L'actualité mondiale Un regard humain

Chypre : le constat d'impasse de Kofi Annan

Chypre : le constat d'impasse de Kofi Annan

media:entermedia_image:8bd9fc12-fd88-4ecd-bb76-6f6689fe66aa
Présentant un bilan de ses activités au terme de sa mission de bons offices à Chypre, le Secrétaire général expose une chronologie des efforts accomplis depuis le 13 février 2004, pour conclure qu'en l'état de « l'impasse actuelle », il n'y avait pas de raisons pour qu'il reprenne sa mission de bons offices».

Publié en parallèle de son rapport sur la mission de l'ONU à Chypre, le rapport du Secrétaire général sur sa Mission de bons offices à Chypre, du 28 mai 2004, revient sur les multiples négociations qui ont conduit aux référendums du 24 avril à l'issue desquels la partie turque a accepté le plan de réunification des Nations Unies tandis que la partie grecque l'a rejeté.

« La décision des Chypriotes grecs doit être respectée. Elle représente cependant un revers de taille » expose Kofi Annan qui précise : « ceux-ci souhaiteront sans doute réfléchir à ses incidences pendant les mois à venir ».

Compte tenu du « tournant important qui a été opéré dans la recherche d'une solution au problème de Chypre, il est opportun de passer en revue toute la gamme des activités de paix des Nations Unies à Chypre » précise le rapport,

Après l'échec des efforts menés à La Haye, les 10 et 11 mars 2003, il relate donc la saga des dernières négociations depuis l'accord du 13 février 2004 sur une négociation en trois phases, à Nicosie d'abord, à Bürgenstock en Suisse ensuite jusqu'aux consultations du 31 mars pour rechercher un accord sur un texte final d'Accord de fondation pour la création de la République unie de Chypre dans le cadre d'un « Règlement global », soumis aux référendums du 24 avril 2004.

Exposant l'ampleur des efforts visant à « apaiser, dans la mesure du possible, les principales inquiétudes dont les dirigeants avaient fait part à l'Organisation », le rapport note que le relais politique des négociations n'a pas convaincu les populations des deux parties du bien fondé de l'Accord.

« Du côté des Chypriotes turcs, M. Talat se déclarait tout à fait favorable au « oui », tandis que M. Rauf Denktash s'y opposait, que M. Serdar Denktash, après des consultations, prenait une position neutre. Le Premier Ministre turc, M. Erdoðan s'est ardemment déclaré favorable au « oui » tout comme le Ministre turc des affaires étrangères M. Gül».

« Du côté des Chypriotes grecs, la situation était plus complexe et il faut donc la décrire plus en détail », note le rapport. « M. Papadopoulos, dans le discours qu'il a prononcé à la radio le 7 avril 2004, engageait les Chypriotes grecs à rejeter le plan pour un « non retentissant ». Entre autres choses, il demandait s'il était bien sage de « renoncer à [un] État internationalement reconnu au moment même où il accroît son poids politique avec l'accession à l'Union européenne ».

« Cette appréciation m'a surpris », indique Kofi Annan, «étant donné ce que M. Papadopoulos m'avait dit à Bruxelles en janvier. J'ai également été surpris par son interprétation du plan, étant donné que celui-ci est conçu pour permettre à chacune des deux parties de préserver sa position sur l'avènement de la nouvelle donne ».

Rappelant que, « du côté chypriote grec, le plan avait été rejeté par 75,8 % des électeurs et approuvé par 24,2 % et que du côté chypriote turc, il avait été approuvé par 64,9 % des électeurs et rejeté par 35,1 % », le Secrétaire général indique que son plan, « qui était resté en sommeil pendant un an faute de volonté politique, avait désormais échoué en raison de la décision de l'électorat chypriote grec ».

« Manifestement, un règlement du problème exige plus qu'un plan de paix complet et soigneusement équilibré. Il faut aussi des dirigeants audacieux et déterminés des deux côtés de l'île, ainsi qu'en Grèce et en Turquie, et qui soient tous, au même moment, prêts à négocier avec détermination et à convaincre leur peuple de la nécessité d'un compromis », expose Kofi Annan.

A cet égard, le Secrétaire général rend hommage aux puissances garantes, la Grèce, « dont les dirigeants ont évité que la question de Chypre ne devienne une pomme de discorde », et la Turquie, dont le Gouvernement « a de son côté changé de politique, ce qui a permis à la négociation de décoller et qui augure bien de la maturité politique de ce pays et de ses dirigeants ».

Résumant les implications du vote chypriote grec, Kofi Annan note que pour l'heure, « le rejet de ce plan par l'électorat chypriote grec est [...] une déconvenue majeure. Ce qui a été rejeté est la solution elle-même et non pas une simple ébauche. »

Il en énumère les avantages, certains recherchés depuis des décennies par les Chypriotes grecs, notamment la réunification de Chypre, le retour d'une large bande de territoire, le retour chez elles de la plupart des personnes déplacées (dont une majorité, environ 120 000, sous administration chypriote grecque), le retrait de toutes les forces non autorisées par les traités internationaux, la fin de l'immigration turque et (si les chiffres donnés par les Chypriotes grecs sont exacts) le retour en Turquie d'un certain nombre de « colons. »

« Tout cela est maintenant perdu. Le résultat est le maintien du statu quo, un statu quo jugé inacceptable par le Conseil de sécurité », souligne Kofi Annan.

Il engage par conséquent le Conseil de sécurité, « sans rouvrir les dispositions du plan qui ont déjà été votées et approuvées par les Chypriotes turcs [...] à répondre « aux craintes concernant la sécurité », à condition qu'elles soient exprimées avec clarté et de façon définitive par la partie chypriote grecque.

Mais il souligne que « l'ampleur du vote négatif pose des questions encore plus fondamentales. C'était la première fois que la population chypriote grecque était invitée à voter sur une solution fédérale, bicommunautaire, bizonale du problème de Chypre », exprimant la préoccupation que « s'ils expriment fermement leur volonté de réunifier l'île, nombreux sont ceux qui considèrent qu'un règlement ne leur apporterait que peu d'avantages, mais beaucoup de dérangements et de risques ».

Quant à la partie Chypriote turque, elle s'est prononcée « clairement et de façon convaincante en faveur d'une Chypre unie sous la forme d'une fédération de deux communautés et de deux zones [...] malgré les douleurs et les bouleversements qu'aurait engendrés la réinstallation d'un tiers environ de la population chypriote turque que prévoyait le plan au titre des arrangements territoriaux et des dispositions relatives aux biens », indique le Secrétaire général.

Il l'engage vivement à poursuivre assidûment les efforts en vue de la réunification, le Conseil de sécurité ayant clairement appelé à ne pas soutenir une quelconque entité sécessionniste.

« Pour ce qui est de l'avenir de ma mission de bons offices » conclut Kofi Annan, « les résultats des référendums ont conduit à une impasse. M. Papadopoulos a déclaré qu'il n'était pas disposé à soumettre le plan à référendum une deuxième fois, à moins que des changements n'y soient apportés, changements qu'il n'a pas précisés. »

« D'autres voix chypriotes grecques s'élèvent en faveur d'un deuxième référendum, à la recherche de garanties de sécurité et de mise en œuvre supplémentaires, sans non plus préciser lesquelles, poursuit le Secrétaire général. De leur côté, les Chypriotes turcs, ayant approuvé le plan par référendum, s'opposent à ce qu'on le remette en négociation. Aucune des parties chypriotes n'a présenté à l'Organisation ni à l'autre partie, que je sache, de proposition tendant à surmonter cette impasse ».

« Tant que les choses demeureront en l'état, je ne vois aucune raison de reprendre mes bons offices » conclut Kofi Annan.