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Une vue de Téhéran, la capitale de l'Iran.

Iran : les abus systématiques s’apparentent à des crimes contre l’humanité (expert)

Unsplash/Hosein Charbaghi
Une vue de Téhéran, la capitale de l'Iran.

Iran : les abus systématiques s’apparentent à des crimes contre l’humanité (expert)

Droits de l'homme

La violence de la répression meurtrière et les abus systématiques en Iran lors et après les manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini, s’apparenteraient à des crimes contre l’humanité, a fustigé lundi un expert indépendant des Nations Unies.

« L’ampleur et la gravité des violations commises par les autorités iraniennes, en particulier depuis la mort de Mahsa Amini, laissent présager la commission de crimes internationaux, notamment les crimes contre l’humanité que sont le meurtre, l’emprisonnement, les disparitions forcées, la torture, le viol et les violences sexuelles, ainsi que la persécution », a déclaré Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Iran, Javaid Rehman, lors de de la présentation de son rapport devant le Conseil des droits de l’homme.

Des médecins iraniens ont signalé que des femmes et des jeunes filles participant aux manifestations avaient été visées par des tirs de fusil de chasse au niveau du visage, des seins et des organes génitaux

L’expert indépendant onusien a notamment regretté l’absence de reddition des comptes pour les violations graves des droits de l’homme et les crimes relevant du droit international.

« En l’absence d’obligation de rendre des comptes au niveau national, j’ai fortement préconisé la mise en place d’une mission d’enquête internationale indépendante et je compte bien coopérer pleinement avec elle pour que les victimes de violations des droits de l’homme obtiennent justice », a-t-il insisté.

Des actes de torture, des arrestations et détentions arbitraires massives

Lors des manifestations ayant suivi la mort de Mme Amini, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles « directement sur des manifestants non armés et pacifiques, parmi lesquels de nombreux enfants et jeunes qui ne représentaient aucune menace imminente pour leur vie ou des blessures graves, ainsi que sur des passants et des personnes qui s’enfuyaient ».

Des manifestants, dont des enfants, ont été battus à mort. Au moins 527 personnes, dont 71 enfants, ont été tuées et des centaines de manifestants ont été gravement blessés.

« Des dizaines de personnes ont perdu leurs yeux à la suite de tirs directs à la tête », a dit M. Rehman, relevant que des médecins iraniens ont également signalé que des femmes et des jeunes filles participant aux manifestations avaient été visées par des tirs de fusil de chasse au niveau du visage, des seins et des organes génitaux.

Des rapports font état de tortures et de mauvais traitements infligés aux personnes participant aux manifestations.

Selon ce professeur de droit pakistanais, des enfants libérés ont décrit des abus sexuels, des menaces de viol, des flagellations, l’administration de chocs électriques, le maintien de leur tête sous l’eau, leur suspension par les bras ou par des foulards enroulés autour du cou.

Téhéran a également procédé « à des arrestations et détentions arbitraires massives ». Des dizaines de défenseurs des droits de l’homme, au moins 600 étudiants, 45 avocats, 576 militants de la société civile, 170 femmes défenseurs des droits de l’homme, au moins 62 journalistes, artistes et universitaires ont été arbitrairement arrêtés et détenus.

Des enfants libérés ont décrit des abus sexuels, des menaces de viol, des flagellations, l’administration de chocs électriques...

« Récemment, les autorités ont reconnu que plus de 22.000 personnes avaient été arrêtées », a indiqué l’expert indépendant onusien.

Par ailleurs, cette répression s’est traduite par l’exécution d’au moins quatre personnes associées à des manifestations à l’issue de « procès arbitraires, sommaires et simulés, entachés d’allégations de torture ».

100 manifestants sous le coup d’accusations passibles de la peine de mort

Au moins 17 manifestants ont déjà été condamnés à mort et plus de 100 sont actuellement sous le coup d’accusations passibles de la peine de mort.

« Ces exécutions sommaires sont le symbole d’un État prêt à utiliser tous les moyens pour instiller la peur et étouffer les protestations », a fustigé l'expert, relevant son inquiétude sur « la poursuite des violences contre les femmes et les filles, notamment les attaques chimiques coordonnées dans tout le pays contre des écolières, qui ont été niées à plusieurs reprises et jusqu’à récemment par le gouvernement ».

Outre la tragédie qui se déroule depuis le 16 septembre dernier, les violations des droits de l’homme se poursuivent et augmentent « de manière exponentielle dans le pays ». Il s’agit notamment de la forte augmentation du nombre d’exécutions, en particulier de l’exécution de délinquants toxicomanes, de l’exécution continue de personnes condamnées à mort alors qu’elles étaient enfants.

Selon l’expert, au moins 500 personnes, dont deux condamnés mineurs et 13 femmes, ont été exécutées en 2022, ce qui représente le nombre d’exécutions le plus élevé des cinq dernières années. Depuis janvier 2023, 143 personnes ont déjà été exécutées à l’issue de « procès manifestement inéquitables ».

NOTE

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général donné aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.