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A Bangui, le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle à mettre fin aux abus sexuels par des soldats de la paix

Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein (au centre), lors d'une conférence de presse à Bangui, en République centrafricaine (RCA), le 4 septembre 2015. Photo : MINUSCA
Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein (au centre), lors d'une conférence de presse à Bangui, en République centrafricaine (RCA), le 4 septembre 2015. Photo : MINUSCA

A Bangui, le chef des droits de l'homme de l'ONU appelle à mettre fin aux abus sexuels par des soldats de la paix

A l'issue de sa première visite en République centrafricaine (RCA), le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a exhorté vendredi les Etats membres de l'ONU à intensifier leurs efforts pour renforcer la stabilisation du pays et à prendre des mesures pour réduire radicalement les abus sexuels par des soldats de maintien de la paix.

« C'est la première fois que je me rends en République centrafricaine, un pays où la situation des droits de l'homme, bien qu'ayant beaucoup progressé par rapport à celle qui prévalait au pic du conflit fin 2013 et début 2014, reste la source de vives inquiétudes, tant pour les habitants de la RCA que pour l'ONU », a déclaré M. Zeid lors d'une conférence de presse à Bangui, au terme d'une courte visite dans le pays.

Le Haut-Commissaire s'est tout d'abord félicité des développements positifs en RCA au cours des 18 derniers mois, y compris la tenue du Forum de Bangui qui a réuni des représentants issus de l'ensemble de la société et produit une série de recommandations importantes pour tenter d'établir la paix, la sécurité, la justice et la réconciliation dans le pays. Le Forum de Bangui a aussi formulé des recommandations clefs en lien avec la nouvelle Constitution et les prochaines élections, qui ont été entérinées par le Conseil national de transition, a salué M. Zeid.

La situation sécuritaire, a-t-il ajouté, « bien que loin d'être parfaite », s'est néanmoins améliorée, une évolution qu'il a notamment attribuée au renforcement de la présence de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en RCA (MINUSCA), désormais forte de 9.200 militaires et 1.580 policiers.

« Mais je pense que presque tout le monde s'accorde pour dire que les améliorations sont trop progressives et que les progrès sont timides et fragiles et que, dans certains cas, ils n'existent même que sur le papier », a cependant déploré M. Zeid.

Le pays est toujours confronté à la peur et sa population reste terriblement divisée suite au conflit qui a annihilé les structures sociales, culturelles, politiques et économiques existantes et forcé au déplacement près d'un million de personnes, a expliqué le Haut-Commissaire. Plus de 800.000 personnes, dont plus de la moitié sont réfugiées dans les pays voisins, pour l'essentiel sur une base religieuse ou ethnique, sont toujours déplacées

« Le gouvernement doit aussi faire mieux. En fait, nous devrions tous faire mieux », a déclaré M. Zeid, ajoutant que, dans les territoires confrontés aux groupes armés, dont certains se sont de facto érigés en autorités locales, il règne actuellement une impunité quasi-totale.

« Ils ne tuent peut être pas les civils comme ils le faisaient par le passé, mais ils en tuent encore de manière occasionnelle. Ils continuent à piller les biens des citoyens et les ressources minérales du pays, volant et tuant du bétail et agissant en prédateurs envers la population civile. Leur impact sur l'économie est dévastateur », a précisé le Haut-Commissaire.

M. Zeid a affirmé avoir rencontré de nombreuses personnes dans le pays se plaignant de l'incapacité des Nations Unies et du gouvernement à maîtriser ces groupes armés.

« Bien qu'il ne faille pas sous-estimer la difficulté de gérer un nombre important d'hommes très violents et aguerris, je pense qu'il faudrait une approche bien plus robuste envers ces groupes armés, afin qu'ils commencent à comprendre qu'ils ne peuvent impunément bafouer l'état de droit quand, où et comme ils le souhaitent », a déclaré le Haut-Commissaire, ajoutant que la MINUSCA doit être renforcée avec du personnel et du matériel afin d'œuvrer en ce sens.

A ce titre, M. Zeid a appelé les Etats qui ont promis, mais pas encore fourni le total des contingents militaires et policiers, ni les équipements vitaux tels que les hélicoptères d'attaque, à intensifier leurs efforts.

« Il faut montrer aux diverses forces, anti-Balaka et ex-Séléka, à la LRA [Armée de résistance du Seigneur], et à la multitude d'autres groupes armés et groupuscules que leur comportement illégal ne sera plus toléré par le gouvernement et les forces internationales qui ont pour tâche d'amener une paix durable à la RCA », a-t-il dit, précisant que le désarmement devrait être une priorité absolue.

Les criminels et meurtriers notoires doivent être traduits en justice, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, afin de mettre un terme à leurs déprédations et pour avoir un effet dissuasif, a ajouté M. Zeid.

« La justice et la sécurité sont inextricablement liées et il est clair que nous devons faire beaucoup plus pour inverser le cercle vicieux de la violence et de l'impunité », a poursuivi le Haut-Commissaire, ajoutant que certains des membres du gouvernement qu'il a rencontrés cette semaine ont été francs sur les faiblesses persistantes de l'Etat, en particulier dans les domaines de la justice et de la lutte contre l'impunité.

M. Zeid a par ailleurs appelé les Nations Unies et le gouvernement à faire faire davantage pour trouver des solutions aux tensions intercommunautaires entre Chrétiens et Musulmans, notamment à Bangui.

Le Haut-Commissaire a rappelé qu'il avait annoncé la veille qu'un autre cas d'allégation d'abus ou d'exploitation sexuel par un soldat étranger avait émergé. Bien que dans ce cas précis l'auteur présumé soit un soldat de la force militaire française Sangaris, qui opère distinctement des forces de l'ONU en RCA, les soldats de l'ONU ont aussi été impliqués dans une autre série d'allégations d'abus sexuels et d'autres formes d'abus, a indiqué M. Zeid.

« Le Secrétaire général a clairement exprimé sa honte et son dégoût face à ces crimes et j'éprouve les mêmes sentiments. Il n'y a aucune excuse, pas de circonstances atténuantes, rien pour justifier ces actes et l'incapacité à faire appliquer des punitions à la hauteur des crimes commis », a déclaré le Haut-Commissaire.

Face à ce problème récurrent au sein des opérations de maintien de la paix, le Haut-Commissaire a appelé les Etats à prendre une fois pour toutes les mesures qui s'imposent.

« Nous prêchons pour l'importance de lutter contre l'impunité et pourtant, dans le cas de nos propres soldats, nous avons le plus souvent totalement échoué », a-t-il en effet constaté, regrettant que les Etats membres des Nations Unies ou les pays contributeurs de troupes aient refusé jusqu'ici de prendre les mesures proposées pour réduire radicalement les abus sexuels par des soldats de maintien de la paix.

« Je pense qu'il est grand temps de revisiter ces idées et de le faire sans délai », a déclaré M. Zeid.