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Iran : des experts de l'ONU demandent la libération de l’avocate Nasrin Sotoudeh

Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.

Iran : des experts de l'ONU demandent la libération de l’avocate Nasrin Sotoudeh

Droits de l'homme

L'Iran doit libérer immédiatement Nasrin Sotoudeh détenue arbitrairement, ont déclaré jeudi cinq experts des droits de l’homme des Nations Unies.

Les experts se sont dit « choqués » par la longue peine de prison infligée à l’éminente avocate et défenseure des droits humains et appelé à sa libération dans l'attente d'un réexamen de sa condamnation et de sa peine.

Selon diverses informations, Mme Sotoudeh aurait été condamnée à une peine d'emprisonnement allant de sept à 33 ans et à recevoir 148 coups de fouet. On rapporte également qu'elle pourrait purger une peine de plus de 10 ans de prison.

Elle serait détenue depuis juin 2018 après son arrestation pour une condamnation par contumace en 2016 et une peine de cinq ans de prison pour espionnage. Les autorités iraniennes ont par la suite porté sept autres accusations contre elle, y compris des allégations relatives à la sécurité nationale, à l'ordre public et à la comparution devant la justice sans hijab.

« Nous sommes profondément préoccupés par la condamnation de Mme Sotoudeh et la peine d'emprisonnement qui lui a été imposée », ont déclaré les experts. « Sa détention et les accusations portées contre elle semblent être liées à son travail en tant qu'avocate des droits humains, en particulier en tant que représentante des femmes iraniennes défenseures des droits humains arrêtées pour avoir protesté pacifiquement contre les lois rendant le port du voile obligatoire pour les femmes », ont-ils ajoutés.

Absence de procès équitable

Les experts se sont également dit profondément préoccupés par le fait que Mme Sotoudeh n'ait pas bénéficié d'un procès équitable. Concernant sa condamnation en 2016, elle ne savait apparemment pas que des accusations d'espionnage avaient été portées contre elle avant son arrestation en 2018.

Elle se serait également vu refuser le droit à un avocat de son choix pour son dernier procès. Au lieu de cela, on lui a apparemment demandé de choisir parmi une liste d'avocats préapprouvés par la justice iranienne. Mme Sotoudeh aurait refusé d'assister à son procès le 30 décembre 2018 en signe de protestation.

« Compte tenu de l'absence apparente de procès équitable et des préoccupations suscitées par le caractère arbitraire des accusations, nous exhortons les autorités iraniennes à réexaminer immédiatement la condamnation de Mme Sotoudeh, à la libérer en attendant le résultat de cet examen et à veiller à ce que ses droits humains et juridiques soient pleinement garantis », ont déclaré les experts.

En 2011, Mme Sotoudeh a fait l'objet d'un avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire concernant son arrestation et sa condamnation antérieures. Le Groupe de travail a estimé que sa détention à cette occasion était due à l'exercice des droits à la liberté de pensée, d'opinion et d'expression, à la liberté de réunion et d'association pacifiques et à son travail en tant que défenseur des droits humains.

Le Groupe de travail estime qu’aucun motif ne justifie la restriction de ses droits et et a relevé un certain nombre de violations des normes internationales relatives au droit à un procès équitable. Le Groupe de travail a donc estimé que sa privation de liberté était arbitraire.

Les avocats doivent pouvoir travailler sans crainte d'être arrêtés ou intimidés par l'État 

La situation de Mme Sotoudeh est également emblématique de l'augmentation du harcèlement, des arrestations et de la détention d'avocats défenseurs des droits humains en Iran ces derniers mois.

« Les avocats jouent un rôle essentiel dans la protection des droits de l'homme. Nous exhortons les autorités iraniennes à libérer tous les avocats arbitrairement détenus pour leur travail de défense des droits juridiques et humains des Iraniens, et à permettre aux avocats d'entreprendre leur travail sans crainte d'être arrêtés ou intimidés par l'État », ont déclaré les experts.

Ils ont déclaré que toute peine d'emprisonnement infligé pour avoir défendu les droits de l'homme constituait une violation grave des obligations internationales de l'Iran.

« Quelle que soit la durée de la peine, toute peine d'emprisonnement infligée pour avoir défendu les défenseurs des droits humains et leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique équivaut à une détention arbitraire », ont déclaré les experts de l'ONU qui ont fait part de leurs préoccupations au gouvernement iranien.

 

Les cinq experts de l'ONU sont Michel Forst (France), Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme ; Diego García-Sayán (Pérou), Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats ; Seong-Phil Hong (République de Corée), Président-Rapporteur, Groupe de travail sur la détention arbitraire ; Ivana Radačić (Croatie), Présidente, Groupe de travail sur la question de la discrimination contre les femmes en droit et en pratique ; et Javaid Rehman (Pakistan), Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran.