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Burundi : une commission d'enquête de l'ONU appelle la CPI à enquêter sur de possibles crimes contre l'humanité

Un jeune réfugié burundais attend dans le camp de Nduta, situé au nord-ouest de la Tanzanie. Le camp peut à peine fournir un abri, des articles ménagers, des latrines et des douches à tous les réfugiés.
HCR / Benjamin Loyseau
Un jeune réfugié burundais attend dans le camp de Nduta, situé au nord-ouest de la Tanzanie. Le camp peut à peine fournir un abri, des articles ménagers, des latrines et des douches à tous les réfugiés.

Burundi : une commission d'enquête de l'ONU appelle la CPI à enquêter sur de possibles crimes contre l'humanité

La Commission d'enquête indépendante de l'ONU sur le Burundi a « des motifs raisonnables » de conclure que des « responsables au plus niveau de l'Etat » ont perpétré des crimes contre l'humanité.

Dans un rapport publié lundi, la Commission d'enquête relèvent que ces crimes contre l'humanité continuent d'être commis dans ce pays d'Afrique centrale.

Les crimes qui remontent à avril 2015 s'inscrivent dans un contexte de graves violations des droits l'homme qui incluent des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles, des traitements cruels, inhumains ou dégradants ou encore des disparitions forcées.

Le rapport d'une vingtaine de pages présenté à Genève est le fruit de plusieurs mois d'investigation auprès de plus de 500 témoins, dont de nombreux Burundais réfugiés à l'étranger et « d'autres restés dans leur pays, souvent au péril de leur vie ». Ces témoignages ont été recueillis dans des conditions difficiles.

« Un climat de peur généralisé règne au Burundi »

Pour le Président de la Commission d'enquête, Fatsah Ouguergouz, les graves violations des droits de l'homme n'ont pas cessé au Burundi. « Nous continuons à recevoir des informations fiables, crédibles et concordantes qui confirment que de tels actes sont toujours commis au Burundi à l'heure actuelle. Certaines violations ont désormais lieu de manière plus clandestine, mais elles sont toujours aussi brutales », a affirmé M. Ouguergouz.

« Un climat de peur généralisé règne au Burundi » a fait remarquer Françoise Hampson, une des trois membres de la Commission. « Même en exil, des victimes ont été menacées », a-t-elle précisé.

De façon générale, le Président de la Commission d'enquête s'est dit « frappé par l'ampleur et la brutalité des violations commises ». Au nombre des principaux auteurs présumés, la Commission a recensé des agents, y compris de haut rang, du Service national du renseignement et de la Police nationale du Burundi, des militaires ainsi que des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir communément appelés Imbonerakure.

Les enquêteurs onusiens ont toutefois « constaté l'absence de volonté des autorités burundaises de lutter contre l'impunité et de garantir l'indépendance du système judiciaire ». « En conséquence, les auteurs de ces crimes risquent fortement de rester impunis », ont-ils déploré. Autres griefs contre Bujumbura sur l'absence de coopération, la fin de non-recevoir des autorités burundaises malgré les appels répétés de la Commission pour documenter les atteintes aux droits de l'homme.

Par ailleurs, les groupes d'opposition sont accusés d'être responsables de violations des droits de l'homme, même si celles-ci « se sont avérées difficiles à documenter », a expliqué la Commission. Cette dernière indique avoir recueilli des informations sur des attaques ciblées de groupes armés d'opposition contre des postes de l'armée et de la police, ainsi que des attaques de plus grande envergure comme en juillet 2015 dans la province de Kayanza ainsi que le 11 décembre 2015 à Bujumbura et dans ses environs.

Appels de la Commission à la Cour pénale internationale et à l'Union africaine

Face à ce sombre tableau sur la situation au Burundi et à l'impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes, la Commission demande à la Cour pénale internationale (CPI) « d'ouvrir, dans les plus brefs délais une enquête sur les crimes commis au Burundi ».

Les enquêteurs de l'ONU demandent à la CPI de saisir de tout crime qui serait commis au Burundi après le 27 octobre 2017. Bujumbura avait notifié formellement aux Nations Unies sa décision de se retirer de la CPI le 27 octobre 2016. Ce retrait sera effectif un an après, soit le 27 octobre 2017.

Parmi ses autres recommandations, la Commission demande également à l'Union africaine (UA) « de reprendre l'initiative dans la recherche d'une solution durable à la crise au Burundi fondée sur le respect des droits de l'homme (…), et de s'y engager activement ». L'UA doit « envisager, en cas de persistance de la situation actuelle, l'application de l'article 4h de son Acte constitutif, l'autorisant à intervenir dans un Etat membre dans certaines circonstances, notamment en cas de crimes contre l'humanité », souligne le rapport.

Lors de la présentation du rapport, le Président de la Commission d'enquête a indiqué qu'une liste de responsables présumés de crimes contre l'humanité dans les violences en lien avec le processus électoral en 2015 a été établie.

Le rapport sera présenté au Conseil des droits de l'homme qui se réunit lundi prochain à Genève pour une durée de trois semaines. La Commission demande d'ailleurs à l'organe onusien de prolonger son mandat pour une durée d'un an aux fins de poursuivre ses enquêtes.