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Ukraine : la logique militaire repousse le règlement du conflit, avertit une haute responsable de l’ONU

Une jeune ukrainienne devant les ruines de son école bombardée
© UNICEF/Diego Ibarra Sánchez
Une jeune ukrainienne devant les ruines de son école bombardée

Ukraine : la logique militaire repousse le règlement du conflit, avertit une haute responsable de l’ONU

Paix et sécurité

L’afflux de matériel militaire en Ukraine représente un risque d’escalade et de détournement d’armes, a prévenu mercredi, devant le Conseil de sécurité, la Haute Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, Izumi Nakamitsu, qui a appelé à cesser les frappes sur les zones habitées.

Evoquant « le tragique anniversaire » du début de l’offensive militaire menée par la Russie en Ukraine depuis le 24 février 2022, qui a « infligé des souffrances indicibles au peuple ukrainien et créé des répercussions dans le monde entier », Mme Nakamitsu a détaillé l’assistance militaire qu’a reçue l’Ukraine de divers gouvernements.

Elle a ainsi rapporté « le transfert d’armes classiques lourdes et de munitions, des véhicules de combat d’infanterie, des capacités de défense aérienne, des systèmes d’artillerie de gros calibre, des véhicules aériens de combat sans équipage et des systèmes de missiles, ainsi que des armes légères », auxquelles s’ajoutent plus récemment des « systèmes modernes de plus en plus importants » tels que des chars de combat.

Dans le même temps, selon la Haute Représentante, d’autres Etats ont transféré des armes, telles que des drones de combat, aux forces armées russes pour utilisation en Ukraine, ainsi que des armes classiques puissantes, comme des roquettes d’artillerie, « à une société privée de sécurité militaire impliquée dans le conflit ».

Eviter l’escalade et le détournement des armes

Mme Nakamitsu a noté que l’afflux massif d’armes dans toute situation de conflit armé accroit les craintes d’une escalade et que des mesures visant à empêcher le détournement potentiel de ces armes et munitions seront essentielles au relèvement après le conflit et à la sécurité régionale, ainsi qu’aux efforts de prévention des conflits dans d’autres régions.

Conformément aux normes internationales, tout transfert d’armes et de munitions devrait, selon elle, comporter des évaluations des risques avant le transfert et des contrôles après expédition, tels que des inspections sur place et des vérifications par l’utilisateur final. La prévention du détournement exige également, a-t-elle ajouté, un échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, une comptabilité et une protection appropriées des armes et des munitions, ainsi que des contrôles aux frontières.

« La transparence dans le domaine des armements est une mesure de confiance cruciale qui peut servir à réduire les tensions et les ambiguïtés entre les États Membres », a-t-elle déclaré, avant de rappeler que le Registre des armes classiques des Nations Unies et le Traité sur le commerce des armes demeurent des instruments essentiels à cet égard. Elle a encouragé les États Membres à participer à ces mécanismes de transparence, car « un comportement prévisible et transparent des États peut renforcer la confiance mutuelle et aider à prévenir les conflits ».

La ville de Marioupol, en Ukraine, a été largement détruite.
Mariupol City Council
La ville de Marioupol, en Ukraine, a été largement détruite.

Les principes humanitaires doivent être respectés

Mme Nakamitsu a aussi tenu à réaffirmer la responsabilité de toutes les parties au conflit de protéger les civils et les infrastructures civiles. Déplorant le bilan, probablement inférieur à la réalité, de 18.657 victimes civiles, dont 7.110 morts et 11.547 blessés en Ukraine depuis le début de l’offensive russe, elle a confirmé au Conseil de sécurité que la plupart des morts et des blessés civils sont victimes d’armes explosives à large rayon d’action, notamment de l’artillerie lourde, des systèmes de lance-roquettes multiples et des missiles.

En outre, elle a décrit les effets du conflit sur les infrastructures et les services civils essentiels et leurs conséquences humanitaires directes : « les maisons, les écoles, les routes et les ponts détruits, des frappes sur les hôpitaux et des établissements de santé ».

« La perturbation de l’eau, du gaz, du chauffage et de l’électricité causée par les attaques russes contre les infrastructures énergétiques aggrave la crise humanitaire en Ukraine. Ces attaques constituent une escalade inacceptable de la guerre et les civils paient le prix le plus élevé », a-t-elle souligné, martelant que les principes humanitaires doivent être respectés, et que « toutes les mesures possibles doivent être prises pour éviter ou en tous cas, réduire au minimum les pertes civiles et les dommages causés aux infrastructures civiles ».

Les civils contraints de chercher de l'eau dans une fontaine à Kyiv après la destruction des infrastructures
© UNOCHA/Oleksandr Ratushniak
Les civils contraints de chercher de l'eau dans une fontaine à Kyiv après la destruction des infrastructures

Bannir le recours aux armes explosives dans les zones habitées

Izumi Nakamitsu a réitéré l’appel sans ambiguïté du Secrétaire général de l’ONU António Guterres aux parties au conflit à s’abstenir d’utiliser des armes explosives dans des zones habitées, un écho de la déclaration politique adoptée en novembre dernier par 80 Etats concernant le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’emploi d’armes explosives dans ces zones. « Je réitère mon appel aux États Membres pour qu’ils mettent en œuvre cette déclaration, qui constitue une étape importante dans nos efforts pour mieux protéger les civils », a insisté la Haute Représentante. « Les attaques contre les civils et les infrastructures civiles doivent cesser ».

Notant les immenses pertes et dévastations en Ukraine depuis 12 mois, et des perspectives de paix qui selon les termes d’António Guterres le 6 février « ne cessent de diminuer », la Haute Représentante a reconnu que « la perspective d’un règlement négocié semble actuellement mince tant que la logique militaire actuelle continue de prévaloir » et a appelé l’Assemblée générale à soutenir un règlement pacifique.

« Une nouvelle escalade et une prolongation du conflit ne feraient qu’engendrer des souffrances plus insupportables encore », a-t-elle averti. « Et le transfert de matériel militaire à l’appui de l’Ukraine ne doit pas faire dérailler l’aspiration de paix ».