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Criquets pèlerins : des déficits de financement menacent la poursuite des opérations en Afrique de l'Est (FAO)

La FAO a effectué des relevés aériens sur les criquets pèlerins en Ethiopie.
FAO/Michael Tewelde
La FAO a effectué des relevés aériens sur les criquets pèlerins en Ethiopie.

Criquets pèlerins : des déficits de financement menacent la poursuite des opérations en Afrique de l'Est (FAO)

Climat et environnement

Une unité de lutte contre le criquet pèlerin mise sur pied par des pays d'Afrique de l'Est pour faire face à une infestation de ce ravageur risque de devoir interrompre ses activités en raison de l'épuisement du financement qui alimente ses opérations, a prévenu l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). 

Lors d'une réunion d'information en ligne,la FAO a averti les partenaires que, sans des ressources financières supplémentaires pour le carburant, le temps de vol et les heures des pilotes, les 28 appareils de lutte antiacridienne qui survolent actuellement la région pour repérer les essaims de criquets pèlerins et réaliser des pulvérisations pourraient cesser leurs opérations en mars.

« Le dispositif de lutte antiacridienne mis en place en Afrique de l'Est est à présent entièrement équipé et en mesure d'endiguer, de réprimer et, d'après nous, de mettre fin à cette recrudescence sans précédent », a déclaré Laurent Thomas, Directeur général adjoint de la FAO.

« Les gouvernements ont renforcé leurs capacités en un temps record et sont parvenus à réduire considérablement la taille des essaims ainsi que leur nombre. Il serait dramatique de perdre ces acquis au moment où les pays d'Afrique de l'Est commencent à voir le bout du tunnel », a-t-il expliqué. « Ils ont une réelle possibilité d'en finir avec cette recrudescence cette année, mais ils doivent pour cela être en mesure de continuer leurs activités, sans perdre de vitesse ».

Selon la FAO, près de 39 millions de dollars de financement supplémentaire sont nécessaires pour que les opérations se poursuivent jusqu'à la fin du mois de juin. Elle a recommandé vivement aux partenaires humanitaires d'aider l'Afrique de l'Est et le Yémen à venir à bout de cet antiacridien.

Un pas de géant dans les capacités d'intervention

Lorsque la première vague acridienne a submergé l'Afrique de l'Est, au début du mois de janvier 2020, favorisée par des pluies abondantes engendrées par un cyclone saisonnier anormalement tardif, les moyens dont disposaient de nombreux pays pour surveiller les déplacements du ravageur ou entamer des activités de lutte à grande échelle étaient limités, voire inexistants. Le fait est que la plupart d'entre eux n'avaient pas connu d'incursion acridienne d'une telle ampleur depuis plus de 50 ans.

Un an plus tard, ils sont parvenus, avec l'aide de la FAO, à déployer une unité de lutte terrestre et aérienne composée de 28 avions et hélicoptères, de 260 unités terrestres et d'environ 3.000 personnes récemment formées aux activités de détection et de traitement.

Plus de 6.000 heures d'opérations aériennes de repérage et de pulvérisation ont été réalisées. Des innovations, telles que les outils numériques eLocust3, les images obtenues par satellite, l'intelligence artificielle et les modèles de trajectoire, ont été mises à profit pour signaler la présence de criquets pèlerins en temps réel et établir des cartes indiquant les infestations, les aires de reproduction et les voies de migration.

Depuis le début de la campagne, en janvier 2020, plus de 1,5 million d'hectares de terres ont été traités en Afrique de l'Est et au Yémen.

D'après les estimations de la FAO, ces opérations auraient permis d'éviter 1,2 milliard de dollars de pertes de cultures et de produits laitiers et de préserver les moyens d'existence de 28 millions de personnes.

Un essaim de criquets pèlerins à Kipsing, au Kenya.
FAO/Sven Torfinn
Un essaim de criquets pèlerins à Kipsing, au Kenya.

L'Afrique de l'Est démarre l'année 2021 sur de meilleures bases.

Alimentée par des conditions météorologiques systématiquement favorables, la recrudescence qui se poursuit depuis le mois de janvier 2020 s'est accompagnée de vagues de reproduction ayant favorisé la propagation, dans toute la région, de populations acridiennes exceptionnellement vastes qui subsistent en dépit des opérations efficaces qui ont été intensifiées pour faire face à cette menace.

Ces derniers mois, par ailleurs, de fortes pluies et un nouveau cyclone saisonnier tardif ont déclenché une nouvelle vague de reproduction et la formation de nouveaux essaims. Le Kenya et les sud de l'Éthiopie font face à une nouvelle infestation alors qu'ils étaient parvenus à maîtriser la première incursion l'année dernière. Un essaim a même été repéré récemment dans le nord-est de la Tanzanie.

Malgré ce regain d'activité, la FAO estime que la situation actuelle n'est pas du tout celle qu'elle était il y a un an, et ce, grâce à l'aide généreuse des donateurs.

De plus, les pays de la région sont aujourd'hui préparés, équipés et prêts à réagir. Ainsi les populations acridiennes ont été fortement réduites: les essaims sont moins nombreux, moins denses et moins grands.

L'année dernière, par exemple, un essaim géant couvrant 240.000 hectares de terres, soit une zone aussi vaste que le Luxembourg, avait été repéré au Kenya. Aujourd'hui, les équipes chargées de la lutte antiacridienne sont confrontées à de plus petits essaims (environ 100 à 1.000 hectares à la fois).

« La dernière fois qu'une recrudescence acridienne d'une ampleur comparable a frappé l'Afrique, il a fallu deux ans et plus de 500 millions de dollars pour l'endiguer. La recrudescence actuelle est encore plus grave, mais les gouvernements d'Afrique de l'Est devraient pouvoir y mettre un terme - à condition que leur flotte aérienne puisse continuer ses opérations », a déclaré M. Thomas.