui devrait exister entre le Secrétaire général, qui est le plus haut fonctionnaire de l'Organisation, et l'Assemblée générale », a-t-il précisé.

« Nous devons absolument trouver le moyen de rétablir la confiance et de restaurer notre partenariat, en comprenant bien nos rôles respectifs. Le rôle de l'organe directeur est de définir des orientations stratégiques à l'intention de l'administration et de demander à celle-ci des comptes sur les résultats obtenus. Le rôle de l'administration est d'obtenir ces résultats de façon efficace et transparente, afin que l'on puisse la juger sur pièces », a-t-il rappelé.

« Cette réforme n'est pas une opération de réduction des coûts, pas plus qu'une tentative de prise de pouvoir par le Secrétariat, ou une tentative désespérée pour amadouer un ou deux gros bailleurs de fonds », a-t-il encore précisé.

« Certes, ces propositions permettront de réaliser de réelles économies, puisqu'elles réduiront effectivement, à terme, le coût d'un grand nombre de nos activités, dont l'exécution aura été simplifiée. Mais ce que montre surtout le rapport, c'est que pendant des années l'Organisation a été avare d'investissements – dans les ressources humaines, les systèmes informatique et de la télématique – et qu'aujourd'hui, il faut absolument récupérer le temps perdu », a-t-il souligné.

« J'ai intitulé ce rapport 'Investir dans l'Organisation des Nations Unies' parce que je crois que les États Membres doivent être prêts à consentir des investissements importants » […] « S'ils sont réellement prêts à faire cet investissement, tous les États Membres constateront, lorsque les effets des réformes se feront sentir, qu'ils ont à leur disposition une organisation mieux structurée et plus transparente, qu'ils peuvent plus facilement diriger et qui répond plus rapidement et plus efficacement à leurs instructions », a déclaré Kofi Annan.

« Surtout, ils auront une organisation plus utile aux centaines de millions de personnes qui, sans y être pour rien, ont besoin de ses services. J'entends par là les personnes menacées par la misère, par la faim, la malnutrition et les maladies endémiques ou les épidémies, par la désertification et d'autres formes de dégradation de l'environnement, par les catastrophes naturelles, par les conflits civils, l'anarchie, la violence et le crime organisé transnational, par le terrorisme, par l'oppression et la mauvaise gouvernance, par le génocide, le nettoyage ethnique et d'autres crimes contre l'humanité », a-t-il encore affirmé.

Dans le document final du sommet mondial de septembre, les Etats membres avaient également demandé au Secrétaire général des recommandations concernant le réexamen des mandats de l'Organisation. Cette question fera l'objet d'un rapport distinct qui sera publié plus tard dans le courant de ce mois.

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