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Une station de traitement des eaux usées à Manille, aux Philippines.

Les eaux usées ont un potentiel inexploité

Photo Danilo Pinzon / Banque mondiale
Une station de traitement des eaux usées à Manille, aux Philippines.

Les eaux usées ont un potentiel inexploité

Climat et environnement

Les eaux usées, longtemps considérées comme un danger pour l'environnement et la santé, possèdent un potentiel inexploité en tant qu'énergie alternative et source d'eau propre pour compenser l'utilisation d'engrais, a déclaré mercredi le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). 

Dans son nouveau rapport intitulé Wastewater: Turning problem to solution, (Eaux usées : transformer le problème en solution) le PNUE avertit que seulement 11% des eaux usées traitées sont réutilisées, tandis qu'environ la moitié des eaux usées non traitées dans le monde se déversent encore dans les rivières, les lacs et les mers.

En outre, les émissions de CO2 provenant des eaux usées sont considérables, légèrement inférieures à celles de l'industrie aéronautique mondiale. 

Si les bonnes politiques sont mises en place, les eaux usées pourraient fournir une énergie alternative à un demi-milliard de personnes, fournir plus de 10 fois l'eau obtenue par les processus de désalinisation et réduire la demande d'engrais synthétiques.

Le rapport exhorte les gouvernements et les entreprises à traiter les eaux usées comme une opportunité d'économie circulaire, plutôt que comme un problème dont il faut se débarrasser. La collecte, le traitement et la réutilisation efficaces des eaux usées présentent de multiples avantages, notamment la création d'emplois et de sources de revenus. D'autres avantages résulteraient de la réduction du volume des eaux usées produites.

La publication du rapport conjoint par le PNUE, la plateforme Global Wastewater Initiative (GWWI) et GRID-Arendal, une organisation norvégienne à but non lucratif, est une pièce maîtresse de la Semaine mondiale de l'eau de cette année.

Un filtre goutte à goutte dans une usine de traitement des eaux usées à Danbury, Connecticut, aux États-Unis.
UN Photo/Evan Schneider
Un filtre goutte à goutte dans une usine de traitement des eaux usées à Danbury, Connecticut, aux États-Unis.

Gérer les eaux usées

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Pour exploiter en toute sécurité le potentiel des eaux usées en tant que ressource précieuse, le rapport préconise de réduire le volume des eaux usées produites, prévenir et diminuer la contamination et enfin gérer les eaux usées de manière à récupérer les produits qui peuvent être réutilisées en toute sécurité.

« À l'échelle mondiale, les eaux usées sont pleines de potentiel, mais on les laisse actuellement contaminer les écosystèmes dont nous dépendons », a déclaré Leticia Carvalho, Coordinatrice principale de la branche eaux marines et eaux douces du PNUE. « Nous ne devons pas laisser cette opportunité disparaître dans les égouts. Il est temps de réaliser la promesse des eaux usées en tant que source alternative d'eau propre, d'énergie et de nutriments importants ».

La crise mondiale de l'eau est aggravée par les eaux usées, qui proviennent des cuisines, des salles de bains et des toilettes, mais aussi des déchets industriels et agricoles, des eaux pluviales et du ruissellement urbain. 

Les produits chimiques et les nutriments excessifs contenus dans les eaux usées dégradent les écosystèmes, notamment les sols, les sources d'eau douce et les océans, contribuant ainsi à l'insécurité alimentaire et à d'autres problèmes sociaux.

En libérant des gaz à effet de serre puissants tels que le méthane et l'oxyde nitreux, les eaux usées sont responsables d'environ 1,57% des émissions mondiales, soit un peu moins que les dommages causés au climat par l'industrie aéronautique mondiale.

Une solution climatique

Pourtant, le rapport indique que les eaux usées peuvent devenir une solution climatique. En générant du biogaz, de la chaleur et de l'électricité, elles peuvent produire environ cinq fois plus d'énergie que ce qui est nécessaire pour leur traitement - suffisamment pour fournir de l'électricité à environ un demi-milliard de personnes par an.

En réduisant l'insécurité de l'eau, une bonne gestion des eaux usées peut également soutenir les efforts d'adaptation des pays au changement climatique.

La réutilisation de l'azote, du phosphore et du potassium contenus dans les eaux usées permettrait également de réduire la dépendance à l'égard des engrais synthétiques, en compensant 13,4% de la demande mondiale en nutriments agricoles.

Une bonne gestion des eaux usées permettrait également d'irriguer environ 40 millions d'hectares, soit une superficie équivalente à celle du Paraguay.

Minabige, 49 ans, vit avec son mari et sa fille dans une petite cabane d'une pièce au Sri Lanka, où ils mangent, cuisinent, prient, étudient et dorment, à quelques centimètres d'un égout à ciel ouvert.
© PAM/Josh Estey
Minabige, 49 ans, vit avec son mari et sa fille dans une petite cabane d'une pièce au Sri Lanka, où ils mangent, cuisinent, prient, étudient et dorment, à quelques centimètres d'un égout à ciel ouvert.

Défi complexe

L'amélioration de la gestion et de la réutilisation de l'eau est un défi complexe. Pourtant, les pays du monde entier disposent d'une expérience dont ils peuvent s'inspirer et qu'ils peuvent transposer à plus grande échelle, et les solutions peuvent être adaptées à différents contextes socio-environnementaux. 

Le rapport présente ainsi des exemples de gestion réussie des eaux usées dans des pays à revenu élevé ou faible. 

Ainsi à Dakar, au Sénégal, la circularité est en train d'être développée grâce à la co-localisation des stations d'épuration des eaux usées et des stations de traitement des boues de vidange. 

Cela a permis de récupérer des ressources pour la vente et la réutilisation des eaux usées traitées à des fins d'irrigation (horticulture) autour de Dakar ; la production d'énergie à partir de biogaz, permettant d'économiser 25% des coûts énergétiques ; et la valorisation et la vente des boues traitées et séchées aux agriculteurs et pour les espaces verts. Toutes ces activités génèrent des revenus, ce qui rend les services plus durables, plus fiables et plus résilients. 

« Nous devons maintenir la pression pour améliorer certaines conditions sous-jacentes essentielles si nous voulons que ces actions soient couronnées de succès », a déclaré Peter Harris, Directeur de GRID-Arendal. « Pour ce faire, nous avons besoin d'une gouvernance plus efficace, d'investissements, d'un soutien à l'innovation, d'un renforcement des données, d'une amélioration de la capacité de mise en œuvre et - ce qui est essentiel - d'un changement de comportement de notre part à tous, en tant qu'individus et institutions ».