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Gaza : des chaussures d’enfants abandonnées à la hâte sur des centaines de mètres à Khan Younis

De nombreux Gazaouis vivent désormais sous des tentes à Rafah, au sud de Gaza.
© UNICEF/Eyad El Baba
De nombreux Gazaouis vivent désormais sous des tentes à Rafah, au sud de Gaza.

Gaza : des chaussures d’enfants abandonnées à la hâte sur des centaines de mètres à Khan Younis

Paix et sécurité

Sur des centaines de mètres, les images montrent des chaussures jonchant le sol, abandonnées à la hâte. Alors qu’ils fuyaient les frappes aériennes ou qu’ils tentaient d’évacuer leur domicile, de nombreux habitants de Gaza ont ainsi quitté leur domicile sans chaussures appropriées.

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En fuite, pieds nus, les images de ces chaussures abandonnées peuvent être aussi le reflet de raids aériens dans certaines zones de l’enclave palestinienne.

Selon Louise Wateridge, une chargée de communication de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), « les gens ont fui si vite que même les chaussures ont été abandonnées à Khan Younis ».

Sur le réseau social X, elle a partagé quatre photos montrant des chaussures d’enfants et de sandales abandonnées sur la chaussée, « partout », dans cette ville palestinienne située dans le sud de la bande de Gaza . « Des milliers de familles avaient l’habitude de s’abriter dans ces écoles de l’UNRWA transformées en abris avant qu’elles ne soient attaquées. Tant d’affaires laissées derrière », a décrit Louise Wateridge.

Des milliers de chaussures symboles des vies perdues à Gaza

Ce témoignage de la chargée de la communication de l’UNRWA intervient alors que de nombreuses vidéos, notamment sur les réseaux sociaux, montrent des enfants cherchant de la nourriture, avec parfois l’état désastreux des chaussures des Gazaouis. Quand d’autres « traversent pieds nus les décombres, les débris de verre et autres gravats », ces vidéos témoignent du quotidien des enfants Gazaouis, avec juste des chaussures abandonnées dans les ruelles de l’enclave palestinienne.

La question de ces sandales est d’ailleurs reprise lors de manifestation sur la guerre à Gaza. Les rapports des médias ont montré que dans certaines villes françaises, des militants ont parfois disposé des centaines de chaussures pour bambins lors des manifestations. Dans la capitale espagnole aussi, des images vidéos ont montré des milliers de chaussures déposées devant la mairie de Madrid en mi-décembre dernier, pour représenter les Palestiniens tués à Gaza depuis le 7 octobre.

En mars dernier aux Pays-Bas, des milliers de chaussures d’enfants ont été également disposées sur la place Vredenburg d’Utrecht pour attirer l’attention sur les milliers d’enfants palestiniens tués dans la bande de Gaza au cours des cinq derniers mois.

Enfants non accompagnés ou sont séparés de leur famille

C’est dans ce conexte que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a poursuivi la distribution d’articles vestimentaires dans divers endroits, notamment à Rafah, Khan Younis et Deir Al-Balah. Depuis le 7 octobre 2023, l’UNICEF et ses partenaires ont distribué plus de 203.000 vêtements adaptés aux enfants âgés de 0 à 17 ans.

Par ailleurs, Louise Wateridge est revenue sur la situation dans un centre de formation de l’UNRWA à Khan Younis où « il ne reste que peu de choses » et « où plus de 40.000 personnes s’étaient réfugiées lorsque le bâtiment a été la cible de tirs directs de l’opération militaire et qu’il a été assiégé ». Des pièces entières ont brûlé, des objets sont éparpillés partout. « Sur les tombes d’enfants dans la cour, on peut lire [ta sœur te manque], a décrit Louise Wateridge.

D’une manière générale, les enfants sont confrontés à des « vies brisées » dans la bande de Gaza. Selon l’UNRWA, au moins 17.000 d’entre eux ne sont pas accompagnés ou sont séparés de leur famille. Avec plus de 70% des maisons endommagées ou détruites, la plupart des enfants ont également perdu leur maison.

Un véhicule de l'ONU traverse des ruines à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza.
© UNICEF/Tess Ingram
Un véhicule de l'ONU traverse des ruines à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza.

Il ne reste plus rien dans l’école-abri de l’UNRWA à Khan Younis

« Les écoles sont devenues des abris pour survivre, pas pour éduquer. Leur avenir doit être protégé », a déploré l’UNRWA.

L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens a d’ailleurs diffusé une vidéo montrant les dégâts subis par l’un de ses abris à Khan Younis après que les forces israéliennes ont lancé une offensive terrestre dans la région.

Louise Wateridge, la chargée de communication de l’UNRWA, a indiqué que le toit de l’abri, situé dans une école, a été directement touché par une attaque, causant des dommages importants et incitant les gens à fuir la zone. « Toute cette zone abritait environ 10.000 personnes », a-t-elle affirmé dans une vidéo publiée sur X, relevant qu’il « n’y a plus rien maintenant » sur place.

« Il n’y a plus personne ici. Vous pouvez voir à quelle vitesse les gens sont partis. Il y a des chaussures par terre, des brosses à cheveux, des brosses à dents, même des morceaux de nourriture, juste laissés derrière », a-t-elle conclu.

L'énorme risque des armes non explosées

Khan Younis, dans le sud de Gaza, est en ruines après le retrait des troupes israéliennes.
© UNOCHA/Themba Linden
Khan Younis, dans le sud de Gaza, est en ruines après le retrait des troupes israéliennes.

De son côté, un expert en déminage a averti lundi que la bande de Gaza se trouvait désormais dans sa « période la plus dangereuse ».

« Une fois que les gens commenceront à retourner vers le nord, c'est à ce moment-là que la plupart des accidents se produiront, car ils ne sauront pas où se trouvent les munitions non explosées », a déclaré Mungo Birch, chef du Service antimines des Nations Unies (UNMAS) en Palestine. « Il est important qu'une fois que les retours commencent, nous soyons prêts à fournir l'éducation aux risques dont ils ont besoin ».

S'exprimant en marge de la 27ème Réunion internationale des directeurs nationaux et des conseillers des Nations Unies en matière d'action antimines à Genève, le chef du maintien de la paix de l'ONU, Jean-Pierre Lacroix, a souligné que l'Organisation se tenait aux côtés de l'UNMAS dans son soutien aux « efforts humanitaires, aux convois » et à l'évaluation des risques.

Un cessez-le-feu humanitaire reste une « priorité », a insisté le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix et président du Groupe de coordination inter-agences sur l'action contre les mines, ainsi que la fourniture de « beaucoup plus d'aide humanitaire à Gaza », une fois que les démineurs jugeront qu'il est sûr de le faire.

Alors qu'on estime qu'il faudra 14 ans pour débarrasser Gaza de tous les décombres créés par le conflit, soit 37 millions de tonnes au total, M. Birch a noté qu'il y a plus de décombres à Gaza qu'en Ukraine, l'enclave palestinienne étant très densément peuplée et à 87% urbanisée.

« Le problème est qu'il y a plus de décombres à Gaza qu'il n'y a d'espace pour les disperser », a déclaré l'expert antimines, ajoutant que le recyclage des décombres « occupera une place importante » dans toute reconstruction.

Malgré l’ampleur de l’opération de déminage à venir, l’UNMAS ne dispose que de 5 millions de dollars de financement. 40 millions de dollars supplémentaires seront nécessaires au cours des 18 prochains mois rien que pour lancer le processus de déminage.