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Gaza : le monastère de Saint-Hilarion inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en péril

Mosaïque à l'intérieur du monastère de Saint-Hilarion.
© UNESCO
Mosaïque à l'intérieur du monastère de Saint-Hilarion.

Gaza : le monastère de Saint-Hilarion inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en péril

Culture et éducation

En raison de la guerre en cours entre Israël et le Hamas depuis le 7 octobre dernier, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a annoncé, vendredi, sa volonté de protéger le monastère de Saint-Hilarion, l’un des plus anciens du Moyen-Orient, bâti dans la bande de Gaza.

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Selon le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, réuni à New Delhi (Inde), cette décision d’inscrire ce site sur la Liste du patrimoine mondial en péril, vient reconnaître à la fois « la valeur universelle exceptionnelle de ce site et le devoir de le protéger face aux dangers imminents», explique l’agence onusienne dans un communiqué.

« Situés sur les dunes côtières de la municipalité de Nousseirat, les vestiges du monastère de Saint-Hilarion/Tell Umm Amer représentent l’un sites monastiques les plus anciens du Moyen-Orient, datant du IVe siècle», écrit l’UNESCO sur son site Internet. Localisé au carrefour des principales routes de commerce et d’échanges entre l’Asie et l’Afrique, il constitua un centre d’échanges religieux, culturels et économiques, illustrant la prospérité des sites monastiques désertiques de la période byzantine.

Menaces imminentes pesant sur ce patrimoine

Le monastère fut fondé par Saint Hilarion et a accueilli la première communauté monastique en terre sainte. « Compte tenu des menaces imminentes qui pèsent sur ce patrimoine dans le contexte du conflit en cours dans la bande de Gaza, le Comité du patrimoine mondial a eu recours à la procédure d’urgence prévue dans les procédures de la Convention du patrimoine mondial », a justifié l’Agence de l’ONU chargée de la préservation du patrimoine.

L’inscription sur la Liste du patrimoine mondial en péril ouvre droit à des mécanismes renforcés d’assistance internationale, techniques et financiers  afin de garantir la protection du bien et le cas échéant d’aider à sa réhabilitation.

En décembre 2023, lors de sa 18e session, le Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé avait déjà décidé d’accorder une « protection renforcée provisoire » au monastère, au titre de la Convention de La Haye de 1954 et son Deuxième Protocole.

Conformément aux termes de la Convention, ses 195 États parties s’engagent à ne prendre délibérément aucune mesure susceptible d’endommager directement ou indirectement ce site désormais inscrit sur la Liste du patrimoine mondial et à apporter leur concours à sa protection.

Le complexe thermal comprenant les salles chaudes des ruines du monastère Saint-Hilarion.
© UNESCO
Le complexe thermal comprenant les salles chaudes des ruines du monastère Saint-Hilarion.

Des familles qui s’abritent où elles peuvent

Cette nouvelle décision de l’UNESCO intervient alors que les rapports des médias font état ce vendredi d’une nouvelle vague de frappes aériennes qui a visé l’enclave palestinienne, notamment Khan Younis dans le sud, le camp de réfugiés de Bureij dans le centre et la ville de Gaza dans le nord de l’enclave.

Avec cette poursuite des hostilités et les fréquents ordres d’évacuation de l’armée israélienne, neuf Gazaouis sur dix ont été déplacés de force. Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), les familles cherchent à s’abriter où elles peuvent, notamment dans « des écoles surpeuplées », mais aussi dans « des bâtiments détruits, des tentes de fortune sur le sable ou au milieu de tas d’ordures ».

« Aucun de ces endroits n’est sûr. Les gens n’ont nulle part où aller », a regretté l’UNRWA sur le réseau social X.

Sur le terrain, les ordres d’évacuation fréquents et les hostilités incessantes continuent de dévaster le système de santé de Gaza.

Alors que les populations ne peuvent pas accéder aux services de santé essentiels, en particulier ceux qui souffrent de maladies chroniques, l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS) a indiqué que six échantillons de polio de type 2 ont été détectés dans certaines parties de la bande de Gaza.

Le fléau de la polio

Selon le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, il s’agit d’un « nouveau développement grave dans le voyage sans fin de la misère ». Une façon de rappeler que la polio apparaît en raison de « l’effondrement du système de santé, du manque d’eau potable et de matériel d’hygiène, de la surpopulation des abris et des mauvaises conditions d’hygiène ».

M. Lazzarini a averti que les maladies « ne font pas de différence entre les personnes, ne connaissent pas de frontières et n’ont pas besoin de visa ou de permis pour voyager », et que la propagation de la polio à Gaza pourrait affecter d’autres pays à moins qu’un cessez-le-feu ne permette de reprendre les vaccinations.

Bien qu’aucun cas de paralysie n’ait encore été détecté, les conclusions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont confirmé la propagation de la polio dans les eaux usées de Gaza. Pour l’UNRWA, la propagation de la polio à Gaza et au-delà peut être contrôlée par des campagnes de vaccination visant à atteindre chaque enfant, où qu’il se trouve.

« Avec la guerre, le taux de vaccination des enfants est passé d’un niveau semi-universel à un peu plus de 85 %, car les gens se déplacent constamment, fuyant les zones de combat, à la recherche de sécurité », a fait valoir le chef de l’UNRWA, relevant qu’« un cessez-le-feu et une augmentation du flux de vaccins le permettront ».

Un enfant marchant dans les ruines de Gaza.
© UNRWA
Un enfant marchant dans les ruines de Gaza.

Enfants malnutris

Par ailleurs, la situation nutritionnelle à Gaza s’est rapidement détériorée depuis le début du conflit, selon le groupe sectoriel de l’ONU chargé de la nutrition des enfants présidé par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

« Cinq fois plus d’enfants sont actuellement touchés par la malnutrition dans certains gouvernorats (Rafah, Khan Younis et le centre de l’enclave) par rapport à la période précédant le conflit, tandis que jusqu’à 8 % des enfants souffrent de malnutrition aiguë dans la ville de Gaza, ont indiqué dans le dernier rapport de situation les agences humanitaires.

Ce troisième rapport sur la vulnérabilité nutritionnelle souligne que les trois déterminants clés de la malnutrition - alimentation, services et soins - sont directement touchés dans la bande de Gaza, ce qui expose les femmes et les enfants les plus vulnérables à un risque imminent. Le document estime que plus de 50.000 enfants souffriront de malnutrition d’ici à la fin de 2024, dont 10.000 de malnutrition aiguë sévère, ce qui les expose à « un risque de décès plus élevé ».

La qualité et la quantité des aliments disponibles ont diminué. Plus de 90 % des enfants âgés de 6 à 23 mois et 95 % des femmes enceintes et allaitantes consomment deux groupes d’aliments ou moins par jour, ce qui témoigne d’une « diversité alimentaire limitée ».

Le PAM contraint de réduire les rations alimentaires

Selon ce groupe présidé par l’UNICEF, presque tous les ménages ont été contraints de sauter des repas ou de réduire leur propre consommation de nourriture pour s’assurer que leurs enfants aient suffisamment à manger.

C’est dans ce contexte que le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de réduire les rations alimentaires pour les familles « afin d’assurer une couverture plus large pour les personnes nouvellement déplacées ».

Dans un message posté sur X, l’agence onusienne basée à Rome ajoute que les fournitures humanitaires et les stocks de nourriture sont rares dans le centre et le sud de la bande de Gaza.

« Pratiquement aucune fourniture commerciale n’est acheminée », a détaillé le PAM rappelant qu’«aucun endroit de la bande de Gaza n’est sûr».

Plus largement, la guerre à Gaza a provoqué une grave crise humanitaire, les enfants faisant partie des populations les plus vulnérables. Selon l’UNRWA, plus de 37.000 Palestiniens auraient perdu la vie et environ 87.000 personnes auraient été blessées depuis le début de la guerre en octobre 2023.

Plus de 1.300 enfants sont portés disparus. L’UNRWA estime que 17.000 à 25.000 enfants sont non accompagnés ou séparés de leur famille, beaucoup d’entre eux ayant perdu un ou deux parents.