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Sanctions unilatérales : un expert de l’ONU dénonce un outil fruste qui pénalise les populations

Idriss Jazayry, Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’impact négatif des mesures unilatérales coercitives sur la jouissance des droits humains, lors d’un entretien avec ONU Info
ONU Info/Hafiz Kheir
Idriss Jazayry, Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’impact négatif des mesures unilatérales coercitives sur la jouissance des droits humains, lors d’un entretien avec ONU Info

Sanctions unilatérales : un expert de l’ONU dénonce un outil fruste qui pénalise les populations

Droits de l'homme

De nombreux pays dans le monde font l’objets de sanctions unilatérales par d’autres pays, une situation dénoncée par un expert des droits de l’homme des Nations Unies qui souligne le lourd tribut que font peser ces sanctions sur les populations des pays visés.

« Il y a un quart de l’humanité qui vit dans des pays qui sont ciblés par des mesures coercitives unilatérales », estime Idriss Jazayry, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’impact négatif des mesures unilatérales coercitives sur la jouissance des droits humains, lors d’un récent entretien avec ONU Info à New York.

« Du point de vue des droits de l’homme ou du point de vue de l’intérêt économique, il y a certainement des manières plus efficaces d’atteindre l’objectif poursuivi en cas de différends entre des Etats que de recourir à ce qui demeure un outil extrêmement fruste. C’est comme si on voulait faire une opération de microchirurgie avec un couteau de boucher », ajoute-t-il.

L’expert est inquiet en particulier pour les pays qui ne sont pas seulement visés par des mesures coercitives unilatérales de la part d’autres pays mais à qui on impose un blocus.

« Le blocus est pire que les mesures coercitives car il a pour but non seulement de refuser d’interagir avec le pays ciblé mais aussi d’interdire à des parties tierces de pouvoir avoir des relations avec le pays en question », souligne-t-il. « Donc, il s’agit d’un étouffement économique du pays ciblé ».

Idriss Jazayry estime que, d’un point de vue légal, les blocus doivent être bannis « quelles que soient les circonstances ». « Quant aux sanctions autres que les blocus, c’est une question qui doit être décidée par la Cour internationale de Justice », ajoute-t-il.

« Les punitions collectives sont interdites par le droit international »

S’agissant des sanctions unilatérales annoncées par les Etats-Unis contre l’Iran, l’expert note avec regret qu’il y a « une acceptation que non seulement l’on va punir les gouvernants mais que l’on va faire payer à toute la population de ce pays le prix du désaccord qui prévaut entre les Etats-Unis et l’Iran ».

Il prend également l’exemple de la Syrie, où il s’est rendu récemment. Selon lui, les mesures coercitives unilatérales imposées « au nom de la préservation des droits humains des Syriens » par l’Union européenne et les Etats-Unis « ont pour effet d’aggraver encore la situation de cette population ».

De manière générale, seules « les sanctions décidées par le Conseil de sécurité sont des sanctions qui sont légitimes et à la mise en œuvre desquelles tous les Etats membres sont conviés à se conformer », note-t-il.

« Les sanctions unilatérales coercitives qui sont prises par un Etat ou un groupe d’Etats ne peuvent pas être considérées comme légitimes même si l’objectif poursuivi peut être en lui-même légitime », ajoute-t-il. « La question centrale est : qui est-ce qu’on veut punir ? (…) Si on décide qu’un gouvernement n’ayant pas respecté des obligations internationales doit être sanctionné, on cible le gouvernement mais on épargne la population. Les punitions collectives sont interdites par le droit international ».

La question centrale est : qui est-ce qu’on veut punir ? 

Idriss Jazayry a examiné la question des sanctions prises par l’Union européenne et les Etats-Unis après l’annexion de la Crimée par la Russie et des mesures de rétorsion de la Russie. Il en conclut que tout le monde est perdant.

En Russie, des groupes de populations ont été particulièrement affectés par les sanctions : les femmes et les jeunes travailleurs manuels âgés entre 16-17 ans et 25 ans dans les secteurs de production liés aux activités commerciales qui se développaient avec l’Europe.

Du côté de l’Europe, les producteurs agricoles ont été affectés par les mesures de rétorsion russes. Au final, « il s’est avéré que c’était l’Union européenne qui avait perdu plus que la Russie du fait des mesures de rétorsion appliquées par la Russie à l’encontre de l’Europe », dit-il.