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Fonds humanitaires : le HCR confronté à l’un de ses moments les plus difficiles

Des Sud-Soudanais de retour dans leur pays après avoir fui les combats au Soudan où ils s'étaient réfugiés.
© WFP/Eulalia Berlanga
Des Sud-Soudanais de retour dans leur pays après avoir fui les combats au Soudan où ils s'étaient réfugiés.

Fonds humanitaires : le HCR confronté à l’un de ses moments les plus difficiles

Migrants et réfugiés

Le chef de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés s’est inquiété, lundi, d’un déficit de financement important de ses opérations, relevant que son agence était confrontée à l’un des moments les plus difficiles de son histoire de plus de 70 ans, avec quelque 110 millions de personnes déplacées de force dans le monde.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est ainsi confronté à un déficit de financement de 650 millions de dollars cette année et les perspectives pour 2024 sont « encore plus inquiétantes et dangereusement basses ».

« Je suis extrêmement préoccupé par le sous-financement du HCR et, d’une manière générale, par les opérations humanitaires. Je n’ai jamais été aussi inquiet depuis près de huit ans que j’occupe cette fonction », a affirmé Filippo Grandi, Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés.

Le chef du HCR, Filippo Grandi, lors d'une rencontre avec un groupe de réfugiés soudanais au Soudan du Sud.
© UNHCR/Charlotte Hallqvist
Le chef du HCR, Filippo Grandi, lors d'une rencontre avec un groupe de réfugiés soudanais au Soudan du Sud.

Le Plan de réponse pour le Soudan largement sous-financé

Cette alerte du HCR intervient alors que des conflits, comme ceux de l’Ukraine et du Soudan, ont poussé les déplacements à des niveaux record dans le monde entier. 

Par exemple, le plan de réponse humanitaire à l’intérieur du Soudan, qui inclut plus de quatre millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays depuis avril, n’est financé qu’à hauteur d’un tiers, par exemple. Le plan régional d’intervention en faveur des réfugiés du Soudan, qui prévoit un milliard de dollars, n’est financé qu’à hauteur d’un quart. 

Dans ce discours prononcé à Genève devant le Comité exécutif, l’organe directeur du HCR, Filippo Grandi s’est aussi préoccupé de la persistance des besoins humanitaires en Ukraine. Or pour ce pays, l’aide internationale ne se contente pas de sauver des vies, mais elle renforce également la force de la population à s’adapter aux circonstances changeantes.

« Quiconque a visité l’Ukraine depuis le début de la guerre sait que le stoïcisme et la résilience de la population sont une véritable source d’inspiration », a dit M. Grandi, relevant que la réalité du monde d’aujourd’hui est qu’il y a plus de besoins humanitaires que de ressources humanitaires disponibles.

Des baisses inquiétantes de l’aide alimentaire pour les réfugiés

« Certains donateurs importants nous disent que leurs budgets humanitaires - malgré l’augmentation du nombre de crises - sont en train d’être réduits », a-t-il ajouté. En attendant, le HCR se réajuste et compte aussi sur le financement privé, qui sera « substantiel, mais pas au même niveau que l’année dernière, lorsque la crise ukrainienne a suscité un vaste effort de solidarité ». 

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Les conséquences de ces déficits financiers sont graves, affectant ainsi les réfugiés et les personnes déplacées internes, et pesant sur les pays d’accueil (qui restent les principaux bailleurs de fonds des réfugiés). Face à ces déficits de financement, des réductions inquiétantes de l’aide alimentaire ont déjà été constatées au Bangladesh et en Jordanie, ainsi que dans plusieurs pays d’Afrique. 

Cela a entraîné une augmentation des mouvements de retour pour certains et des mécanismes d’adaptation négatifs pour d’autres, les déficits de financement entraînant, par exemple, une réduction des services de protection - comme dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), l’un des endroits où ces services de protection sont « le plus dramatiquement nécessaires ».

Le HCR a répondu à 44 nouvelles situations d’urgence

Sur le terrain, les gouvernements d’accueil et les organisations humanitaires font de leur mieux, mais avec des ressources largement insuffisantes pour stabiliser les populations. « Personne ne devrait s’étonner que nous soyons déjà témoins de mouvements de personnes qui se lancent dans des voyages dangereux », a insisté M. Grandi. 

A ce sujet, le chef du HCR note que parmi les personnes qui atteignent aujourd’hui la Tunisie et l’Italie, on trouve des ressortissants soudanais qui ont récemment fui les combats et se sont rendus dans des pays voisins du Soudan où l’aide est largement insuffisante. 

« Cela nous rappelle malheureusement la situation de 2015, lorsque des milliers de réfugiés syriens et autres se sont déplacés du Moyen-Orient vers l’Europe alors que l’aide commençait à diminuer - et d’ailleurs, le nombre de Syriens qui tentent de traverser la Méditerranée augmente également à un moment où l’aide humanitaire en Syrie et dans les pays voisins comme la Jordanie et le Liban subit, une fois de plus, des réductions drastiques », a-t-il dit.

Malgré le manque de fonds et les réductions, le HCR reste déterminé à faire pression pour trouver des solutions au déplacement, même dans des circonstances difficiles. Depuis le début de l’année, le HCR a répondu à 44 nouvelles situations d’urgence dans une trentaine de pays, battant ainsi un terrible record en termes de nombre de crises en une année. La dernière urgence en date a vu 100.000 réfugiés arriver en Arménie en provenance du Karabakh il y a quelques jours à peine.