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30e anniversaire de la Déclaration des droits des minorités : « La participation des minorités est dans l’intérêt de tous »

Une famille de la minorité ethnique Hmong au Vietnam.
© UNICEF/Truong Viet Hung
Une famille de la minorité ethnique Hmong au Vietnam.

30e anniversaire de la Déclaration des droits des minorités : « La participation des minorités est dans l’intérêt de tous »

Droits de l'homme

Les Nations Unies ont célébré mercredi à New York le 30ème anniversaire de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, le seul instrument international des droits humains des Nations Unies qui soit entièrement consacré aux droits des minorités.

Mais le discours du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, accompagné du témoignage émouvant de la prix Nobel de la paix Nadia Murad, issue de la minorité yézidie d’Iraq, a relevé avant tout « la rude vérité : trente ans plus tard, nous sommes toujours loin, très loin » d’avoir réalisé l’objectif de protéger les droits des minorités. 

« Nous ne parlons pas, là, de simples carences, a déclaré le chef de l’ONU, mais d’une inaction et d’une négligence patente dans la protection des droits de minorités ». Votée en 1992, dans la salle de l’Assemblée générale, la Déclaration stipulait, sous la forme de « trois vérités essentielles », que « les droits des minorités sont des droits humains à part entière, que leur protection fait partie intégrante de la mission des Nations Unies et que la protection de ces droits est vitale pour l’avancement de la stabilité politique et sociale et la prévention des conflits internes et entre les pays ».

Constat décevant

Or, le constat est pour le moins décevant, aux yeux du Secrétaire général, qui déplore le sort des minorités, « soumises encore aujourd’hui à l’assimilation forcée, aux persécutions, aux préjugés, aux stéréotypes, à la haine et à la violence ».

Ajoutant que plus des trois quarts des apatrides de la planète sont issus de minorités, António Guterres a rappelé aussi que la pandémie de COVID-19 avait révélé des schémas d’exclusion profondément enracinés et une discrimination affectant de manière disproportionnée les communautés minoritaires, et en premier lieu les femmes, en butte à la recrudescence des violences liées au genre, privées plus souvent  de leurs emplois et des mêmes aides fiscales que les autres pendant cette période.

Face à cette situation, le Secrétaire général a invoqué une détermination et l’action résolue des décideurs politiques, appelant « chacun des Etats membres à prendre des mesures concrètes pour protéger les minorités et leur identité ».

Promouvoir l'inclusion des minorités

Pour sa part, Csaba Kőrösi, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, a assuré « que notre tâche, aujourd’hui, n’est pas de montrer quiconque du doigt ». « Ce serait facile mais pas assez productif. Notre tâche consiste à renforcer le terrain d’entente qui a été convenu », a t-il nuancé, en exhortant les Etats membres à partager leurs idées, leurs expériences, leurs meilleures pratiques et leurs promesses.

António Guterres a encouragé les Etats à suivre son « Appel à l’action pour les droits humains », un plan offert à tous les gouvernements pour résoudre les problèmes de discrimination persistante, notamment par le biais des dirigeants locaux des communautés concernées. Ensuite, en promouvant l’inclusion des minorités en tant que participants actifs et égaux dans toutes actions et décisions des autorités, conformément au « contrat social renouvelé et ancré dans une approche globale des droits de l’homme » qu’il propose dans son rapport sur « Notre Programme commun ».

« Cette participation accrue n’est pas seulement dans l’intérêt des groupes minoritaires. Elle est dans l’intérêt de tous », a insisté le Secrétaire général ». « Un Etat qui protège les droits des minorités est un Etat plus paisible. Les économies qui favorisent la pleine participation des minorités sont plus prospères, et les sociétés qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus dynamiques », a-t-il déclaré. « Et un monde dans lequel les droits de toutes et tous sont respectés est plus stable et plus juste ».

Une personne yézidie de Sinjar qui a été enlevée par l'EIIL dans un  camp pour personnes déplacées à Akre, en Iraq.
Photo: Giles Clarke / Getty Images Reportage
Une personne yézidie de Sinjar qui a été enlevée par l'EIIL dans un camp pour personnes déplacées à Akre, en Iraq.

Témoignage de Nadia Murad

Durant cette commémoration, la prix Nobel de la paix Nadia Murad, Ambassadrice de bonne volonté de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a livré son témoignage émouvant de sa vie au sein de la communauté minoritaire yézidie en Iraq. « J’étais fière de qui j’étais, membre d’une petite communauté dans un grand pays », a-t-elle raconté, en se remémorant l’humble vie quotidienne de son village isolé, autant que l’ignorance et les préjugés discriminatoires et cruels que montraient d’autres communautés à leur égard.

« Nous étions séparés à dessein, écartés des conversations nationales, marginalisés et oubliés », se souvient-elle. « Pour ceux qui étaient au pouvoir, il était plus facile de contrôler un pays dans lequel les minorités étaient divisées, suspicieuses les unes envers les autres, et privées de voix dans le gouvernement et la société civile. Nous étions invisibles ».

Nadia Murad, témoin d’une histoire qui est « celle de toutes les minorités du monde », a rappelé que la marginalisation et l’abandon de sa communauté avait facilité les exactions de Daech contre son peuple, mais qu’ils ne s’étaient pas contentés de rendre plus vulnérables les Yézidis. « Ils ont ouvert tout l’Iraq à la guerre et au terrorisme », a-t-elle raconté, avant d’appeler l’Iraq à fournir à ses minorités des législations les protégeant de l’insécurité et des discriminations. « Nous avons besoins de votre aide, a-t-elle dit aux Etats membres. Car nous connaissons les brutales conséquences de l’inaction ».