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L'affaire Apple-FBI pourrait avoir de graves conséquences sur les droits de l'homme, selon l'ONU

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein. Photo ONU/Pierre Albouy
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein. Photo ONU/Pierre Albouy

L'affaire Apple-FBI pourrait avoir de graves conséquences sur les droits de l'homme, selon l'ONU

Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a exhorté les autorités américaines à agir avec la plus grande prudence dans le cadre des procédures légales impliquant la société informatique Apple et le Bureau d'enquête fédéral (FBI) qui sont en cours, étant donné les conséquences négatives qu'elles pourraient avoir sur les droits de l'homme partout dans le monde.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a exhorté vendredi les autorités américaines à agir avec la plus grande prudence dans le cadre des procédures légales impliquant la société informatique Apple et le Bureau d'enquête fédéral (FBI) qui sont en cours, étant donné les conséquences négatives qu'elles pourraient avoir sur les droits de l'homme partout dans le monde.

« Dans le but de régler un problème de sécurité relatif au chiffrement des données dans un cas bien précis, les autorités risquent d'ouvrir la boîte de Pandore, avec des implications qui pourraient être extrêmement dommageables pour les droits de l'homme de millions de personnes, y compris pour leur sécurité physique et financière », a déclaré Zeid Ra'ad Al Hussein dans un communiqué de presse. « Je reconnais que cette affaire est loin d'être terminée sur le plan judiciaire et j'appelle toutes les parties concernées à ne pas se limiter au seul examen du bien-fondé de cette affaire mais à également envisager l'impact plus large qu'elle pourrait avoir ».

« Le FBI mérite l'appui sans réserve de tout un chacun dans son enquête sur les meurtres de San Bernardino », a ajouté le Haut-Commissaire. « C'est un crime abominable et aucune personne ayant aidé à sa réalisation ou l'ayant encouragé ne devrait pouvoir échapper à la loi. Mais, dans cette affaire, il ne s'agit pas d'une société – ou de ses sympathisants – qui tenterait de protéger des criminels et des terroristes ; il s'agit de savoir où placer la ligne rouge fondamentale dont nous avons besoin pour tous nous protéger contre les criminels et la répression ».

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), il existe de nombreux autres moyens pour enquêter et découvrir si les meurtriers avaient des complices, en dehors de forcer Apple à créer un logiciel pour affaiblir les dispositifs de sécurité de ses propres téléphones. « Il ne s'agit pas ici simplement d'une affaire précise impliquant une société informatique particulière dans un pays donné. Cette affaire aura des conséquences énormes pour l'avenir de la sécurité des personnes dans le monde numérique, qui est de plus en plus intimement lié au monde actuel dans lequel nous vivons », a dit M. Zeid.

Selon lui, un succès dans l'affaire contre Apple aux Etats-Unis établirait un précédent qui pourrait rendre impossible pour Apple ou toute autre société informatique internationale majeure de protéger la vie privée de ses clients partout dans le monde. « Cela pourrait être un cadeau fait aux régimes autoritaires et aux pirates informatiques. Les autorités d'autres Etats ont déjà déployé des efforts concertés pour forcer des sociétés du secteur de l'informatique et des communications, comme Google et Blackberry, afin qu'elles exposent leurs clients à de la surveillance de masse », a-t-il souligné.

Il a noté que les outils de chiffrement sont largement utilisés dans le monde, y compris par les défenseurs des droits de l'homme, la société civile, les journalistes, les lanceurs d'alerte et les dissidents politiques qui risquent persécutions et harcèlement. « Le chiffrement et l'anonymat sont nécessaires; ils favorisent la liberté d'expression et d'opinion ainsi que le droit à la vie privée. Il n'y a rien de fantaisiste ni d'exagéré dans le fait de dire que, sans outil de chiffrement, des vies pourraient être mises en danger. Dans le pire des cas, la capacité d'un gouvernement à s'introduire dans les téléphones de ses citoyens pourrait conduire à des poursuites contre des personnes qui ne font qu'exercer leurs droits fondamentaux », a-t-il dit.

« Malheureusement, les forces de sécurité à travers le monde ne manqueront pas pour tirer profit de la possibilité de s'introduire dans les téléphones des individus si l'occasion leur en est donnée », a déclaré le Haut-Commissaire. « Et on ne manquera pas non plus d'esprits criminels pour commettre des crimes économiques en accédant aux données d'autres personnes ».

Le Haut-Commissaire a pris note de la décision d'un magistrat fédéral - prise cette semaine dans une affaire distincte à New York - de rejeter la demande du gouvernement pour qu'Apple soit contrainte de l'aider à extraire des informations d'un iPhone appartenant à un suspect dans une affaire de drogue.

Il a exhorté les Etats à s'inspirer des affaires Apple-FBI pour mener un examen approfondi et très attendu sur les questions hautement complexes et en constante évolution liées à la vie privée et à la sécurité à l'ère du numérique, étant donné l'importance de chiffrements puissants pour sauvegarder la sécurité et les droits de l'homme.