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Côte d'Ivoire : des experts de l'ONU appellent à faire face aux conséquences de l'affaire du Probo Koala dix ans après

Des déchets toxiques. ARCHIVES. Photo OCHA/Gemma Cortes
Des déchets toxiques. ARCHIVES. Photo OCHA/Gemma Cortes

Côte d'Ivoire : des experts de l'ONU appellent à faire face aux conséquences de l'affaire du Probo Koala dix ans après

Dix ans après le déversement illégal de déchets toxiques à Abidjan, en Côte d'Ivoire, un groupe d'experts de l'ONU a appelé mercredi le gouvernement ivoirien, l'ensemble des Etats responsables et la communauté internationale à aborder les conséquences que cet incident continue d'avoir sur les droits de l'homme.

Le groupe appelle également la société responsable à divulguer le contenu et la nature des déchets déversés et les conséquences probables qu'ils continuent d'avoir sur la santé et l'environnement.

Le 19 août 2006, le cargo Probo Koala avait déchargé 500 tonnes de déchets toxiques à Abidjan. Les substances dangereuses, qui appartenaient à la société anglo-néerlandaise Trafigura, ont ensuite été abandonnées dans 18 sites autour de la ville tandis que de nombreux autres endroits où les déchets ont été potentiellement déversés demeurent inconnus à ce jour. Selon les estimations officielles, 15 personnes sont mortes, 69 personnes ont été hospitalisées et plus de 108.000 personnes ont demandé un traitement médical à la suite de ce qui a été appelé « l'affaire du Probo Koala ».

« Dix ans après, les victimes de ce déversement et d'autres résidents à Abidjan restent dans l'ignorance des dangers actuels pour leur santé », indique le groupe d'experts.

« Les résidents se plaignent encore de l'odeur de déchets lors des fortes pluies, ainsi que des maux de tête, des problèmes de peau et de troubles respiratoires dont ils pensent qu'ils sont liés à cette affaire. Ils ignorent toujours le contenu exact des déchets toxiques; si les décharges ont été adéquatement éliminées, et si les déchets ont pénétré le système d'approvisionnement en eau ou la chaîne alimentaire », a précisé le groupe d'experts qui indique qu'il y a lieu de craindre pour la sécurité alimentaire et la santé des générations futures.

Les experts estiment que le gouvernement de la Côte d'Ivoire doit saisir l'occasion de ce 10e anniversaire pour aborder les conséquences à long terme de cette affaire sur la santé et sur l'environnement et demander une assistance financière et technique supplémentaire à des experts en santé publique et à l'ensemble de la communauté internationale.

« Dans un pays sortant d'un conflit tel que la Côte d'Ivoire, il est encore plus vital pour la communauté internationale de fournir un soutien à ce travail. Compte tenu de leur rôle dans ces événements, les gouvernements des Pays-Bas et du Royaume-Uni où Trafigura est enregistrée, ont une responsabilité particulière pour le faire », ont précisé les experts qui rappellent qu'en mars 2015, le Royaume-Uni a refusé de lancer une enquête criminelle sur la question de savoir si la filiale de Trafigura basée à Londres avait conspiré sur le territoire britannique afin de déverser les déchets à Abidjan.

Ils indiquent également que de nombreuses victimes ont signalé qu'elles n'ont toujours pas été indemnisées et que des fonds destinés à 6.000 d'entre elles, suite au règlement d'une procédure civile avec Trafigura au Royaume-Uni, ont été détournés par un groupe frauduleux qui prétendait les représenter.

« Nous sommes préoccupés par le fait que certaines associations de victimes auraient profité de cette situation en faisant des promesses douteuses de compensation en contrepartie des frais initiaux payées par des victimes et d'une contrepartie des dommages et intérêts qui leurs seront octroyées », a dit le groupe d'experts. « Le gouvernement doit prendre des mesures afin de réglementer ces associations et de s'assurer que les gens ne deviennent pas victimes une deuxième fois aussi bien du déversement des déchets toxiques que d'acteurs peu scrupuleux »

En novembre 2015, le gouvernement de la Côte d'Ivoire a annoncé qu'il avait terminé la décontamination de tous les dépotoirs. A la demande du gouvernement, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a effectué un audit environnemental des sites des déchets en juillet 2016 pour vérifier leur décontamination. Le PNUE doit publier ses résultats et recommandations à la fin de l'année. En outre, le gouvernement a récemment lancé un processus visant à contrôler la santé des victimes dans l'un des villages les plus touchés par le déversement des déchets.

« Nous saluons ces mesures et demandons urgemment à la Côte d'Ivoire de communiquer largement les résultats des conclusions du PNUE, en particulier auprès des collectivités touchées », a déclaré le groupe d'experts. « Nous exhortons également les autorités ivoiriennes et la communauté internationale à prendre des mesures efficaces pour protéger le droit à la santé et à un environnement sain pour toutes les victimes et leurs familles, cela incluant un traitement médical gratuit pour les conséquences subies à long terme sur la santé et des mesures préventives de menaces environnementales ».

Le groupe d'experts comprend Mohammed Ayat, Expert indépendant sur le renforcement de capacités et la coopération technique avec la Côte d'Ivoire dans le domaine des droits de l'homme ; Baskut Tuncak, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux ; Hilal Elver, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation ; Dainius Pūras, Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale ; Pavel Sulyandziga, Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.