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La communauté internationale ne peut laisser le Tribunal pour la Sierra Leone aboutir à un échec, affirme son Président

La communauté internationale ne peut laisser le Tribunal pour la Sierra Leone aboutir à un échec, affirme son Président

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Le Président du Tribunal spécial institué par l'ONU et le Gouvernement de la Sierra Leone pour juger les principaux auteurs de crimes commis lors de la guerre civile dans le pays a demandé au Conseil de sécurité de poursuivre son soutien, notamment en termes de financement, qui est volontaire. Tout échec lancerait un message d'impunité à l'égard des criminels. A l'issue de la séance, le Conseil de sécurité a réitéré son soutien aux travaux du Tribunal.

« J'aimerais exhorter le Conseil de sécurité à continuer à donner un appui efficace et sans réserves au Tribunal spécial, de la manière qu'il jugera adéquate, notamment dans les domaines relatifs à un financement suffisant, au transfert des accusés en fuite et au maintien de la sécurité nécessaire jusqu'à la fin de l'activité du Tribunal », a déclaré aujourd'hui au Conseil de sécurité le Juge Emmanuel Ayoola, Président du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

image • Retransmission de l'exposé au Conseil de sécurité [29mins]

« La communauté internationale ne peut se permettre de laisser le Tribunal spécial pour la Sierra Leone aboutir à un échec. Un tel résultat transmettrait un message négatif à tous ceux qui luttent contre la culture de l'impunité et saperait le respect des droits de l'homme et du droit international. Cela donnerait confiance à tous ceux qui pourraient envisager de commettre des violations délibérées du droit international humanitaire », a-t-il souligné (voir notre dépêche du 28 octobre 2004 pour un tableau dressé par la Commission vérité et réconciliation pour la Sierra Leone sur les atrocités commises dans ce pays).

A l'issue de la séance, la Présidente du Conseil de sécurité, Ellen Margrethe Løj du Danemark, a exprimé, au nom de ses 15 membres, le soutien du Conseil aux travaux du Tribunal spécial et appelé la communauté internationale à poursuivre son appui au Tribunal dans la dernière phase de son activité, en particulier en apportant des contributions financières volontaires.

Le Conseil appelle par ailleurs les Etats à coopérer avec le Tribunal afin que tous les inculpés soient traduits en justice.

image • Retransmission de la déclaration présidentielle [2mins]

Le Président du Tribunal était venu présenter un exposé sur l'état d'avancement des travaux et de la date prévue pour leur achèvement.

Sur la question du financement, le Président a rappelé que cela a été, depuis la création du Tribunal, une de ses principales préoccupations, car « dès le départ, l'ONU a éprouvé quelque réticence à établir un nouveau tribunal financé par des contributions fixes, en plus du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) ».

« La résolution 1315 (2000) avait indiqué que le fonctionnement du Tribunal spécial serait financé par des contributions volontaires de fonds, de matériel et de services d'États, d'organisations intergouvernementales et d'organisations non gouvernementales », « alors même que le Secrétaire général craignait que des contributions volontaires ne soient pas à même de fournir une source sûre et continue de financement pour le fonctionnement du Tribunal, et qu'un Tribunal spécial dépendant de contributions volontaires ne soit ni viable ni durable » a rappelé le Président.

« A ce jour, le Tribunal spécial a reçu environ 54 millions de dollars en tout de contributions volontaires de la part de 33 Etats, pour des prévisions budgétaires de 104 millions de dollars ».

« Compte tenu de l'insuffisance des contributions volontaires, le Secrétaire général s'est adressé au Conseil de sécurité pour demander une subvention au titre du budget programme des Nations Unies pour des missions politiques spéciales afin de compléter les contributions volontaires ».

« Avec l'assentiment du Conseil, le Secrétaire général a demandé à l'Assemblée générale d'affecter jusqu'à 40 millions de dollars au Tribunal spécial. A sa cinquante-neuvième session, l'Assemblée générale a autorisé des dépenses de 20 millions de dollars pour la période allant du 31 juillet 2004 au 30 juin 2005 ».

Mais il n'y a pour l'instant aucune garantie de financement du Tribunal spécial au-delà de 2005, a-t-il souligné, rappelant qu'il laissera derrière lui, après la fin de son activité, des ressources matérielles tangibles pour le système judiciaire sierra-léonais, notamment un bâtiment à la pointe de la technologie, un centre de détention moderne qui respecte les normes internationales en matière de traitement des prisonniers, et la collection documentaire hautement spécialisée de la bibliothèque du Tribunal.

« A un niveau mondial, notre vision et notre mission est de laisser un legs qui servira de modèle pour garantir que dans d'autres situations d'après-conflit les auteurs de violations du droit international humanitaire seront amenés à rendre des comptes, de façon rapide et sans coûts excessifs, en préservant toutes les garanties d'une procédure régulière », a précisé le Juge Ayoola.

Décrivant par ailleurs l'activité du Tribunal, il a rappelé que depuis 2002, date du début de son activité, « le Tribunal a enregistré des progrès notables dans nombre de domaines, en particulier pour ce qui est du personnel, de l'infrastructure, des activités en matière de poursuites et des activités judiciaires ».

« Les fondateurs du Tribunal – le Gouvernement sierra-léonais et l'ONU, ont délibérément restreint le champ d'action du Tribunal en limitant son mandat aux personnes qui portent les responsabilités les plus lourdes des violations graves du droit international humanitaire et du droit sierra-léonais commises sur le sol de la Sierra Leone au cours de la période considérée ».

« Sur les 13 inculpations prononcées par le Procureur, 11 sont actuellement en cours. En décembre 2003, les inculpations prononcées à l'encontre de Foday Sankoh et Sam Bockarie ont été retirées du fait de leurs décès. Sur les 11 accusés restants, neuf sont actuellement sous la garde du Tribunal spécial à Freetown. Sur les deux accusés restants, Charles Taylor, ancien Président de la République du Libéria, s'est vu accorder l'asile au Nigeria. Le dirigeant du Conseil révolutionnaire des forces armées (CRFA), Johnny Paul Koroma, est également en fuite ».

Pour accélérer la procédure, en janvier 2004, la Chambre de première instance a décidé de tenir trois procès communs plutôt que neuf procès distincts, qui se déroulent dans les deux chambres du Tribunal spécial.

En février 2004, le Président du Tribunal spécial a demandé une deuxième Chambre de première instance dont les juges ont été nommés par le Secrétaire général et le Gouvernement sierra-léonais en janvier 2005, et le troisième procès a démarré en mars 2005.

Quant à la date d'achèvement des activités, le Juge Ayoola a souligné que « sur la base du temps utilisé par le Tribunal et du temps nécessaire pour entendre les témoins, on estime que deux des trois procès actuels – à savoir ceux des Forces de défense civile et du Conseil révolutionnaire des forces armées (CRFA)- seront terminés au niveau de la Chambre de première instance d'ici la fin de 2005 ou le début de 2006 » et que les appels pourraient s'achever à la mi-2006.

Le procès du Front révolutionnaire unifié (RUF) au niveau de la Chambre de première instance pourrait s'achever d'ici la fin de 2006, et la procédure d'appels, d'ici le milieu de 2007.

« Le Tribunal reste déterminé à achever rapidement les procès, sans sacrifier l'intégrité du processus judiciaire et sans sacrifier la justice à l'autel de la rapidité », a-t-il affirmé.

Le Juge Ayoola a par ailleurs donné une conférence de presse, aujourd'hui, au siège de l'ONU, à New York.

image • Retransmission de la conférence de presse [32mins]