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L’ONU reste le meilleur cadre pour une solution au Mali et dans le Sahel, selon le chef de la MINUSMA

La police des Nations Unies patrouille dans la région de Menaka, au nord-est du Mali.
MINUSMA/Gema Cortes
La police des Nations Unies patrouille dans la région de Menaka, au nord-est du Mali.

L’ONU reste le meilleur cadre pour une solution au Mali et dans le Sahel, selon le chef de la MINUSMA

Paix et sécurité

Après la mort de quatre Casques bleus lundi au Mali, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays a déploré une recrudescence des attaques des groupes terroristes, qui, malgré les progrès accomplis par la Mission des Nations Unies sur place, dépassent pour l’instant les moyens dévolus au maintien de la paix et pèsent lourdement sur la situation humanitaire.

Peu avant une réunion du Conseil de sécurité sur la question du Mali mardi, le Secrétaire général de l’ONU a également condamné fermement l’attaque perpétrée la veille avec un engin explosif improvisé contre une patrouille de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) à Tessalit, dans la région de Kidal, qui a entraîné la mort de quatre Casques bleus tchadiens.

António Guterres a rappelé que les attaques visant les Casques bleus peuvent constituer des crimes de guerre en vertu du droit international et a encouragé les autorités maliennes à ne ménager aucun effort pour identifier les auteurs de cette attaque afin qu'ils soient rapidement traduits en justice.

Ces quatre soldats morts, et les deux autres blessés, s’ajoutent « aux nombreux Maliens, membres des Nations Unies et des services internationaux ainsi qu’aux innombrables civils qui ont payé le prix ultime dans notre effort collectif pour la paix », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, El-Ghassim Wane, en s’adressant au Conseil de sécurité, lors d’une réunion à laquelle participait le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.

Le Représentant spécial a aussi vu dans cet attentat « un rappel brutal du fait que la communauté internationale et les Maliens sont tous dans le même bateau ». « Nous ne pouvons gagner cette bataille qu’ensemble et l’ONU, malgré les limites inhérentes au maintien de la paix, offre le meilleur cadre pour parvenir à une paix durable au Mali et dans l’ensemble du Sahel », a-t-il dit.

El-Ghassim Wane, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Eskinder Debebe
El-Ghassim Wane, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, devant le Conseil de sécurité.

Une situation sécuritaire instable

Il a confirmé que la situation sécuritaire reste instable dans le centre du pays et dans les régions frontalières avec le Burkina Faso et le Niger. « Depuis mars, les activités des éléments extrémistes affiliés à l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et à Jamāʿat Nuṣrat al-Islām wal-Muslimīn (JNIM) dans les régions de Ménaka et de Gao ont fortement augmenté » a-t-il relaté. « Ces groupes extrémistes profitent des vides sécuritaires que les forces maliennes s’efforcent de combler, et se battent pour le contrôle territorial tout en ciblant l'armée et la MINUSMA ».

Le Représentant spécial a assuré que la MINUSMA s’efforce de mieux protéger les civils en renforçant par exemple la présence militaire et les patrouilles dans la ville de Ménaka et en menant avec des moyens aériens basés à Tombouctou des opérations de dissuasion dans la région de Gao et des vols de renseignements pour repérer les populations déplacées bloquées par les affrontements entre l’EIGS et JNIM.

Mais El-Ghassim Wane a reconnu que « les besoins sur le terrain dépassent de loin la capacité de la MINUSMA avec ses ressources actuelles ». Outre la nécessité d’une meilleure coordination entre la mission de l’ONU et les forces maliennes, il a souligné l’urgence d’achever le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes rebelles autant que le déploiement de l’armée reconstituée, afin de permettre à l’Etat malien de relever les défis actuels. Car, malgré les pressions sur JNIM, les éléments extrémistes conservent la capacité de mener des attaques coordonnées contre les forces armées maliennes, de saboter les infrastructures et de terroriser les communautés locales par des attaques de représailles.

Ainsi, des attaques coordonnées ont eu lieu en juillet contre les forces armées maliennes, contre le village de Diallassagou en juin, puis avec le blocus de la Route nationale 16 – une importante voie d’approvisionnement de mai à septembre. Dans le même temps, les attaques dans le sud ont également augmenté.

Par-delà les moyens militaires, le Représentant spécial a rappelé qu’aucun résultat durable n’est possible sans le rétablissement de l’autorité de l’Etat et de la confiance avec les communautés locales, avec l’aide de la nouvelle Stratégie pour la stabilisation du centre du pays.

Veiller au respect des droits de l'homme lors des opérations militaires

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Ensuite, il est à ses yeux essentiel que tout soit mis en œuvre pour veiller à ce que les opérations militaires dirigées par le gouvernement soient menées dans le respect des droits de l’homme et du droit humanitaire international, et que les auteurs d’abus et de violations répondent de leurs actes.

Il a souligné que selon le dernier rapport trimestriel de la MINUSMA pour la période avril-juin le nombre de violations avait diminué et que les groupes terroristes en étaient les principaux auteurs. « Ce travail est un élément essentiel de notre mandat et son seul but est de contribuer à la promotion d’une paix et d’une stabilité durables », a-t-il rappelé, ajoutant qu’il compte sur la pleine coopération des autorités maliennes dans l’accomplissement de cette tâche.

La mission de l’ONU a ainsi organisé 13 formations aux droits de l’homme destinées aux forces de sécurité et commencé en février 2022 un projet d’intégration des standards relatifs aux droits de l’homme dans la conduite des opérations militaires et dans la formation du personnel de défense au Mali.

De plus, elle apporte une assistance technique pour renforcer la protection juridique des droits de l’homme, qui a contribué à la nouvelle politique pénale du ministère de la Justice ainsi qu’à une unité judiciaire spécialisée dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.

La situation humanitaire est aggravée par les problèmes de sécurité

Le Représentant spécial a néanmoins déploré l'effet négatif des conditions de sécurité sur la situation humanitaire. Le nombre de déplacés internes est passé de 350.000 à plus de 422.000 dans le centre et le nord du pays, tandis que plus de 175.000 réfugiés maliens se trouvent toujours dans les pays voisins. Plus de 1,8 million de personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire. Ce chiffre pourrait atteindre 2,3 millions d’ici novembre 2022. Plus de 1,2 million d’enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë.

En mai 2022, 1.950 écoles au Mali étaient fermées en raison de l’insécurité, affectant plus de 587.000 enfants, principalement dans la région centrale de Mopti.

Face à cette situation, El-Ghassim Wane a rappelé au Conseil de sécurité que l’effort humanitaire est entravé par le manque de financement, car seulement 30% des 686 millions de dollars demandés pour 2022 ont été mobilisés.

« La MINUSMA a fait preuve d’une résilience extraordinaire compte tenu de son environnement opérationnel difficile », a-t-il assuré. « Mais cette détermination ne peut se substituer aux atouts dont nous avons désespérément besoin », ni se passer de la coopération des autorités maliennes. « Plus que jamais, le moment est venu de travailler ensemble et de toute urgence pour répondre aux aspirations du peuple malien et de la région », a-t-il rappelé.