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Le chef des droits de l’homme de l’ONU dénonce la haine religieuse alimentée par le populisme

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'adresse à la 54e session du Conseil des droits de l'homme.
UN Photo/Jean Marc Ferré
Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'adresse à la 54e session du Conseil des droits de l'homme.

Le chef des droits de l’homme de l’ONU dénonce la haine religieuse alimentée par le populisme

Droits de l'homme

Le chef des droits de l’homme de l’ONU a rejeté fermement, jeudi, tous les actes irrespectueux et offensants de haine religieuse, en particulier ceux qui ont clairement pour but de provoquer la violence et d’attiser les divisions.

Lors d’un débat sur la lutte contre la haine religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme s’est insurgé contre la haine religieuse, des actes qui ont eu un impact profondément personnel sur des millions d’individus, touchant au cœur de leur identité et de leurs valeurs.

Ce débat du Conseil des droits de l’homme de l’ONU intervient alors que « le dialogue pacifique - et la coexistence pacifique - sont de plus en plus rompus dans le monde entier par des discours et des actions qui cherchent à diviser, à enflammer et à répandre la haine ».

« Depuis le débat d’urgence du Conseil en juillet dernier sur ce sujet, la mise en scène publique d'exemplaires du Coran brûlés a persisté dans certains pays », a dit Volker Türk, sans faire référence.  

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Une dangereuse politique identitaire

Durant l’été, plusieurs manifestations ont été observées en Suède ou au Danemark impliquant des autodafés ou autres profanations du livre sacré musulman.

Pour le chef des droits de l’homme de l’ONU, la haine religieuse est aujourd’hui alimentée par de multiples facteurs. Il montre du doigt ces « politiciens et dirigeants, qui promeuvent des politiques qui divisent, polarisent et suppriment les voix dissidentes ». Des actes qui interviennent dans « une marée montante de populisme marquée par une dangereuse politique identitaire qui se nourrit de nationalisme et d’alarmisme ».

Ce ressentiment est également nourri par des systèmes éducatifs qui n’enseignent pas à leurs élèves le respect, la tolérance et la compréhension. Dans ces conditions, « les femmes et les jeunes filles musulmanes faisant souvent l’objet d’agressions verbales, d’intimidations physiques et de menaces de mort ou, pire encore, de violences réelles ». 

« Nous assistons à de nouvelles itérations de l’islamophobie, alimentées par des préjugés irrationnels similaires à ceux qui ont suivi les attaques terroristes du 11-Septembre. En Europe, en Asie et en Amérique du Nord notamment, les stéréotypes néfastes s’aggravent », a affirmé M. Türk, relevant que des communautés entières sont déshumanisées dans un contexte où « la religion a été instrumentalisée et manipulée à des fins politiques ».

Musulmans, bouddhistes, chrétiens, hindous, juifs et d'autres sont visés

Plus globalement, les discours de haine religieuse se développent aujourd’hui sans contrôle. En ligne, les algorithmes des médias sociaux amplifient les messages haineux et alimentent les chambres d’écho de l’ignorance. Or la haine religieuse - comme toutes les formes de haine - a pris racine dans les préjugés, l’ignorance ou une peur profonde de l’autre. 

Dans cette ambiance de rejet, des politiques relatives aux réfugiés et à l’immigration qui favorisent les personnes de certaines origines religieuses par rapport à d’autres entraînent des conséquences bouleversantes sur le droit d’asile ou l’assistance apportées aux migrants. Elles alimentent le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures en matière de valeur humaine.

D’une manière générale, la haine religieuse - et le discours de haine qui l’amplifie - n’a pas de frontières, et sa portée n’est pas limitée. Partout dans le monde, outre les musulmans, elle vise également les ahmadis, les baháʼís, les bouddhistes, les chrétiens, les hindous, les juifs, les sikhs, les yazidis, ainsi que les athées et bien d’autres encore. 

Les conséquences de la haine et de la discrimination religieuses sur les droits de l’homme sont évidentes. Elles perpétuent la méfiance et les stéréotypes qui portent atteinte à la dignité humaine. Elles humilient et peuvent conduire à l’incitation à la violence - ou à la violence elle-même.

En République centrafricaine, un groupe de jeunes militent contre la haine et la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique et la religion (photo d'archives).
OCHA/Yaye Nabo Séne
En République centrafricaine, un groupe de jeunes militent contre la haine et la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique et la religion (photo d'archives).

Pour des cadres juridiques et répressifs

Dans certains pays, les minorités religieuses sont confrontées à de graves discriminations sur les marchés de l’emploi et du logement, au sein des systèmes de justice pénale et au-delà. Le profilage religieux se poursuit dans le cadre des mesures de sécurité nationale. 

Face à cette situation, les États membres peuvent et doivent faire plus. « Comme l’ont si clairement montré les incendies de Coran et les nombreux autres incidents de haine religieuse dans le monde - il faut aller beaucoup plus loin pour combattre les causes profondes et les moteurs de la haine », a fait valoir M. Türk, plaidant aussi pour des campagnes d’information publique célébrant la diversité ou des systèmes éducatifs non discriminatoires. 

Dans ce combat pour la tolérance, toutes les plateformes de médias sociaux doivent prendre leurs responsabilités au sérieux, en écoutant les personnes concernées et en agissant rapidement grâce à des politiques de modération des contenus qui respectent les droits de l’homme. « Il y a aussi la justice et les recours pour les personnes victimes de discrimination ».

Il s’agit de mettre en place un modèle permettant aux pays d’adopter des cadres juridiques et répressifs ainsi que des politiques solides pour lutter contre le fléau de la haine religieuse - conformément au droit international des droits de l’homme - et d’agir rapidement pour garantir la reddition des comptes.