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Un garçon de 3 ans, dont la maison a été bombardée, se rétablit à l'hôpital Nasser après l'amputation d'une partie de sa jambe droite.

Dans le nord de Gaza, les patients blessés « attendent de mourir » alors que le dernier hôpital ferme ses portes

© UNICEF/Abed Zaqout
Un garçon de 3 ans, dont la maison a été bombardée, se rétablit à l'hôpital Nasser après l'amputation d'une partie de sa jambe droite.

Dans le nord de Gaza, les patients blessés « attendent de mourir » alors que le dernier hôpital ferme ses portes

Paix et sécurité

Il n'y a pas d'hôpitaux fonctionnels dans le nord de Gaza et les patients blessés qui doivent être opérés et ne peuvent pas être déplacés « attendent de mourir », a déclaré jeudi l'agence de santé de l'ONU, dans un appel à un cessez-le-feu afin de livrer plus d'aide dans l'enclave en ruines.

La dernière évaluation grave de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) intervient après que des équipes de l'ONU aient atteint l'hôpital Al Ahli Arab et l'hôpital Al Shifa mercredi, sur fond d'une intensification des opérations terrestres des forces de défense israéliennes et de la poursuite des frappes aériennes dans la bande de Gaza, en réponse aux attaques terroristes menées par le Hamas le 7 octobre contre le sud d'Israël. 

« Les patients criaient de douleur, mais ils criaient aussi pour que nous leur donnions de l'eau », a indiqué le Coordinateur des équipes médicales d'urgence de l'OMS, Sean Casey, en décrivant la scène à l'hôpital Al Ahli Arab, où le personnel médical s'efforçait de faire face à « l'absence de nourriture, de carburant et d'eau ». 

« Cela ressemble plus à un hospice qu'à un hôpital. Mais un hospice implique un niveau de soins que les médecins et les infirmières ne sont pas en mesure de fournir.... Il est assez insupportable de voir quelqu'un avec des plâtres sur plusieurs membres, un fixateur externe sur plusieurs membres, sans eau potable et pratiquement sans perfusion », a partagé M. Casey. 

« Pour l'instant, c'est un endroit où les gens attendent de mourir à moins que nous puissions les déplacer vers un endroit plus sûr où ils peuvent recevoir des soins », a affirmé le Coordonnateur de l’OMS.

Appel à l'aide de Guterres

Soulignant la nécessité de soulager la crise humanitaire qui s'aggrave à Gaza, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a déclaré jeudi que « les combats intenses, le manque d'électricité, le carburant limité et les télécommunications perturbées » avaient gravement limité les efforts de l'ONU pour fournir une aide vitale aux habitants de l'enclave.

« Les conditions permettant des opérations humanitaires à grande échelle doivent être rétablies immédiatement », a insisté le chef de l'ONU sur son compte X.

La faim s’accroit 

Chaque personne à qui je parle, où que j'aille à Gaza, a faim 

La mission à haut risque menée dans le nord de la bande de Gaza par l'OMS, le Bureau de coordination de l'aide des Nations Unies (OCHA), le Service de lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) et le Département de la sûreté et de la sécurité des Nations Unies (UNDSS) a permis de livrer sept palettes contenants des médicaments, des fluides intraveineux et des fournitures pour les opérations chirurgicales et les traitement des blessés, ainsi que du matériel pour aider les femmes à accoucher.

Bien que la livraison de fournitures médicales dans le nord soit importante pour soulager les patients, la pénurie croissante et déjà généralisée de nourriture et d'eau est beaucoup plus préoccupante.

« Nous sommes en retard. Il n'y a pas assez de nourriture, chaque personne à qui je parle, où que j'aille à Gaza, a faim », a déclaré M. Casey, s'adressant à des journalistes à Genève. « C'est maintenant qu'il faut agir. Nous avons affaire à des personnes affamées, des adultes, des enfants, c'est insupportable. Partout où nous allons, les gens nous demandent de la nourriture, même à l'hôpital, je me suis promené dans le service des urgences, quelqu'un avec une plaie ouverte qui saigne, une fracture ouverte, ils ont demandé de la nourriture. Si ce n'est pas un indicateur du désespoir, je ne sais pas ce que c'est ». 

Le risque de famine s'intensifie dans un contexte de faim « catastrophique »

Plus d'un ménage sur quatre à Gaza souffre d'une faim « catastrophique », selon un nouveau rapport sur la sécurité alimentaire publié jeudi par des organisations humanitaires, dont le Programme alimentaire mondial (PAM).

Les données du rapport IPC (Integrated Food Security Phase Classification) confirment qu'il existe un risque de famine dans l'enclave dévastée, à moins que l'accès à une nourriture adéquate, à l'eau potable et aux services de santé et d'assainissement ne soit rétabli.

La plateforme IPC analyse les données afin de déterminer la gravité et l'ampleur des crises alimentaires, conformément aux normes scientifiques internationalement reconnues.

Ces chiffres montrent que l'ensemble de la population de Gaza - environ 2,2 millions de personnes - vit dans une situation de crise, voire pire, d'insécurité alimentaire aiguë. 

Ils soulignent qu'un peu plus d'un quart (26 %) des habitants de Gaza (576.600 personnes) ont épuisé leurs réserves et leurs capacités de survie et sont désormais confrontés à une faim catastrophique (phase 5 de l'IPC) et à la famine.

« Le PAM prévient de cette catastrophe à venir depuis des semaines. Tragiquement, sans l'accès sûr et constant que nous demandons, la situation est désespérée et personne à Gaza n'est à l'abri de la famine », a déclaré Cindy McCain, directrice exécutive du PAM.

Selon l'IPC, il existe un risque de famine dans les six prochains mois si la situation actuelle de conflit intense et d'accès humanitaire restreint persiste. 

« Ce ne sont pas seulement des chiffres, ce sont des enfants, des femmes et des hommes qui se cachent derrière ces statistiques alarmantes », a déclaré Arif Husain, économiste en chef du PAM. « La complexité, l'ampleur et la rapidité avec lesquelles cette crise s'est développée sont sans précédent ». 

Pénuries catastrophiques

Selon l'agence des Nations Unies pour la santé, seuls neuf des 36 établissements de santé de Gaza sont partiellement fonctionnels et tous sont situés dans le sud. 

« Il n'y a plus de salles d'opération (dans le nord) en raison du manque de carburant, d'électricité, de fournitures médicales et de personnel de santé, notamment de chirurgiens et d'autres spécialistes », a déclaré depuis Jérusalem le Dr Richard Peeperkorn, représentant de l'OMS et coordinateur humanitaire par intérim des Nations Unies dans le territoire palestinien occupé. 

À l'hôpital Al Ahli Arab, une dizaine de membres du personnel – « tous des médecins débutants et des infirmières » - ont continué à prodiguer les premiers soins à quelque 80 patients qui ont trouvé refuge dans une église située dans l'enceinte de l'hôpital, a expliqué le Dr Peeperkorn. « Certains d'entre eux sont gravement blessés et attendent une intervention chirurgicale depuis deux semaines ou ont été opérés mais risquent maintenant une infection post-opératoire en raison du manque d'antibiotiques et d'autres médicaments. Tous ces patients ne peuvent pas se déplacer et doivent être transférés d'urgence pour avoir une chance de survivre ».

Bombardements intensifs et affrontements

Selon la dernière mise à jour de l’ OCHA sur la crise, « d'intenses bombardements israéliens depuis l'air, la terre et la mer » se sont poursuivis à travers Gaza mercredi.

Les bombardements les plus intenses ont été signalés à Beit Lahiya et dans plusieurs zones de la ville de Gaza (au nord), à l'est de Khan Younis au sud et dans les zones est et ouest de la ville de Rafah, également au sud. 

L'OCHA a également fait état d' « opérations terrestres intenses » et d'affrontements continus entre les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens dans le nord de Gaza, la ville de Gaza, la zone intermédiaire et Khan Younis, ainsi que de tirs de roquettes par des groupes armés palestiniens en direction d'Israël.

Les derniers chiffres des autorités sanitaires de Gaza communiqués mardi par OCHA indiquent que 19.667 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre, dont environ 70 % seraient des femmes et des enfants. Plus de 52.586 personnes ont été blessées, selon la même source, qui signale que beaucoup d'autres sont portées disparues, probablement ensevelies sous les décombres.

Le rapport de l'ONU indique également que deux soldats israéliens ont été tués à Gaza entre le 19 et le 20 décembre. « Depuis le début des opérations terrestres, 134 soldats ont été tués à Gaza et 740 soldats ont été blessés, selon l'armée israélienne », a déclaré l'OCHA.

Nouvel ordre d'évacuation

La mise à jour a également signalé un nouvel ordre d'évacuation immédiate de l'armée israélienne datant du 20 décembre et couvrant environ 20 % du centre et du sud de la ville de Khan Younis. 

La zone a été indiquée sur une carte en ligne publiée sur les médias sociaux.