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Madagascar : l’ONU craint une aggravation de la première famine au monde due au changement climatique

Les personnes âgées et les enfants souffrant de malnutrition sont particulièrement vulnérables dans les régions du sud de Madagascar touchées par la sécheresse.
© PAM/Krystyna Kovalenko
Les personnes âgées et les enfants souffrant de malnutrition sont particulièrement vulnérables dans les régions du sud de Madagascar touchées par la sécheresse.

Madagascar : l’ONU craint une aggravation de la première famine au monde due au changement climatique

Aide humanitaire

Madagascar est le premier pays confronté à une détresse alimentaire liée au réchauffement climatique. Et la crise de la faim qui sévit depuis plus d’un an dans le sud du pays pourrait s’aggraver dans les mois à venir, a averti mardi le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies.

Au moins 1,3 million de personnes dont 30.000 souffrant de famine, ont besoin d’une aide alimentaire et nutritionnelle d’urgence dans le sud de l’île, le seul endroit au monde à l’heure actuelle où les conditions semblables à la famine ont été provoquées par le climat et non par les conflits.

Environ un demi-million d’enfants de la région souffrent de malnutrition et 110.000 d’entre eux risquent de perdre la vie s’ils ne reçoivent pas d’aide, a indiqué le PAM.

Des mesures de survie telles que la consommation d’insectes, de fruits de cactus rouge ou de tubercules

Selon le Directeur adjoint du PAM à Madagascar, Aduino Mangoni, quatre années consécutives de sécheresse ont anéanti les récoltes et entravé l’accès des populations à la nourriture dans le sud. « Des sécheresses successives ont frappé la partie la plus vulnérable du pays en termes de pauvreté, de sécurité alimentaire, de nutrition, d’éducation, d’infrastructures, etc. », a-t-il déclaré, lors d’un point de presse à Genève.

Selon l’agence onusienne, Madagascar a souffert de plusieurs années consécutives de sécheresse, ce qui, ajouté aux tempêtes de sable, aux infestations de criquets et aux effets de la pandémie de Covid-19, a plongé l’île d’Afrique australe dans une grave crise humanitaire. Une disparition presque totale des sources de nourriture a contraint les populations à adopter des mesures de survie de dernier recours telles que la consommation d’insectes, de fruits de cactus rouge ou de tubercules.

Un jeune adolescent ne pouvait même plus manger, car il ne lui restait plus assez de force dans son corps pour soulever une cuillère.
© PAM/Krystyna Kovalenko
Un jeune adolescent ne pouvait même plus manger, car il ne lui restait plus assez de force dans son corps pour soulever une cuillère.

Le PAM craint le pire lors de la période de soudure

Dans ces conditions, les derniers résultats d’avril 2021 du CadreiIntégré de la classification de la sécurité alimentaire (IPC) ont révélé qu’un nombre croissant de personnes est confronté à des niveaux d’insécurité alimentaire aiguë (Phase 3 de l’IPC), d’urgence (Phase 4) ou de niveaux de faim catastrophiques (Phase 5). Selon la PAM, c’est la première fois que des personnes sont enregistrées en Phase 5 à Madagascar depuis l’introduction de la méthodologie IPC en 2016.

Il y a désormais des poches de personnes en situation de « catastrophe », la phase 5 étant la plus élevée des cinq phases du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).

« Ces chiffres vont malheureusement augmenter dans les mois à venir, car nous entrons dans la période de soudure », a admis M. Mangoni, faisant référence aux mois où la nourriture est la moins disponible dans les zones agricoles, soit les mois entre la période de plantation et la période de récolte.

Selon le PAM, c’est actuellement la seule famine directement causée par le changement climatique. Car les famines dans d’autres parties du monde, telles qu'au Yémen, au Soudan du Sud, ou dans la région du Tigré en Éthiopie, sont le résultat indirect de conflits armés.

Le PAM veut 69 millions de dollars pour l’ensemble de la période de soudure

Plus globalement, le PAM estime que ces dernières tendances sont cohérentes avec ce que leurs équipes observent sur le terrain, dans les centres de santé et dans les villages. « Ce que nous observons actuellement sur le terrain est conforme à nos dernières données de suivi », a ajouté le Représentant adjoint du PAM dans le pays, relevant « des indicateurs de sécurité alimentaire et de nutrition, qui sont déjà trop sévères pour cette période de l’année où la période de soudure ne fait que commencer ».

À la lumière de cette situation déjà dramatique sur le terrain, le PAM a commencé à intensifier ses programmes de rationnement et de nutrition depuis septembre 2021. « Nous prévoyons également d’intensifier le nombre de personnes assistées et de rations à partir de décembre 2021 jusqu’à la prochaine bonne récolte, si possible en avril 2022 », a fait valoir M. Mangoni.

Face à une situation d’insécurité alimentaire inquiétante, des ressources supplémentaires sont nécessaires. Le PAM a ainsi lancé un appel de 69 millions de dollars pour financer l’aide humanitaire nécessaire dans le sud de Madagascar pour l’ensemble de la période de soudure.