L'actualité mondiale Un regard humain

Le Pakistan ordonne aux étrangers sans-papiers de partir, l’ONU s'inquiète pour les Afghans

Des enfants réfugiés afghans grimpant sur un camion dans la zone frontalière entre Pakistan et Afghanistan (archives).
Mehrab Afridi
Des enfants réfugiés afghans grimpant sur un camion dans la zone frontalière entre Pakistan et Afghanistan (archives).

Le Pakistan ordonne aux étrangers sans-papiers de partir, l’ONU s'inquiète pour les Afghans

Migrants et réfugiés

L’ordre donné par le Pakistan de quitter le territoire pour tous les étrangers sans papiers aura des impacts négatifs sur les ressortissants afghans, s’inquiètent le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Depuis l'annonce d’un « plan de rapatriement des étrangers illégaux » par le Pakistan le 3 octobre 2023, environ 374 000 personnes sont rentrées en Afghanistan, « la plupart dans la peur et dans la précipitation », a expliqué ce matin la Représentante du HCR au Pakistan Philippa Candler lors d’un point presse aux Nations Unies à Genève. Dans ce contexte, elle a déploré une augmentation exponentielle des arrestations, des détentions et des expulsions d'Afghans au Pakistan.

Même constat du côté de l’OIM, qui a observé une hausse sensible des passages à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. « Le nombre de passages est passé de 200 par jour à 17 000 depuis que les autorités pakistanaises ont fixé au 1er novembre la date limite pour le ‘retour volontaire’ de tous les Afghans sans papiers au Pakistan dans leur pays d'origine », a réagi l’agence.

« Leur situation est désespérée ; la plupart des gens ont été forcés de quitter le pays et de laisser derrière eux leurs biens et leurs économies », a expliqué la porte-parole de l’OIM Itayi Viriri ce mardi devant les journalistes à Genève. 

« Un grand nombre de ces Afghans n'ont jamais vécu en Afghanistan. Ils sont nés et ont grandi au Pakistan. Plus de 52 % de ces personnes sont des femmes et des filles avec le risque pour elles de ne pas pouvoir retourner à l’école en Afghanistan », s’est-il aussi inquiété.

Harcèlement, extorsion et mauvais traitements

De nombreux Afghans rencontrés dans différentes provinces du Pakistan par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés ont déclaré être partis précipitamment de chez eux. Même des réfugiés enregistrés – et donc exemptés de ces nouvelles ordonnances - ont expliqué avoir paniqué et fui en raison d’informations faisant état d'intimidations de la part des autorités locales et d'expulsions par des propriétaires.

« Ceux qui arrivent maintenant aux postes frontières à l'intérieur de l'Afghanistan sont épuisés et ont besoin d'une aide d'urgence. Nombre d'entre eux se sont plaints de harcèlement, d'extorsion et de mauvais traitements. Des femmes et des enfants désespérés font partie de ceux qui n'ayant pas eu d'autre choix que de faire leurs valises et de partir », a indiqué Philippa Candler.

« J'étais tellement paniquée, ces cinq nuits passées avec mes filles sur le chemin de Kandahar m'ont totalement détruite », a raconté à l’OIM Aliya, 32 ans et mère de deux enfants. « On s'est occupé de nous à la frontière, mais il y a tellement de gens ici en même temps, c'est très difficile », a-t-elle ajouté.

Le HCR a réitéré son appel à ce que tout retour en Afghanistan soit volontaire, sûr et digne, quel que soit le statut juridique au Pakistan. « Le gouvernement pakistanais doit mettre en place un mécanisme de filtrage pour identifier les personnes ayant besoin d'une protection internationale », a insisté la représentante du HCR dans le pays. 

Les arrivées massives en Afghanistan s'ajoutent à la crise humanitaire en cours alors que les températures commencent à baisser à l’approche de l’hiver – dans certains endroits, les minimales sont déjà passées en dessous de -4 °C. De nombreux rapatriés afghans sont vulnérables. Des femmes et des enfants pourraient perdre la vie lors d'un hiver rigoureux s'ils n'avaient pas d'abri adéquat, a prévenu le HCR.