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Centrafrique : l'ONU prévoit une crise humanitaire durable sur fond d'insécurité grandissante

Des personnes déplacées en Republique centrafricaine. Elles seraient 173.000 dans le pays en mars 2013.
OCHA/Laura Fultang
Des personnes déplacées en Republique centrafricaine. Elles seraient 173.000 dans le pays en mars 2013.

Centrafrique : l'ONU prévoit une crise humanitaire durable sur fond d'insécurité grandissante

L'arrivée à Bangui de la Séléka le 24 mars dernier a aggravé une situation humanitaire déjà difficile en République centrafricaine, a indiqué jeudi le Bureau de la Coordination de l'aide humanitaire des Nations Unies. Cette coalition de rebelles a en effet pris le pouvoir par la force au cours du weekend dernier, contraignant à la fuite le Président du pays, François Bozizé.

L'arrivée à Bangui de la Séléka le 24 mars dernier a aggravé une situation humanitaire déjà difficile en République centrafricaine, a indiqué jeudi le Bureau de la Coordination de l'aide humanitaire des Nations Unies (OCHA). Cette coalition de rebelles a en effet pris le pouvoir par la force au cours du weekend dernier, contraignant à la fuite le Président du pays, François Bozizé.

Joint à Bangui au téléphone, le Coordonateur par intérim de l'action humanitaire sur place, le Dr. Zakaria Maiga, confiait ce matin au Centre d'actualités que la plus grande confusion règne actuellement à Bangui : « Des pillages généralisés sont commis non seulement par des membres de la Séléka, mais aussi par d'anciens soldats de l'armée centrafricaine régulière et des civils en uniforme qui se font passer pour des militaires. »

« Maintenant qu'elle a pris le pouvoir, la Séléka a la responsabilité première de fournir des services de base à une population en détresse, mais leurs exactions ne font qu'aggraver la situation », a déploré M. Maiga. Depuis décembre 2012, 173.000 personnes environ ont été déplacées à l'intérieur du pays, tandis que plus de 32.000 autres ont fui en République démocratique du Congo (RDC), au Cameroun et au Tchad.

L'insécurité régnante entrave les efforts humanitaires et l'acheminement de l'aide, notamment médicale. De nombreux blessées ont été faits par les derniers combats à Bangui et évacués vers les hôpitaux les plus proches, qui peinent cependant à gérer ces arrivées massives, une prise en charge encore compliquée par les fréquentes coupures d'électricité et le manque d'articles et d'équipements médicaux.

« La protection des civils est primordiale, » a poursuivi M. Maiga. « J'appelle toutes les parties à assurer la sécurité des habitants de Bangui et du reste du pays, à s'abstenir de toute violence supplémentaire et à respecter le droit international humanitaire et les droits de l'homme. » Dans ce contexte, a-t-il assuré, la communauté humanitaire fait tout son possible pour intensifier ses opérations, plaidant pour un accès en toute sécurité aux nécessiteux.

L'un des principaux défis auxquels la République centrafricaine fait face sur la durée est, selon M. Maiga, celui de l'insécurité alimentaire. Ses manifestations sont déjà visibles dans le nord et le centre du pays, où plus de 80.000 personnes risquent d'y être exposées pendant la prochaine saison creuse, tandis que 13.500 autres sont menacées de malnutrition aigüe sévère.

« Le premier défi auquel nous ferons face dans les mois, voire les semaines à venir, c'est une situation d'insécurité alimentaire exacerbée reflétée par une malnutrition sévère chez les enfants âgés de moins de cinq ans. Je ne vois pas comment éviter cela, c'est un défi énorme. »

« Comment sera-t-il possible, à moyen terme, d'assurer la sécurité alimentaire dans un pays où, indépendamment des pillages des récoltes de la saison précédente, il n'y a pas de cultures pour la saison à venir, en l'absence de semences, d'engrais et de planification ? », s'est interrogé le Coordonateur.

Quand bien même les conditions de sécurité et le climat politique s'amélioreraient, c'est une longue période d'insécurité alimentaire qui s'ouvre pour l'ensemble du pays, a-t-il prévenu, « sans même parler du manque cruel d'infrastructures sanitaires et éducatives. »

D'après le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), deux millions d'enfants sont désormais privés d'accès aux services sociaux de base et potentiellement exposés aux violences.

« Les enfants de République centrafricaine étaient déjà parmi les plus vulnérables d'Afrique avant même les récents affrontements armés », note vendredi Manuel Fontaine, le Directeur régional du Fonds, dans un communiqué de presse. « Il est impératif qu'un accès complet et sûr nous soit ménagé pour prêter assistance aux communautés touchées par le conflit. Chaque jour qui passe, chaque livraison d'aide empêchée, chaque article de secours pillé, c'est autant d'enfants qui peuvent mourir. »

Cette semaine, 10 tonnes d'articles de secours d'urgence, destinés à 30.000 personnes vulnérables, principalement des femmes et des enfants, ont été volés dans le principal entrepôt de l'UNICEF.

« Les besoins et les droits des enfants doivent être la priorité du nouveau gouvernement », insiste de son côté Souleymane Diabate, le représentant de l'UNICEF en République centrafricaine. « Comment le pays pourra-t-il aller de l'avant si l'aide humanitaire d'urgence est détournée de ceux qui en ont cruellement besoin ? »

« Il est temps pour la coalition de la Séléka de réellement démontrer son engagement en faveur des principes humanitaires et des droits des humains de tous les Centrafricains », a lancé Manuel Fontaine.

Le 18 mars, l'ONU et le gouvernement centrafricain avaient lancé un appel humanitaire d'un montant de 129 millions de dollars pour 2013. Il n'a jusqu'à présent été financé qu'à hauteur de 18%, précisait hier le Dr. Maiga. Une révision à la hausse est en cours afin de prendre en compte les besoins supplémentaires générés par l'aggravation récente de la crise.