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Darfour : l'ONU appelle au succès de la conférence d'Addis-Abeba pour soutenir les forces de l'Union africaine

Darfour : l'ONU appelle au succès de la conférence d'Addis-Abeba pour soutenir les forces de l'Union africaine

Jean-Marie Guéhenno
A la veille de la conférence de soutien à l'Union africaine, organisée par l'ONU et l'Union africaine à Addis-Abeba, qui sera co-présidée par Kofi Annan, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques de l'ONU, Jean-Marie Guéhenno, de retour d'une visite sur le terrain, a affirmé la nécessité d'apporter une assistance aux forces de l'Union africaine, davantage en termes de matériel que de fonds, afin de leur permettre d'améliorer la situation sécuritaire dans cette région.

« Au Darfour, j'ai vu l'immensité du fardeau qui pèse sur la population. J'ai vu des camps de réfugiés et des villages brûlés. Bien qu'elle se soit stabilisée, la situation reste inacceptable », a déclaré aujourd'hui Jean-Marie Guéhenno, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, lors d'une conférence de presse au Siège de l'ONU, à New York, au retour d'une visite sur le terrain au Soudan (voir notre dépêche du 18 mai 2005).

image• Retransmission de la conférence de presse [50mins]

Jean-Marie Guéhenno a rappelé que le Secrétaire général arrivait aujourd'hui à Addis-Abeba, capitale de l'Ethiopie. Il y présidera demain, aux côtés du Président de l'Union africaine (UA), une conférence de donateurs pour un soutien aux forces de l'UA sur le terrain au Darfour (carte).

Il poursuivra son voyage par une visite à Khartoum, Rumbek et dans la région du Darfour (voir notre dépêche du 23 mai 2005).

« Là où se trouve l'UA, la situation s'est améliorée, car sa présence apporte un sentiment de sécurité. Mais dans les camps, les gens ne sont pas prêts à rentrer dans leurs villages. Et c'est pourquoi la situation ne s'améliore pas en dépit des efforts humanitaires pour apporter un soutien à près de 2 millions de personnes ».

« J'ai vu directement comment la présence de l'UA apporte un changement, et le soutien de l'ONU a été l'objet de mes discussions. Je ne suis pas allé sur le terrain pour voir comment l'ONU pouvait remplacer l'UA mais comment nous pouvions l'assister ».

Le Secrétaire général adjoint a souligné que s'il avait un « message du Darfour », c'était la nécessité de faire de cette conférence d'Addis-Abeba un succès.

Si la communauté internationale fait ce que l'on attend d'elle, notamment si l'Union européenne et l'OTAN peuvent réussir à mobiliser des ressources, alors la conférence pourra être un succès et l'UA pourra remplir son rôle.

« Il existe un grand nombre de sensibilités à ménager au Soudan et l'UA a réussi à convaincre tous les acteurs qu'elle mérite leur confiance. C'est pourquoi elle est la mieux placée ». « La crise au Darfour a une implication humanitaire mais aussi stratégique, en ce qu'elle peut détruire l'accord Nord-Sud si elle continue de se détériorer », a ajouté le Secrétaire général adjoint.

Interrogé sur la possibilité du déploiement sur le terrain de troupes provenant d'une autre source que l'Union africaine, Jean-Marie Guéhenno a fait savoir qu'elle estimait elle-même qu'elle était la seule solution et que ce serait la solution qu'il faudrait soutenir.

Interrogé sur les besoins exprimés à la conférence d'Addis-Abeba, Jean-Marie Guehénno a expliqué que l'argent était bienvenu mais que si les pays participants pouvaient apporter directement de l'équipement, cela permettrait d'économiser du temps.

« Ce sera plus efficace que d'écrire des chèques et de passer par tout le processus d'achat ». L'ONU a des mécanismes sophistiqués pour rembourser les pays contributeurs de l'équipement qu'ils fournissent, ce qui n'est pas le cas de l'UA.

Sur le plan logistique, il a précisé que l'UA avait dressé une liste très précise qui sera communiquée demain à Addis-Abeba, qui comporte gilets pare-balles, sacs de couchages, équipements de communication etc. Elle a besoin d'appui aérien, notamment au niveau tactique, a-t-il indiqué, précisant que le nombre de soldats était important mais qu'il faudrait apporter un soutien à ces troupes. Le Darfour, région de l'Ouest du Soudan grande comme la France, est un territoire très étendu et il faudra donc assurer leur mobilité et leur communication et la formation au matériel fourni.

Parallèlement, le Secrétaire général adjoint a souligné l'importance de soutenir le processus politique en cours à Abuja, sans lequel il n'y aura pas de paix au Darfour.

Interrogé sur sa « déception quant à la volonté de la communauté internationale pour résoudre un problème simple en augmentant le nombre de troupes », Jean-Marie Guehénno a estimé que la situation était plus compliquée que la simple nécessité d'avoir des troupes sur le terrain. « Sans processus politique, la présence de troupes ne sera pas suffisante », y compris pour lutter contre le banditisme et les attaques contre le personnel humanitaire. « Il existe au Darfour une féroce compétition pour s'emparer de maigres ressources », a-t-il déclaré.

Il a également prévenu que les casques bleus ne devraient pas prendre pour acquis l'Accord Nord-Sud, signé le 31 décembre 2004 entre le Gouvernement soudanais et les rebelles du Sud du pays. Il est très important que le cadre établi à Naivasha soit consolidé (voir notre dépêche du 5 janvier 2005).

« La direction du SPLM [Mouvement populaire de libération du Soudan de John Garang, signataire de l'Accord Nord-Sud], qui est très engagée, a clairement exprimé qu'elle attendait des hommes sur le terrain aussi rapidement que possible ».

« Le processus d'Abuja a probablement besoin d'être renforcé au niveau de la coordination des pressions politiques, entre le Conseil de sécurité et l'Union africaine. Les représentants du Gouvernement et des rebelles doivent rester à Abuja jusqu'à ce qu'un accord soit réalisé. Mais pour cela il faut que tous ceux qui ont une influence puissent l'exprimer » a-t-il indiqué.

Interrogé par ailleurs sur le nombre de victimes dans la région, Jean-Marie Guehénno a indiqué qu'un rapport humanitaire doit être publié en juin.

Enfin, s'agissant de la coopération du Gouvernement soudanais, le Secrétaire général adjoint a souligné que depuis le mois de janvier, il n'y avait pas eu de cas d'implication directe du Gouvernement dans les attaques contre la population.

Il a aussi estimé que le renvoi des crimes commis au Darfour à la Cour pénale internationale (CPI) avait une « influence sur tous les acteurs ». « Même si les progrès ne sont pas suffisants, l'ombre portée par les trois résolutions du Conseil de sécurité a une grande importance ».

Par trois résolutions, le Conseil de sécurité a décidé de la création d'une Mission de maintien de la paix de l'ONU au Sud-Soudan (voir notre dépêche du 24 mars 2005), imposé des sanctions aux belligérants (voir notre dépêche du 30 mars 2005) et saisi la CPI des crimes commis au Darfour (voir notre dépêche du 1er avril 2005).

- Dossier Soudan du site de l'ONU