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La majeure partie de la bande de Gaza a été détruite par le conflit.

L’agriculture de Gaza dévastée par plus de neuf mois de guerre

© UNRWA
La majeure partie de la bande de Gaza a été détruite par le conflit.

L’agriculture de Gaza dévastée par plus de neuf mois de guerre

Paix et sécurité

Alors qu’un demi-million d’habitants de Gaza sont toujours confrontés à des niveaux « catastrophiques » de faim, les neuf mois de conflit quasiment ininterrompus ont entraîné d’énormes « pertes agricoles » dans l’enclave palestinienne, ont indiqué des agences humanitaires des Nations Unies.

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), les opérations militaires israéliennes en cours à Rafah et dans l’est de Khan Younis, où une grande partie de la production agricole était concentrée avant la guerre, ont causé « des dommages supplémentaires » aux serres. Les hostilités ont également forcé davantage de personnes à laisser leurs fermes sans surveillance, « ce qui déstabilise encore plus les systèmes alimentaires ».

Les activités agricoles, y compris le jardinage à petite échelle qui est essentiel pour améliorer la diversité alimentaire, restent « suspendues ». L’absence d’un flux constant de semences, d’engrais et d’autres intrants pour la production animale et végétale est un obstacle majeur au rétablissement de la production alimentaire locale à Gaza.

« Les conséquences de l’absence de la prochaine saison agricole seront probablement dévastatrices pour les moyens de subsistance des populations », a averti l’OCHA dans son dernier rapport de situation humanitaire sur l’enclave palestinienne.

Des Palestiniens déplacés font la queue pour une distribution de nourriture dans le nord de Gaza (photo d'archives).
© UNRWA
Des Palestiniens déplacés font la queue pour une distribution de nourriture dans le nord de Gaza (photo d'archives).

La production alimentaire locale menacée

Pour venir en aide au secteur, les partenaires humanitaires de l’ONU ont distribué, au cours de la première quinzaine de juillet, environ 36 tonnes d’aliments pour animaux à plus de 350 ménages éleveurs dans le sud et le centre de Gaza. Une aide qui contribue ainsi à la production locale de viande et de produits laitiers, qui sont essentiels pour assurer un régime alimentaire nutritif, en particulier pour les enfants.

Dans la bande de Gaza, l’agriculture mobilise plus de 40% de la surface terrestre et produit environ 20 à 30 % des aliments consommés quotidiennement. Dans un rapport publié le 26 juin dernier, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a indiqué que les dommages causés au secteur agricole par la guerre sont « considérables ».

Selon l’agence onusienne basée à Rome, cela a entraîné une interruption quasi totale de la production locale d’aliments frais et nutritifs. Les moyens de subsistance des agriculteurs, pasteurs et pêcheurs vulnérables ont été fortement réduits, ce qui compromet gravement la perspective d’un relèvement.

Selon la FAO, les ménages très dépendants de l’agriculture ont perdu jusqu’à 72 % de leurs revenus. De plus, le nombre d’animaux d’élevage est en chute libre. En effet, une large part du cheptel exploité pour la viande et les produits laitiers à Gaza a été abattu, consommé ou blessé et perdu à cause du conflit.

Plus de la moitié des terres cultivées sont endommagées

Une analyse récente des données satellitaires effectuée par la FAO avait également mis en évidence une augmentation continue de la surface des terres agricoles endommagées. Plus de la moitié des terres (plus de 57 %) avaient été endommagées dans l’ensemble de la bande de Gaza, selon une étude effectuée en mai dernier.

Plus de 60 % des terres touchées sont des vergers, près de 20 % servent au maraîchage et la même proportion à la culture de céréales. La FAO a ainsi constaté une augmentation de 33 % de la surface des terres endommagées depuis janvier 2024.

Les images satellite ont ainsi montré en outre que les empreintes de véhicules lourds, les démolitions, les tirs d’obus et les autres pressions induites par le conflit ont gravement endommagé les infrastructures agricoles de Gaza. Elles ont révélé que près de 33 % des serres ont été endommagées, de même que plus de 46 % des puits et plus de 2.300 infrastructures agricoles.

Des pénuries critiques

Par ailleurs, l’insécurité, les routes endommagées, l’effondrement de l’ordre public et les restrictions d’accès continuent d’entraver la circulation le long de la principale route de fret humanitaire entre le point de passage de Kerem Shalom et Khan Younis et Deir al Balah.

Cette situation a entraîné des pénuries critiques de produits d’aide pour soutenir les opérations humanitaires, y compris le fonctionnement des cuisines communautaires, en plus d’augmenter le risque de détérioration et d’infestation des fournitures alimentaires bloquées en raison des températures extrêmement élevées.

Selon l’OCHA, le passage du carburant et des fournitures d’aide du centre/sud de Gaza vers le nord continue d’être partiellement entravé. En conséquence, les six boulangeries du nord de Gaza (quatre dans la ville de Gaza et deux dans le nord de Gaza) ne reçoivent que de maigres quantités de carburant, suffisantes pour les faire fonctionner quelques jours à la fois.

L’une des lueurs d'espoir Gaza, c’est la réouverture d’un centre de santé des Nations unies à Khan Younis, six mois après avoir été gravement endommagé et contraint de fermer à la suite de violents combats.
UN News
L’une des lueurs d'espoir Gaza, c’est la réouverture d’un centre de santé des Nations unies à Khan Younis, six mois après avoir été gravement endommagé et contraint de fermer à la suite de violents combats.

Plus de 300 points de prestation pour la nutrition des enfants

Plus largement, les mouvements de populations répétés, l’insécurité et les difficultés d’accès continuent d’entraver la détection précoce des enfants et des femmes nécessitant des services de nutrition.  Depuis la mi-janvier, près de 170.000 enfants âgés de 6 à 59 mois et plus de 10.000 femmes enceintes et allaitantes ont fait l’objet d’un dépistage de la malnutrition.

Sur l’ensemble des enfants dépistés, 11.500 ont été diagnostiqués comme souffrant de malnutrition aiguë et ont reçu un traitement conformément aux protocoles simplifiés. Les autres enfants ont été aussi admis au traitement.

Au 20 juillet, plus de 300 points de prestation de services pour l’alimentation complémentaire de jeunes enfants étaient disponibles. Depuis la mi-juillet, près de 100 tonnes de suppléments nutritifs à base de lipides sont entrées à Gaza, permettant aux partenaires de reprendre le programme d’alimentation complémentaire à grande échelle.

Les Gazaouis « épuisés par les déplacements continus »

Ces derniers développements nutritionnels interviennent alors que les ordres d’évacuation fréquents et les hostilités incessantes continuent de dévaster le système de santé de Gaza.

Selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), les populations ne peuvent pas accéder aux services de santé essentiels, en particulier ceux qui souffrent de maladies chroniques. « Les hôpitaux sont sollicités au-delà de leurs capacités ».

Sur le terrain, les mouvements de populations se poursuivent au grès des ordres d’évacuation de l’armée israélienne. Selon l’agence onusienne, de nombreuses familles sont continuellement contraintes de se déplacer à l’intérieur de la bande de Gaza, où il n’y a pas d’endroit sûr.

« Les habitants sont épuisés par les déplacements incessants. Ils laissent presque tout derrière eux, emportant ce qu’ils peuvent dans leurs mains », a déclaré sur le réseau social X, Louise Wateridge, porte-parole de l’UNRWA à Gaza.

Les familles avec de jeunes enfants sont ainsi obligées de courir à travers des zones dangereuses, « au milieu des bombardements et des opérations militaires, sans aucun endroit sûr où aller ».

« Les enfants pleurent et crient, tout le monde se retrouve une fois de plus dans cette horrible situation. Cela ne cesse de se reproduire », a ajouté Mme Wateridge, relevant qu’ils sont forcés d’aller d’un endroit à l’autre. « On leur promet la sécurité là où il n’y en a pas ».

Une grande partie de la bande de Gaza a été détruite
© UNRWA
Une grande partie de la bande de Gaza a été détruite

Les Palestiniens de Gaza continuent d’être poussés vers le sud

D’une manière générale, les Palestiniens de la partie nord dévastée de la bande de Gaza, où le flux d’aide humanitaire a été plus lent que dans les autres parties de l’enclave en raison des attaques militaires israéliennes, continuent d’être contraints de se déplacer vers le sud, selon l'OCHA.

Sur le terrain, les agences humanitaires travaillent avec ses partenaires pour enregistrer les déplacés et leur fournir de l’aide, alors qu’ils sont obligés de parcourir des routes dangereuses et de traîner le peu d’affaires qu’ils ont.

Le lieu où les travailleurs humanitaires fournissaient cette assistance a dû être déplacé de 800 mètres plus au sud à la suite d’un bombardement près du point de contrôle israélien en début de semaine.   

L’OCHA a fait savoir également que des combats intenses et des déplacements à grande échelle se poursuivent à Khan Younis, dont la plupart des habitants se dirigent vers un lieu qualifié de « zone humanitaire » par les autorités israéliennes.  Pour rappel, cette zone –d’une taille plus réduite qu’avant l’ordre d’évacuation de lundi– est déjà surpeuplée et manque presque entièrement d’infrastructures et de services.  

L’ONU et ses partenaires humanitaires ont été en contact téléphonique avec des centaines de personnes coincées dans la zone désignée pour l’évacuation. Parmi elles se trouvent plus de 300 personnes qui étaient hébergées dans des écoles, mais aussi des personnes à mobilité réduite et des membres de leur famille restés sur place pour les soutenir.

Une situation humanitaire « catastrophique », selon Guterres

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a estimé jeudi, en réponse à des questions de journalistes lors d'une conférence de presse à New York, que la situation humanitaire à Gaza était « une catastrophe totale ».

Cela s'explique, selon lui, par « une campagne militaire qui a connu le plus haut niveau de meurtres et de destructions dont je me souvienne dans toute autre campagne militaire depuis que je suis Secrétaire général, partout dans le monde ».

« La deuxième raison est que le niveau de l’aide humanitaire est totalement disproportionné par rapport aux besoins », a-t-il ajouté, notant une « situation d’anarchie totale », où « l’ordre public a complètement disparu », avec des convois pillés, ce qui entrave la distribution de l'aide.

Le chef de l'ONU a également souligné que l'appel de fonds humanitaire n'est financé qu'à hauteur de 36%.