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Gaza : un convoi du PAM bloqué par Israël puis pillé par « une foule désespérée »

Une réduction de 50% de l'aide apportée à Gaza, déchirée par la guerre, en février, a entraîné une forte augmentation de la malnutrition, de la faim et de la famine.
© UNRWA
Une réduction de 50% de l'aide apportée à Gaza, déchirée par la guerre, en février, a entraîné une forte augmentation de la malnutrition, de la faim et de la famine.

Gaza : un convoi du PAM bloqué par Israël puis pillé par « une foule désespérée »

Paix et sécurité

Alors que la famine menace la bande de Gaza, un convoi de nourriture du Programme alimentaire mondial (PAM) a été bloqué mardi 5 mars par l’armée israélienne à l’intérieur de la bande de Gaza. Ce convoi a ensuite été pillé par « une foule désespérée », a indiqué l’agence onusienne.

Dans un communiqué, le PAM a souligné que sa tentative de reprendre les livraisons dans le nord de l’enclave palestinienne avait été « largement infructueuse ».

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Un convoi alimentaire composé de 14 camions transportant environ 200 tonnes de nourriture faisaient route vers le nord du territoire, pour la première fois depuis que l’agence y a suspendu ses livraisons le 20 février, lorsque le convoi a été arrêté à un checkpoint de l’armée israélienne.

Il s’agissait du premier convoi du PAM depuis la suspension des livraisons vers le nord le 20 février. « Bien que le convoi d’aujourd’hui (mardi) n’ait pas pu atteindre le nord pour fournir de la nourriture aux personnes qui sont affamées, le PAM continue d’explorer tous les moyens possibles pour y parvenir », a déclaré Carl Skau, Directeur exécutif adjoint du PAM.

La route reste le meilleur moyen pour transporter des vivres

Après trois heures d’attente à ce checkpoint de Wadi Gaza, dans le centre du territoire, le convoi a été contraint de rebrousser chemin, a indiqué l’agence basé à Rome. Après avoir été refoulés, les camions ont été déroutés puis arrêtés par une foule nombreuse de personnes désespérées qui ont pillé la nourriture des camions, emportant environ 200 tonnes.

Désormais, le PAM dit explorer tous les moyens d’acheminer de l’aide dans cette zone mais souligne que la route est le seul moyen de transporter de la nourriture en quantité suffisante pour éviter la famine qui menace la population.

Par ailleurs, un parachutage effectué mardi, en collaboration avec l’armée de l’air jordanienne, a permis de larguer six tonnes de nourriture, soit une quantité suffisante pour 20.000 personnes, a indiqué l’agence.

« Les parachutages sont une solution de dernier recours et ne permettront pas d’éviter la famine », a déclaré Carl Skau. « Nous avons besoin de points d’entrée dans le nord de Gaza afin de livrer suffisamment de nourriture pour un demi-million de personnes qui en ont désespérément besoin », a-t-il dit.

Utilisation du port d’Ashdod

Selon l’ONU, la famine est « quasiment inévitable » pour plus de 2 millions des 2,4 millions d’habitants de Gaza. La situation est notamment critique dans le Nord où l’acheminement de l’aide par voie terrestre depuis son principal point d’entrée, la ville de Rafah dans le Sud, est rendu difficile par les destructions et les combats.

La faim y a atteint des « niveaux catastrophiques », a prévenu le PAM mardi. « Les enfants meurent de maladies liées à la faim et souffrent de malnutrition sévère », a-t-il souligné, estimant qu’un cessez-le-feu était nécessaire de toute urgence et qu’une opération « de secours massive nécessite davantage de points d’entrée à Gaza, y compris depuis le nord, et l’utilisation du port d’Ashdod ».

Toutefois selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), les trois premiers jours de mars ont vu une « augmentation marginale » du nombre de camions entrant à Gaza, avec une moyenne de 127 camions par jour, bien en deçà de la capacité opérationnelle des deux postes-frontières. En février, le nombre de camions entrant à Gaza a été très faible, avec une moyenne de près de 99 camions par jour.

Le nombre de camions entrant dans la bande de Gaza reste bien en deçà de l’objectif de 500 par jour, ce qui pose des problèmes d’acheminement des fournitures par Karem Abu Salem (Kerem Shalom) et Rafah. « Les camions de l’UNRWA ont eu du mal à entrer dans la bande de Gaza en raison de la guerre et de l’ouverture irrégulière des deux points de passage ».

Des repas chauds sont distribués à Gaza.
© WFP/Mostafa Ghroz
Des repas chauds sont distribués à Gaza.

Malnutrition infantile

Ces restrictions interviennent alors que l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS) et l’UNICEF se sont inquiétés des niveaux particulièrement élevés de malnutrition infantile dans le nord de la bande de Gaza. Au moins 15 enfants seraient morts de malnutrition et de déshydratation à l’hôpital Kamal Adwan, dans le nord de la bande de Gaza, et six autres enfants souffrant de malnutrition aiguë sont en danger de mort.

Sur un autre plan, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) indique que la semaine dernière –entre le 26 février et le 3 mars - 17 partenaires humanitaires ont apporté une aide alimentaire à environ 245.000 personnes par jour.  Il s’agissait notamment de colis alimentaires et de repas chauds, dont 42% ont été distribués aux habitants de Rafah, le reste étant distribué à Deïr el-Balah, Khan Younis, dans la ville de Gaza et dans le nord de Gaza.

Les partenaires de l’ONU font état d’un manque de vivres à distribuer, car les quantités qui entrent à Gaza sont très limitées par rapport aux besoins existants.  L’ONU continue de réclamer l’ouverture de points d’entrée fiables qui permettraient aux personnels humanitaires d’acheminer l’aide depuis tous les points de passage possibles, y compris vers le nord de Gaza.

La poursuite des frappes aériennes et les violents combats à Gaza continuent également d’empêcher que les opérations humanitaires soient sûres et efficaces.  Les humanitaires ont besoin de garanties de sécurité et d’un passage sans entrave pour distribuer l’aide, à grande échelle, à travers Gaza.

Un enfant sur six âgés de moins de deux ans dans le nord de Gaza est sévèrement malnutri.
© UNRWA
Un enfant sur six âgés de moins de deux ans dans le nord de Gaza est sévèrement malnutri.

Il faut autoriser plus d’aide

Mercredi, le chef de l'agence de santé des Nations Unies, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a demandé qu'une aide humanitaire bien plus importante soit être autorisée à entrer à Gaza, soulignant la malnutrition qui sévit chez de nombreux enfants.

Il s’agit « d’enfants qui ont survécu aux bombardements, mais qui ne survivront peut-être pas à la famine », a dit le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

« La faim a atteint des niveaux catastrophiques », a renchéri mercredi, lors d’une conférence de presse par visioconférence, Jamie McGoldrick, Coordonnateur humanitaire de l’ONU pour le territoire palestinien occupé, décrivant une visite de deux jours dans la bande de Gaza.

« Des enfants meurent de faim », a-t-il déclaré, alors que les médias indiquent qu'au moins 20 enfants ont succombé à la faim dans l'enclave assiégée et bombardée, dont plus récemment un bébé de 14 jours.

Appelant à un plan pour faire face à cette crise, il a souligné que les besoins immédiats incluent l'utilisation d'une route d'accès militaire au nord de Gaza pour un minimum de 300 camions d'aide chaque jour.

Manque d'eau et violence sexiste

Concernant sa visite au camp de Misq et Layan à Al Mawasi, dans le sud de Gaza, M. McGoldrick a indiqué que les femmes déplacées ont fait part de l'énorme ampleur des besoins, qui incluent l'intimité, la sécurité, l'hygiène et l'incapacité de se préparer pour le Ramadan.

Les femmes ont expliqué que la vie quotidienne dans un camp communautaire les oblige à faire face au harcèlement sexuel sur le chemin des toilettes non séparées, au manque d'eau potable et à la violence sexiste, a-t-il expliqué.

Une femme a déclaré qu'elle avait accouché et qu'elle avait ensuite été forcée de déménager dans le camp deux jours plus tard avec ses autres enfants, dont l'un  vit avec un handicap, a-t-il ajouté.La nuit, en se promenant dans les camps, « on entend les femmes pleurer », a-t-il dit.