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Selon l'OIT, 60 millions de travailleurs domestiques sont sans protection sociale

Un travailleur domestique lave des vêtements à la main à New Delhi, en Inde.
ILO/B. Patel
Un travailleur domestique lave des vêtements à la main à New Delhi, en Inde.

Selon l'OIT, 60 millions de travailleurs domestiques sont sans protection sociale

Environ 60 millions de travailleurs domestiques sur 67 millions dans le monde n'ont toujours accès à aucune forme de couverture de sécurité sociale, indique une nouvelle étude de l'Organisation internationale du Travail (OIT), publiée lundi.

« L'immense majorité des travailleurs domestiques sont des femmes : elles représentent 80% de l'ensemble des travailleurs du secteur », a expliqué la Directrice du département de la protection sociale de l'OIT, Isabel Ortiz, dans un communiqué de presse annonçant la sortie du rapport. « L'essentiel de leur travail est sous-évalué et non protégé et, quand ils vieillissent ou se blessent, les travailleurs et travailleuses domestiques sont congédiés, sans pension ni aide financière adéquate. Cela peut et doit être corrigé ».

Intitulée 'Social protection for domestic workers: Key policy trends and statistics' ('La protection sociale pour les travailleurs domestiques: principales tendances politiques et statistiques'), l'étude souligne que le travail domestique est un secteur difficile à couvrir en pratique, parce qu'il est effectué au domicile privé de l'employeur et souvent chez plusieurs employeurs. Il se caractérise aussi par une forte rotation des emplois, de fréquents paiements en nature, des salaires versés irrégulièrement et l'absence de contrats de travail en bonne et due forme.

« Comme il s'agit d'une main-d'œuvre essentiellement féminine sujette à de nombreuses discriminations, ainsi qu'à une vulnérabilité socioéconomique, les politiques visant à étendre la protection sociale aux travailleurs domestiques sont déterminantes dans la lutte contre la pauvreté et pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes», a déclaré le Chef du Service de l'OIT des marchés du travail inclusifs, des relations professionnelles et des conditions de travail (INWORK), Philippe Marcadent.

Selon le rapport, les plus grandes carences en matière de couverture de sécurité sociale pour les travailleurs domestiques sont concentrées dans les pays en développement, l'Asie et l'Amérique latine représentant 68 pour cent des travailleurs domestiques dans le monde.

Cependant, l'étude montre que des lacunes persistent aussi dans la protection sociale des travailleurs domestiques dans certains pays industrialisés.

En Italie, par exemple, environ 60% des travailleurs domestiques ne sont pas déclarés et ne cotisent pas aux caisses de sécurité sociale, indique le rapport, ajoutant qu'en Espagne et en France, 30% des travailleurs domestiques sont exclus de la couverture de sécurité sociale.

L'étude alerte aussi sur le fait que les travailleurs domestiques migrants, actuellement estimés à 11 millions et demi dans le monde, sont souvent confrontés à des discriminations plus grandes encore.

Environ 14% des pays dont les régimes de sécurité sociale offrent une forme de couverture aux travailleurs domestiques n'octroient pas les mêmes droits aux travailleurs domestiques migrants, précise le rapport.

« Quand on réfléchit aux moyens pour améliorer la couverture actuelle, on constate qu'il n'existe pas de modèle idéal de protection pour les travailleurs domestiques qui marcherait dans toutes les situations. Mais la couverture obligatoire (plutôt qu'une couverture volontaire) est un élément décisif pour parvenir à une couverture adaptée et efficace, quel que soit le système utilisé », a expliqué un économiste de l'OIT, Fabio Duran-Valverde.

Cependant, ajoute le rapport, étant donné que les travailleurs domestiques font face à une situation unique en termes de vulnérabilité, une couverture obligatoire ne suffit pas pour être efficace. La stratégie devrait inclure également des incitations fiscales, des plans d'enregistrement, des campagnes de sensibilisation s'adressant aux travailleurs domestiques et à leurs employeurs, ainsi que des dispositifs de chèques-services.

« Le travail domestique devrait aussi être intégré dans des politiques plus larges destinées à réduire le travail informel », préconise l'étude.

Le rapport démontre aussi que la couverture des travailleurs domestiques par les systèmes de sécurité sociale est réalisable et abordable, y compris dans les pays à bas revenu ou à revenu intermédiaire, comme en attestent les cas du Mali, du Sénégal et du Vietnam.

L'étude montre enfin qu'une tendance claire se dessine pour une couverture accrue, en particulier dans les pays en développement.

« Il n'existe aucune justification pour que cette catégorie de personnes reste exclue de la sécurité sociale qui est un droit de l'Homme pour tous », conclut le rapport de l'OIT.