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Rwanda/Burundi : la lutte contre l'impunité passe par le respect des conventions internationales, rappelle Carolyn MacAskie

Rwanda/Burundi : la lutte contre l'impunité passe par le respect des conventions internationales, rappelle Carolyn MacAskie

Carolyn McAskie
Dans une conférence de presse donnée aujourd'hui, l'Envoyée de l'ONU au Burundi a dénoncé l'accord passé entre les autorités burundaises et rwandaises pour forcer les demandeurs d'asiles rwandais réfugiés au Burundi à retourner au Rwanda, après avoir fui les tribunaux de leur pays qui tentent de juger les coupables du génocide de 1994. Elle a rappelé aux deux pays que s'ils veulent mettre fin à l'impunité dans la région, ils devraient commencer par respecter les conventions internationales eux-mêmes.

« Comme vous le savez, les Nations Unies suivent les événements ente le Rwanda et le Burundi depuis quelques semaines avec l'arrivée ici de Rwandais qui demandaient l'asile pour des raisons qui n'étaient pas nécessairement toujours très claires », a rappelé Carolyn MacAskie, Représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU au Burundi, lors d'une conférence de presse donnée aujourd'hui à Bujumbura, indique un communiqué de l'Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB).

« Depuis le début du mois d'avril dernier, des Rwandais faisaient leur entrée au Burundi par vagues de centaines pour s'installer progressivement dans les provinces de Kirundo, Ngozi, Kayanza et Muyinga, toutes frontalières du Rwanda » (carte), rappelle l'ONUB dans son communiqué.

« Sans que cela ne soit clairement établi, la fuite massive de ces demandeurs d'asile avait été attribuée aux tribunaux Gacaca qui tentent de juger les présumés coupables du génocide rwandais de 1994. Ce flux inattendu de jeunes, de femmes et d'enfants avait posé d'énormes difficultés aussi au plan humanitaire que logistique », poursuit la mission de l'ONU.

« Les organisations humanitaires, avec en première ligne le Haut Commissariat des Réfugiés aux Nations Unies (HCR) ainsi que l'ONUB et les autorités burundaises avaient conjugué leurs efforts pour venir en aide à ces demandeurs d'asile en attendant qu'une solution durable ne soit trouvée. Dans l'intérim, ils avaient été regroupés dans les sites de Songoré, Cankuzo et Myinga », ajoute-t-elle.

« Puis, au sortir d'une réunion tenue en aparté au cours du week-end du 11 juin entre autorités burundaises et rwandaises, les demandeurs d'asile avaient été déclarés « immigrants illégaux » et sommés de reprendre le chemin du retour. Sitôt dit, des moyens ont été déployés par les deux gouvernements pour assurer leur retour au Rwanda. En une semaine, plus de 8 000 immigrés rwandais ont été ainsi rapatriés », précise-t-elle.

« Les Nations Unies se disent choquées par une telle démarche qui est en violation du droit international régissant la question des réfugiés. Cet acte est contraire aux conventions internationales qui règlent le traitement des réfugiés ou des demandeurs d'asile. Nous n'avons pas compris la décision des deux pays de catégoriser ces personnes comme immigrants illégaux », a dénoncé Carolyn MacAskie dans sa conférence de presse.

« L'ONU n'est pas opposée au retour des réfugiés ou de demandeurs d'asile dans leur patrie, pourvu que ces opérations de rapatriement s'opèrent dans le strict respect des normes du droit international qui comprend, entre autres, le respect de la dignité humaine », affirme l'ONU dans son communiqué.

Après le génocide rwandais qui avait fait en 1994 plusieurs centaines de milliers de victimes, « les Nations Unies appuient à 100% les efforts du Rwanda pour essayer de régler tous les problèmes en mettant en place des systèmes judicaires pour traiter ces questions », a déclaré la Représentante du Secrétaire général.

« Ce n'est pas du tout que nous voulons empêcher le processus judiciaire au Rwanda. C'est juste que si le Rwanda et le Burundi veulent mettre fin à l'impunité dans la région, ils devraient commencer par respecter les lois. Et pour mettre fin à l'impunité, cela veut dire qu'ils devraient suivre des procédures qu'ils ont eux-mêmes acceptées au plan international. C'est là le message des Nations Unies », a-t-elle expliqué (voir, sur les propositions examinées par le Conseil de sécurité pour mettre fin à l'impunité au Burundi, notre dépêche d'aujourd'hui).

Dans un message transmis par son porte-parole le 14 juin dernier, le Secrétaire général s'était dit lui aussi « gravement préoccupé » par ces mesures qui « constituent une violation du droit international, en particulier de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et à la Convention de l'Organisation de l'unité africaine de 1969 ».

Le 13 juin dernier, c'est le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui avait condamné l'accord convenu entre les autorités du Burundi et du Rwanda (voir notre dépêche du 14 juin 2005).