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Le Soudan du Sud a subi des années de sous-développement, de corruption et de conflit.

Le monde ne doit pas se détourner de la « tragédie » du Soudan du Sud, selon une Commission d’enquête de l’ONU

MINUSS/Amanda Voisard
Le Soudan du Sud a subi des années de sous-développement, de corruption et de conflit.

Le monde ne doit pas se détourner de la « tragédie » du Soudan du Sud, selon une Commission d’enquête de l’ONU

Droits de l'homme

Pendant que l’attention de la communauté internationale est plus portée sur la guerre en Ukraine, il est crucial de ne pas oublier le Soudan du Sud, a averti vendredi la Commission de l’ONU sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.

« Mes collègues et moi-même sommes profondément conscients que l’attention internationale est focalisée sur la guerre en Europe et les trois millions de réfugiés qui ont fui l’Ukraine, mais une tragédie aux proportions effrayantes se déroule actuellement sous nos yeux », a déclaré Yasmin Sooka, Présidente de la Commission. 

Ce pays d’Afrique de l’Est se trouve à un moment « critique » de sa transition.

S’exprimant devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Mme Sooka a indiqué que des dispositions cruciales de l’accord de paix revitalisé n’ont toujours pas été mises en œuvre. Dans une telle ambiance, les élections prévues ou attendues en 2023, pourraient plonger le Soudan du Sud « dans une violence massive ».

Des « élites politiques prédatrices » pillent l’aide humanitaire

Le conflit qui y fait rage est la cause principale du déplacement de deux millions de personnes et de 2,3 millions de réfugiés. Aussi, à cause de ce conflit pas moins de 8,9 millions de personnes ont désespérément besoin d’aide humanitaire, a insisté Mme Sooka.

Pourtant alors que la communauté internationale a mis dix millions de dollars américains à la disposition du Soudan du Sud pour faire face à la crise humanitaire, et 80.000 sacs de riz à distribuer aux personnes touchées par les inondations, l’argent et le riz destinés aux personnes les plus exposées ont malheureusement été « pillés par des élites politiques prédatrices ».

Sur le terrain, les violences et les abus ne faiblissent pas.  La Commission a ainsi documenté de nombreuses violations dans ce conflit qui se déroule actuellement au niveau local à Tambura, Warrup, Jonglei, dans la région de Greater Pibor et à Bentiu.

Des attaques contre les villages y entraînent des massacres de civils, des déplacements forcés sur une base ethnique, ainsi que des viols ciblés et des violences sexuelles à l’encontre des femmes et des jeunes filles perpétrés selon des critères ethniques. D’autre part, le Gouvernement n’a pas réussi à fournir à ses forces engagées dans la contre-insurrection dans l’Equatoria central les ressources et les rations de base, nourriture et fournitures.

Des familles déplacées ayant fui la violence s'abritent à Tambura, au Sud-Soudan.
MINUSS
Des familles déplacées ayant fui la violence s'abritent à Tambura, au Sud-Soudan.

142 personnes doivent faire l’objet d’une enquête pour des crimes

Il en résulte des « attaques prédatrices » au cours desquelles des femmes et des jeunes filles sont enlevées, violées et retenues comme esclaves sexuelles. 

Si l’Accord de paix revitalisé offrait un cadre solide pour relever les problèmes que rencontre le Soudan du Sud, la Commission a toutefois mis en garde sur ces étincelles qui mettront le feu aux poudres. 

« La quasi-totalité des quatorze facteurs de risque de crimes d’atrocité définis par les Nations Unies sont désormais présents au Soudan du Sud », a averti Mme Sooka. 

Conformément à son mandat, la Commission a d’ailleurs dressé une liste de 142 personnes qui méritent de faire l’objet d’une enquête pour des crimes relevant du droit national et international, notamment pour leur rôle dans les violences à motivation politique, a conclu Mme Sooka.

Au titre de pays concerné, le Soudan du Sud a réaffirmé son engagement à mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix revitalisé. 

À cet égard, le problème réside dans le manque de soutien de la communauté internationale sous forme d’assistance technique et de renforcement des capacités, en particulier pour les institutions de l’État de droit, a indiqué la délégation sud-soudanaise.

Le HCR en quête de 1,2 milliard de dollars pour faire face à « la plus grande crise de réfugiés en Afrique »

Sur le plan humanitaire, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et une centaine de partenaires humanitaires ont lancé ce vendredi un appel pour 1,2 milliard de dollars afin de fournir une aide humanitaire à 2,3 millions de réfugiés sud-soudanais et aux communautés qui les accueillent locales en République démocratique du Congo (RDC), en Éthiopie, au Kenya, au Soudan et en Ouganda. 

Après près d’une décennie de conflit et malgré les efforts déployés pour mettre en œuvre l’accord de paix, le Soudan du Sud continue de se débattre avec des violences sporadiques, une insécurité alimentaire chronique et l’impact dévastateur d’importantes inondations. Les pays d’accueil des réfugiés sud-soudanais sont également confrontés à des défis similaires dus à la crise climatique et à la pandémie, mais ils ont continué à garder leurs portes ouvertes aux réfugiés. 

Pour l’ONU, des fonds sont nécessaires de toute urgence pour aider ces pays d’accueil à fournir de la nourriture, un abri et un accès aux services essentiels tels que l’éducation et les soins de santé. Cette aide est essentielle dans un contexte de sous-financement chronique de l’approvisionnement alimentaire, qui continue d’entraîner des réductions régulières des rations alimentaires.

Selon le HCR, la crise des réfugiés du Soudan du Sud reste la plus « importante du continent africain ». Elle est également l’une des moins financées. En 2021, l’appel de fonds de l’Agence onusienne n’a été financée qu’à hauteur de 20 % seulement.