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Plus de 70% de la population mondiale privée d'une véritable protection sociale, selon l'OIT

A l’échelle mondiale, l'OIT estime que 0,23% du PIB mondial suffirait pour financer une protection sociale qui peut changer la vie de 700 millions de personnes.
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A l’échelle mondiale, l'OIT estime que 0,23% du PIB mondial suffirait pour financer une protection sociale qui peut changer la vie de 700 millions de personnes.

Plus de 70% de la population mondiale privée d'une véritable protection sociale, selon l'OIT

Plus de 70% de la population mondiale n'est pas couverte par la protection sociale de manière adéquate, affirme un nouveau rapport de l'Organisation internationale du Travail (OIT) publié mardi.

Selon ce «Rapport mondial sur la protection sociale 2014/15: bâtir la reprise économique, le développement inclusif et la justice sociale» (World Social Protection Report 2014/15: Building economic recovery, inclusive development and social justice), seuls 27% de la population mondiale disposent d'un accès à une sécurité sociale complète.

« La communauté mondiale a reconnu en 1948 que la sécurité sociale et les soins de santé pour les enfants, les personnes en âge de travailler confrontées au chômage ou à un accident et les personnes âgées étaient un droit humain universel », a rappelé la Directrice générale adjointe de l'OIT, Sandra Polaski. « Et pourtant, en 2014, la promesse d'une protection sociale universelle n'est toujours pas tenue pour la grande majorité de la population mondiale. »

La protection sociale est un outil politique essentiel pour réduire la pauvreté et les inégalités tout en stimulant la croissance inclusive parce qu'elle améliore la santé et les capacités des segments vulnérables de la société, augmente leur productivité, soutient la demande intérieure et facilite la transformation structurelle des économies nationales.

« La justification de la protection sociale est encore plus incontestable en cette période d'incertitude économique, de faible croissance et d'inégalités grandissantes. C'est aussi une question que la communauté internationale devrait faire figurer en bonne place dans le programme de développement pour l'après-2015 », a ajouté Mme Polaski.

Les multiples fonctions qu'occupe la protection sociale dans les économies et les sociétés sont devenues particulièrement évidentes pendant la récente crise économique et financière mondiale. Dans la première phase de la crise (2008-09), au moins 48 pays à revenu élevé ou intermédiaire ont mis en place des plans de relance pour un montant total de 2.400 milliards de dollars, dont environ un quart était consacré à des mesures de protection sociale. Ce soutien a agi comme un stabilisateur automatique qui a aidé les économies à retrouver leur équilibre et à protéger les chômeurs et les plus vulnérables d'une catastrophe économique dans les pays où il a été déployé.

Mais dans la seconde phase de la crise, à partir de 2010, de nombreux gouvernements ont changé de trajectoire et se sont embarqués prématurément dans des mesures d'assainissement budgétaire, malgré l'impérieux besoin de prolonger le soutien aux populations vulnérables et de stabiliser la consommation.

« Contrairement aux idées reçues, les mesures d'assainissement budgétaire ne sont pas cantonnées à l'Europe », explique Isabel Ortiz, Directrice du Département de la protection sociale de l'OIT. « En fait, pas moins de 122 gouvernements ont réduit leurs dépenses publiques en 2014, dont 82 pays en développement. »

« Ces mesures concernaient des réformes des régimes de retraites, des systèmes de santé et de sécurité sociale qui ont souvent impliqué la réduction de la couverture ou du financement de ces systèmes, la suppression de subventions, des réductions d'effectifs parmi les travailleurs sociaux et personnels de santé, ou le plafonnement de leurs salaires. En effet, le coût de l'assainissement budgétaire et de l'ajustement structurel est transféré aux populations à une période où l'emploi est rare et le soutien plus nécessaire que jamais », ajoute- t-elle.

Les dernières tendances montrent que plusieurs pays à revenu élevé limitent leurs systèmes de sécurité sociale. Dans l'Union européenne, les coupes en matière de protection sociale ont déjà contribué à accroître la pauvreté qui touche maintenant 123 millions de personnes ou 24% de la population, dont beaucoup d'enfants, de femmes, de personnes âgées et de personnes handicapées.

D'un autre côté, les pays à revenu intermédiaire ont étendu leurs systèmes de protection sociale, soutenu les revenus des ménages et favorisé ainsi une croissance tirée par la demande et un développement inclusif. La Chine, par exemple, est près de réussir la couverture universelle des retraites et a nettement augmenté les salaires minimaux; le Brésil a accéléré l'extension de la couverture de protection sociale et des salaires minimaux depuis 2009.

Certains pays à bas revenu, par exemple le Mozambique, ont aussi amplifié leur protection sociale, mais souvent par des filets de sécurité temporaires avec de faibles niveaux de prestation. Beaucoup de ces pays déploient dorénavant des efforts pour construire des socles de protection sociale dans le cadre de systèmes de protection sociale complets.