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Pour éradiquer le sida, l'ONU appelle à confier le leadership aux communautés en première ligne

Un hommage aux personnes ayant perdu la vie à cause du VIH et du sida à Erevan, en Arménie. (archives)
OIM Armenie 2018
Un hommage aux personnes ayant perdu la vie à cause du VIH et du sida à Erevan, en Arménie. (archives)

Pour éradiquer le sida, l'ONU appelle à confier le leadership aux communautés en première ligne

Santé

Le rôle essentiel joué par les communautés, mais aussi le sous-financement et les obstacles auxquels elles sont confrontées pour sauver des vies sont mis en lumière dans un nouveau rapport publié ce mardi par l'ONU, en amont de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre.

Chaque minute, une vie est perdue dans le monde à cause du sida. Chaque semaine, 4.000 filles et jeunes femmes sont infectées, et près d’un quart des 39 millions de personnes vivant avec le VIH n’ont pas accès à un traitement vital.

Le nouveau document, intitulé « Confier le leadership aux communautés », montre que le virus ne pourra disparaître en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030 que si les communautés en première ligne reçoivent le soutien dont elles ont besoin de la part des gouvernements et des donateurs.

« Les communautés du monde entier ont montré qu’elles étaient prêtes, disposées et capables d’ouvrir la voie. Mais les obstacles entravant leur travail doivent disparaître et elles doivent disposer de ressources adéquates », a réagi la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima.

« Trop souvent, les communautés sont traitées par les décideurs et les décideuses comme des problèmes à gérer, au lieu d’être reconnues comme des leaders et d’être soutenues en tant que tel. Les communautés ne se tiennent pas en travers du chemin, elles éclairent la voie qui mène à la fin du sida », a nuancé Mme Byanyima.

Grâce à la mobilisation, des traitements à 70 dollars par an

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La mobilisation des communautés dans la rue, devant les tribunaux ou encore devant les parlements a de fait permis d’instaurer des changements politiques inespérés.

Les campagnes menées par les communautés ont contribué à élargir l’accès aux médicaments génériques contre le VIH et à réduire significativement et durablement le coût du traitement. Celui-ci est passé de 25.000 dollars par personne et par an en 1995 à moins de 70 dollars aujourd’hui, dans beaucoup de pays parmi les plus touchés par le VIH.

Les investissements dans des programmes anti-VIH dirigés par les communautés apportent des avantages transformationnels, explique le rapport. Ainsi, des programmes mis en œuvre par des organisations communautaires au Nigéria sont associés à une augmentation de 64% de l’accès au traitement anti-VIH dans le pays, à une propension deux fois plus élevée d’avoir recours aux services de prévention et à une multiplication par quatre de l’utilisation du préservatif à chaque rapport sexuel chez les personnes exposées à un risque d’infection au VIH. 

Le document souligne également comment, en Tanzanie, les travailleurs et travailleuses de l'industrie du sexe qui ont eu accès à une palette de services offerts par des pairs ont vu leur taux d’incidence du VIH baisser de moitié (5% contre 10,4%).

La croisée des chemins

« Nous sommes le moteur du changement capable de mettre fin aux injustices systématiques qui continuent à alimenter la transmission du VIH. Nous avons amélioré l’accès aux médicaments et fait de grands pas en avant dans la décriminalisation », a développé l'activiste irlandais Robbie Lawlor, cofondateur d’Access to Medicines Ireland.

« On attend de nous de déplacer des montagnes, sans soutien financier. Nous sommes supposés lutter pour un monde plus équitable et déconstruire la stigmatisation, mais nous sommes mis sur la touche dans les discussions importantes. Nous sommes à la croisée des chemins. Il est fini, le temps où les communautés étaient reléguées aux rôles de faire-valoir. L’heure est venue de nous confier le leadership », a-t-il martelé.

Michel Kouakou (à gauche), directeur de l'ONUSIDA au Mozambique, et Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l'ONUSIDA, à Maputo (Mozambique) en juin 2023.
Plan d'urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR)
Michel Kouakou (à gauche), directeur de l'ONUSIDA au Mozambique, et Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l'ONUSIDA, à Maputo (Mozambique) en juin 2023.

Le rapport souligne comment les communautés sont à la pointe de l’innovation. À Windhoek, en Namibie, un projet autofinancé par le Youth Empowerment Group utilise des vélos électriques pour fournir des médicaments anti-VIH, de la nourriture et une aide au suivi du traitement aux jeunes qui souvent ne peuvent pas se rendre dans un établissement de santé à cause de leur scolarité. En Chine, des organisations communautaires ont développé des applications sur smartphone qui relient les personnes à l’autodépistage, ce qui a contribué à multiplier par quatre le nombre de dépistages du VIH dans tout le pays entre 2009 et 2020.

Des communautés parfois réprimées

Une personne transgenre participe aux services de santé fournis par l'ONG Khmer HIV/AIDS Alliance à Phnom Penh, au Cambodge.
ONUSIDA
Une personne transgenre participe aux services de santé fournis par l'ONG Khmer HIV/AIDS Alliance à Phnom Penh, au Cambodge.

Malgré des preuves sans appel de cet impact, les initiatives dirigées par les communautés ne sont pas reconnues ni financées correctement, déplore ONUSIDA. Elles sont même la cible d’attaques dans certains endroits. 

L’agence onusienne rapporte de la répression à l’encontre de la société civile et des droits humains des populations marginalisées empêchant les communautés d’apporter des services de soins et de prévention du VIH. 

Le sous-financement des initiatives dirigées par les communautés est aussi pointé du doigt.

L’élimination de ces obstacles leur permettrait pourtant de dynamiser encore plus les efforts pour mettre fin au sida.

« À l’heure actuelle, les actions dirigées par les communautés constituent la contre-mesure la plus importante de la riposte au sida », a considéré la Directrice exécutive de l’International Treatment Preparedness Coalition, Solange Baptiste.

« Pourtant, il est incroyable de constater qu’elle n’est pas à la base des plans, agendas, stratégies ou mécanismes de financement mondiaux visant à améliorer la préparation aux pandémies et la santé universelle. Il est temps de changer cela », a-t-elle ajouté.