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L'ONU appelle l'Europe à assumer sa part de responsabilité dans l'accueil des réfugiés

Des enfants à proximité du centre d'accueil de la ville de Gevgelija, dans l'ex République yougoslave de Macédoine, le 4 septembre 2015, après avoir traversé avec leurs familles la frontière avec la Grèce. Photo : UNICEF / Christopher Tidey
Des enfants à proximité du centre d'accueil de la ville de Gevgelija, dans l'ex République yougoslave de Macédoine, le 4 septembre 2015, après avoir traversé avec leurs familles la frontière avec la Grèce. Photo : UNICEF / Christopher Tidey

L'ONU appelle l'Europe à assumer sa part de responsabilité dans l'accueil des réfugiés

Alors que la crise des réfugiés en Europe a pris ces derniers jours une tournure encore plus dramatique, suite au choc provoqué par la diffusion dans la presse mondiale de photographies d'enfants morts durant la traversée de la mer Méditerranée, deux hauts responsables des Nations Unies ont appelé mardi les dirigeants européens à faire preuve d'humanité dans la gestion de la crise et à endosser la part de responsabilité qui leur revient dans l'accueil des réfugiés.

Lors d'une conférence de presse à Genève, le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour les migrations et le développement, Peter Sutherland, a déclaré mardi que les réfugiés doivent être traités comme des êtres humains et ne peut pas être rejetés « du revers de la main ».

« Je voudrais commencer par une mise au point fondamentale qui, je le pense, a été négligée durant la plupart de cette crise », a déclaré M. Sutherland. « L'obligation et la responsabilité envers les réfugiés et les personnes en détresse sont sans lien avec la proximité du lieu à l'origine du problème », a-t-il clarifié.

« Je pense qu'il est important de faire cette distinction, parce que le fardeau qui pèse actuellement sur le Liban, la Turquie et la Jordanie, et le fardeau européen endossé par les Etats en première ligne de la Méditerranée, en particulier la Grèce et l'Italie, semble implicitement définir une responsabilité en rapport avec l'emplacement plutôt qu'aux préoccupations humanitaires actuelles », a affirmé M. Sutherland.

L'Europe est en effet confrontée à un afflux massif de réfugiés fuyant les zones de conflit comme la Syrie, l'Iraq et l'Afghanistan, tel qu'elle n'en avait pas connu depuis des décennies. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, depuis le début de l'année 2015, plus de 300.000 personnes ont risqué leur vie pour traverser la mer Méditerranée en direction de l'Europe, dont 2.600 n'ont pas survécu.

Ces derniers jours, la crise des migrants a pris une tournure encore plus dramatique, suite notamment au choc provoqué par la diffusion dans la presse mondiale de la photographie du corps sans vie, échoué sur une plage turque, d'Aylan Kurdi, un enfant syrien de trois ans qui fuyait la guerre avec sa famille.

Faisant écho aux propos de son Représentant spécial, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a souligné le besoin de faire preuve de compassion et de solidarité envers les réfugiées et migrants, au cours d'une série de conversations téléphoniques avec les chefs de gouvernement de l'Autriche, la République tchèque, l'Allemagne, la Grèce, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie.

Tout en reconnaissant les défis que le problème des réfugiés représente pour certains États membres de l'ONU, le Secrétaire général a insisté sur la responsabilité individuelle et collective des Etats européens à réagir sans cruauté, a déclaré mardi son porte-parole dans un communiqué de presse. M. Ban a également rappelé que la grande majorité des personnes arrivant en Europe sont des réfugiés fuyant la guerre et la violence, qui ont le droit de demander l'asile sans subir aucune forme de discrimination.

Selon le porte-parole, le chef de l'ONU a appelé les dirigeants européens à être la voix de ceux qui ont besoin de protection et à trouver rapidement une approche d'accueil pour répondre à leurs besoins de base.

M. Ban a également insisté sur la nécessité pour les dirigeants européens de prendre position contre la xénophobie croissante, la discrimination et la violence exercées à l'encontre des migrants et réfugiés en Europe.

Durant sa conférence de presse à Genève, M. Sutherland a quant à lui qualifié la situation actuelle rencontrée par les réfugiés et les migrants fuyant les zones de conflit de « situation catastrophique et épouvantable ».

« Lors des crises précédentes, par exemple, au Viet Nam avec la crise des boat people vietnamiens qui a touché plus d'un million de personnes, ou en 1956 lors de la Révolution hongroise, il y avait une acceptation globale de la responsabilité vis-à-vis des réfugiés », s'est-il souvenu.

Le Représentant spécial a également rappelé que, au moment de la crise au Viet Nam, une conférence internationale avait été organisée et la communauté internationale avait assumé sa part de responsabilité.

« Dans une situation où certains pays n'acceptent pas de réfugiés, y compris, par exemple, un certain nombre de pays arabes dans le voisinage immédiat, ou lorsque d'autres font valoir que les contributions financières sont le mécanisme à utiliser pour leur contribution à une situation terrible, laissez-moi vous dire que, à mon avis, cela ne suffit pas », a averti M. Sutherland.

Les Nations Unies ne peuvent pas tolérer ou accepter que des gouvernements trient les réfugiés en fonction de leur religion, a-t-il par ailleurs déclaré.

Le Représentant spécial a souligné qu'il est inacceptable que dans certaines régions, le fardeau ne soit pas partagé de manière équitable et transparente.

« Si nous avons une situation où un, deux, trois, quatre, voire, dans le cas présent, cinq pays acceptent 72% du total de la communauté des réfugiés, et où les autres pays en acceptent beaucoup moins, voire, pour certains, pratiquement aucun, la conséquence inévitable au fil du temps sera que la pression politique exercée sur ceux qui sont plus généreux va devenir de plus en plus difficile à cause de l'iniquité de la situation », a-t-il noté.

M. Sutherland a ajouté que l'ONU doit prendre la tête d'une réponse beaucoup plus proactive de la part de la communauté internationale, notant que de nombreuses agences de l'Organisation ont du mal à fournir des secours humanitaires, y compris le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), par manque de financement.