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Un rapport de l'ONU demande aux autorités libyennes de mettre fin à la torture de détenus

Un ancien détenu de la prison Abu Salim prison à Tripoli, en Libye, visite son ancienne cellule, en octobre 2011.
MANUL/Iason Athanasiadis
Un ancien détenu de la prison Abu Salim prison à Tripoli, en Libye, visite son ancienne cellule, en octobre 2011.

Un rapport de l'ONU demande aux autorités libyennes de mettre fin à la torture de détenus

Des mesures rapides doivent être prises afin de placer les prisonniers des brigades armées sous le contrôle effectif de l'État libyen et de renforcer le système judiciaire dans ce pays, conclut un rapport des Nations Unies, rendu public mardi à Genève, sur la torture et les mauvais traitements infligés aux détenus en Libye.

Publié conjointement par la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, ce rapport est publié dans le cadre du soutien apporté par la MANUM aux efforts libyens contre la détention arbitraire et la torture. Ses conclusions se fondent sur des informations recueillies depuis deux ans sur le terrain lors de visites dans une trentaine de centres de détention et de témoignages de détenus, de leurs proches, de fonctionnaires et de représentants de la société civile, ainsi que des documents officiels, tels que des rapports médicaux.

« Les violations se poursuivent en dépit des efforts du gouvernement », relève le rapport, ajoutant que « la détention prolongée et les interrogatoires aux mains de brigades armées sans expérience ni formation dans le traitement des détenus ou la conduite d'enquêtes criminelles, ainsi que l'absence de contrôle judiciaire effectif, contribuent à créer un environnement propice à la torture et à d'autres mauvais traitements ».

S'il reconnait que « lorsque les centres de détention ont été remis aux mains d'officiers formés, issus de la Police judiciaire, il y a eu des améliorations notables de l'état et du traitement des détenus », le rapport précise que « la torture reste très répandue, principalement juste après l'arrestation des détenus et pendant les premiers jours d'interrogatoires pour extorquer des aveux et autres informations ». Les détenus n'ont généralement pas droit à un avocat et bénéficient d'un accès limité, voire inexistant, à leurs familles, ajoute le rapport, déplorant que « la grande majorité des quelques 8.000 détenus liés au conflit soit également détenus en dehors de toute procédure régulière ».

Depuis la fin 2011, 27 cas de décès de personnes en détention suggèrent que la torture est en la cause principale, poursuit le rapport, précisant que l'ONU a également reçu des informations concernant plusieurs autres cas similaires au cours de cette période, mais n'a pas été en mesure de les documenter pleinement. Pour la seule année 2013, « 11 décès en détention sont survenus dans les centres de détention officiellement sous autorité gouvernementale, mais administrés dans les faits par des brigades armées apparues durant la révolution de 2011 ». Dans certains cas, les membres des brigades armées ont admis volontairement le recours à la torture et même tenté de justifier la violence physique contre les détenus.

Toutefois, salue le rapport, les autorités libyennes se sont engagés, au plus haut niveau, à assurer le transfert des détenus sous l'autorité de l'État, à mettre fin à la torture et à assurer le bon fonctionnement du système de justice pénale. « Depuis 2012, le gouvernement a tenté d'adjoindre les brigades armées impliquées dans les détentions à l'autorité de l'État, en les affiliant à des ministères spécifiques », note le rapport, « même si dans de nombreux cas, les brigades ont conservé le contrôle effectif des centres de détention ».

« En avril 2013, la Libye a également adopté une loi criminalisant la torture, les enlèvements et la discrimination, prévoyant des peines d'emprisonnement allant de cinq ans à la vie », poursuit le rapport, mentionnant également une nouvelle loi, adoptée en septembre 2013, qui oblige à examiner dans les 90 jours tout détenu lié au conflit.

« L'ONU recommande que les autorités libyennes et les brigades armées accélèrent le processus de transfert des détenus sous le contrôle effectif des autorités de l'État », insiste le rapport, exhortant également la Lybie, dans l'intervalle, à « prendre des mesures pour protéger les détenus contre la torture ou d'autres mauvais traitements ». L'ONU recommande également aux autorités libyennes de « renforcer la capacité du système de justice pénale pour protéger les détenus contre toutes formes d'abus et de mettre fin à l'impunité concernant les violations en cours ».

« La situation actuelle de la détention arbitraire et de la torture va à l'encontre des objectifs mêmes de la révolution du 17 février », a regretté le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Libye, Tarek Mitri, dans un communiqué rendu public à l'issue de la publication du rapport.

Tout en saluant les transferts de détenus à l'État déjà opérés par certaines brigades, M. Mitri a exhorté les Libyens à « s'unir pour mettre fin aux abus contre les détenus et contribuer à instaurer l'État de droit dans le pays ».

« La torture est un outil clé du régime répressif précédent en Libye », a quant à elle réagi la Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme, Navi Pillay, appelant à la pleine responsabilité pour les crimes du passé comme les exactions en cours.

« La torture est illégale, en toute circonstance, sans aucune exception », a-t-elle ajouté en conclusion. « La situation des détenus en Libye est alarmante et même s'il y a eu certains progrès, il existe un besoin urgent de redoubler d'efforts pour empêcher la torture, enquêter sur les allégations de torture et poursuivre les responsables. »