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« Les hommes ont brisé mon corps et brisé mon âme » : en RDC, l’ONU aide les survivantes de violences sexuelles

La Directrice exécutive de l'UNFPA, Dr Natalia Kanem, visite un hôpital en République démocratique du Congo.
UNFPA/Luis Tato
La Directrice exécutive de l'UNFPA, Dr Natalia Kanem, visite un hôpital en République démocratique du Congo.

« Les hommes ont brisé mon corps et brisé mon âme » : en RDC, l’ONU aide les survivantes de violences sexuelles

Femmes

La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), la Dre Natalie Kanem, a récemment conclu une visite en République démocratique du Congo (RDC). La cheffe de l'agence onusienne chargée de promouvoir la santé sexuelle et reproductive a constaté les conséquences horribles de la violence sexuelle dans ce pays d’Afrique centrale confronté à l'une des plus longues crises humanitaires au monde.

« Nous avons attendu pendant des heures au point de distribution jusqu'à ce qu'ils nous disent finalement de rentrer chez nous. Affamée et les mains vides, j'ai marché avec trois autres femmes et deux petites filles. C'était le crépuscule et j'ai entendu les petites filles crier.

Ma dernière pensée avant de perdre conscience, était de savoir comment le mal pur peut exister dans ce monde

Je me suis retournée et, dans la pénombre, j'ai vu des hommes et des garçons venir vers nous. Ils nous ont attrapés et nous ont raillés quand ils nous ont distribués entre eux, y compris les enfants. Cinq hommes m’ont violée à tour de rôle. Ma dernière pensée avant de perdre conscience, était de savoir comment le mal pur peut exister dans ce monde ».

Cette histoire déchirante, Larise*, une personne déplacée dans l’est de la RDC, l’a raconté à la Dre Kanem lors de sa visite à Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu, plus tôt cette semaine.

Larise a remis à la cheffe de l'UNFPA une photo pliée montrant son corps battu à la suite de l'agression. « J'ai été à l'hôpital pendant cinq mois. Les hommes ont brisé mon corps en plusieurs morceaux et ont brisé mon âme », a dit la Congolaise à la haute responsable onusienne.

La Directrice exécutive de l'UNFPA, Dr Natalia Kanem, en visite à Kinshasa en République démocratique du Congo.
UNFPA/Luis Tato
La Directrice exécutive de l'UNFPA, Dr Natalia Kanem, en visite à Kinshasa en République démocratique du Congo.

« Une tempête parfaite de crises humanitaires »

L’expérience horrible qu’a vécue Larisse est malheureusement trop courante dans l’est de la RDC qui traverse l’une des plus longues et plus complexes crises humanitaires au monde. Le pays d’Afrique centrale compte plus de cinq millions de personnes déplacées dont la vie continue d’être bouleversée par les conflits armés, la violence et l’insécurité.

« Ce n’est pas simplement une tempête parfaite de crises humanitaires ; cela va au-delà de cela, car l'ampleur est catastrophique », a déclaré la Dre Kanem qui, en tant que responsable des efforts déployés à l'échelle du système des Nations Unies pour protéger les femmes et les filles, est venue écouter les témoignages et les besoins des survivantes de violences sexuelles.

Après avoir écouté les histoires de ces femmes, la cheffe de l’UNFPA a relayé leurs recommandations à une équipe dédiée à la protection des femmes et des filles contre l’exploitation et les abus sexuels et le harcèlement sexuel. Ensemble, ils ont discuté des priorités, de la responsabilité et des efforts pour faire de la tolérance zéro envers les violences sexuelles une réalité. La Dre Kanem a également partagé ces recommandations avec l'équipe-pays des Nations Unies et la Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC et cheffe de la MONUSCO (Mission des Nations Unies en RDC), Bintou Keita.

« Nous devons examiner trois priorités : renforcer notre réponse ; améliorer l’accès des victimes à une assistance et à des informations de qualité ; et renforcer notre coordination et notre cohésion. Les femmes et les filles sont piégées. Elles payent un lourd tribut avec leurs droits, leurs corps et leurs vies », a dit la cheffe de l’UNFPA.

Des défis pressants

La RDC est confrontée à des défis humanitaires urgents, aggravés par l'impact de la Covid-19, des catastrophes naturelles, des conflits localisés et des épidémies. Le pays est géographiquement le deuxième plus grand Etat au monde en superficie, l'un des plus peuplés et l'un des plus riches en ressources naturelles d'Afrique.

Malgré ses vastes ressources, 63% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et l'insécurité alimentaire fait des ravages, en particulier chez les femmes enceintes et allaitantes et les nouveau-nés.

Selon des estimations, plus de 25 millions de personnes en RDC auront besoin d'une aide humanitaire cette année. L’UNFPA espère offrir à 5,7 millions de femmes et de filles congolaises en âge de procréer des services et des fournitures de santé sexuelle et procréative vitaux, une prévention et une réponse à la violence sexiste et un soutien psychosocial.

Dans ce contexte, l'ONU et ses partenaires ont lancé un plan de réponse humanitaire qui requiert près de 2 milliards de dollars pour fournir une assistance vitale aux plus vulnérables. L’UNFPA estime que 67 millions de dollars sont nécessaires pour fournir des soins de santé génésique et des services de protection des femmes jusqu'à la fin de 2021.

En espérant un avenir meilleur

Les multiples défis du pays exigent des interventions cohérentes et collaboratives pour soutenir les communautés affectées avant, pendant et après les crises, souligne la Dr Kanem. « Nous recherchons des interventions humanitaires qui ouvrent la voie aux objectifs à plus long terme de promotion des droits humains et de l'égalité des sexes, de renforcement de la cohésion sociale et de maintien de la paix », a-t-elle dit.

Le renforcement de la résilience des personnes, des communautés et des systèmes et la promotion d'un accès juste et équitable aux services essentiels tels que les soins de santé sexuelle et reproductive, a-t-elle ajouté, sont essentiels au succès des efforts.

L'UNFPA s'emploie à atteindre trois résultats transformateurs d'ici 2030 : zéro décès maternel évitable, zéro besoin non satisfait de planification familiale et zéro violence sexiste et pratiques néfastes, y compris le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines.

* Le nom a été modifié pour protéger l'identité de la survivante