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DOSSIER : ressources humaines et financières de l’ONU, prérogatives de la Cinquième Commission

Le Représentant permanent adjoint de l'Allemagne, Miguel Berguer, Président de la Cinquième Commission lors de la 67ème session de l'Assemblée générale. Photo ONU/JC McIlwaine
Le Représentant permanent adjoint de l'Allemagne, Miguel Berguer, Président de la Cinquième Commission lors de la 67ème session de l'Assemblée générale. Photo ONU/JC McIlwaine

DOSSIER : ressources humaines et financières de l’ONU, prérogatives de la Cinquième Commission

Établie en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Assemblée générale est le principal organe délibérant, directeur et représentatif de l’ONU. Formée des 193 États Membres de l’Organisation, elle offre un forum multilatéral de discussion unique sur l’éventail des questions internationales abordées dans la Charte des Nations Unies.

Chaque année, à la fin du mois de septembre, l’Assemblée retient l’attention du monde entier lorsque chefs d’État et de gouvernement se retrouvent au Siège de l’ONU à New York pour prendre part au débat général de l’Assemblée.

Toutefois, les questions et thèmes abordés par celle-ci font l’objet d’un examen assidu par ses six Grandes Commissions, dont les travaux débutent immédiatement à l’issue du débat général. En 2012, près de 170 points étaient inscrits à l’ordre du jour de l’Assemblée, la plupart retenus d’une session à l’autre.

Tous les États Membres siègent à ces Commissions, dont l’ordre du jour est axé sur une thématique. Les questions à l’ordre du jour sont débattues et les résolutions correspondantes négociées et mises aux voix avant d’être transmises à l’Assemblée générale pour approbation.

Dans le cadre d’une série de six articles, le Centre d’actualités présente un aperçu des Grandes Commissions. Aujourd’hui, elle se penche sur les travaux de la Cinquième Commission.

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Le Secrétaire général Ban Ki-moon (centre gauche) en discussion avec des délégations siégeant à la Cinquième Commission. Au cours la même réunion, M. Ban a présenté sa proposition de budget-programme pour 2012-2013 (octobre 2011). Photo ONU/Rick Bajornas

Chaque année, en automne, des rituels immutables sont observés au Siège des Nations Unies à New York. Au nombre d’entre eux, figure le Débat général et ses cortèges motorisés de chefs d'État et de gouvernement parcourant les avenues embouteillées de Manhattan en direction de la salle majestueuse de l'Assemblée générale.

Mais, peu de temps après, des débats moins médiatisés se déroulent « en coulisses », au sein des Grandes Commissions de l'Assemblée générale, dont la Cinquième, moins connue que ses « consœurs », mais tout aussi importante, puisqu’elle porte sur les questions administratives et budgétaires, c’est-à-dire sur le fonctionnement même de l’ONU. Elle se réunit plusieurs fois par an pour des séances qui peuvent se prolonger tard dans la nuit en raison de négociations intergouvernementales parmi les plus soutenues qui soient.

Il était deux heures du matin, un soir de décembre, lorsque le Représentant de l’Allemagne, le Vice-Ambassadeur Miguel Berger, présidait une de ces séances, devant un parterre de diplomates privés de sommeil, mais déterminés à parvenir à un consensus qui semblait leur échapper.

« Certains d'entre eux s’endormaient […], rendant soudainement la recherche du consensus plus simple parce que le nombre de délégués avait largement diminué sur les coups de trois, quatre, ou cinq heures du matin », explique-t-il dans une interview au Centre d’actualités de l'ONU.

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Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, présente le budget-programme pour l'exercice 2012-2013 à la Cinquième Commission de l'Assemblée générale (octobre 2011). Photo ONU/Rick Bajornas

La Cinquième Commission fait figure d'exception parmi les Six Grandes Commissions de l'Assemblée. Contrairement aux autres, où le consensus n'est pas requis pour adopter les résolutions, les membres de la Cinquième doivent impérativement trouver un terrain d’entente pour finaliser le budget biennal de l'ONU.

« C'est un peu comme les négociations avec des syndicats. Vous devez avoir au moins une séance de nuit où l'on négocie jusqu’au seuil d'épuisement pour que chacun puisse reconnaitre le compromis obtenu comme le meilleur résultat possible », a expliqué M. Berger, qui préside la Cinquième Commission au cours de la 67ème session.

« Si vous obtenez un résultat à trois heures de l'après-midi, tout le monde vous dira: vous auriez pu faire mieux. Si vous y arrivez à six heures du matin, alors il est clair vous avez fait tout votre possible pour parvenir à un consensus », a-t-il ajouté.

Les travaux de la Cinquième Commission s’appuient sur un rapport du Secrétariat de l'ONU comprenant des recommandations sur les dépenses et la réforme administrative de l'Organisation. Le rapport est ensuite transmis au Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), un organe subsidiaire de l'Assemblée formé de 16 membres nommés sur la base de leurs compétences personnelles.

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Distribution de documents aux délégués lors d'une réunion de la la Cinquième Commission de l'Assemblée générale (octobre 2012). Photo ONU/JC McIlwaine

Cet organe supervise le budget présenté par le Secrétaire général à l'Assemblée et émet ses propres recommandations sur les questions administratives et budgétaires. Par la suite, le rapport sur le budget est présenté à la Cinquième Commission, où les détails minutieux sur le financement sont débattus, disséqués et, en fin de compte, adoptés ou rejetés.

« Très souvent, la discussion porte sur la manière de faire [les choses]. Nous cherchons à mettre en œuvre les mandats efficacement, à nous assurer que la planification budgétaire est financièrement viable et que les réformes nécessaires sont prêtes à être mises en œuvres », précise M. Berger.

« En fin de compte, » ajoute-t-il, « il s'agit de gérer l'argent des contribuables, nous devons donc être très prudents sur la manière dont nous le dépensons et faire un effort collectif pour être le plus efficace et économe possible. »

Techniquement beaucoup plus complexe, la tâche qui consiste à déterminer les quotes-parts des États Membres au budget ordinaire de l'ONU revient au Comité des contributions, qui se réunit tous les deux ans pour en revoir le barème. À cette fin, il recourt, parmi d’autres critères, à une formule tenant compte de la population du pays donné et son Produit national brut (PNB). Aucun pays ne contribue à hauteur de plus de 25% au budget de l'ONU, ni en-dessous de 0,01%.

Deux fois par an, le Secrétariat présente publiquement la liste des pays ayant payé à temps et en totalité leurs contributions – un peu à la manière d'un tableau d'honneur, plutôt que d'une liste complète susceptible de créer l'embarras. Un retard de plus de deux ans sur le paiement de sa quote-part risque de faire perdre à un État Membre son droit de vote à l'Assemblée générale.

Distinct du budget ordinaire de l'ONU, le budget des opérations de maintien de la paix, d’environ 7,5 milliards de dollars, est environ trois fois plus important.

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L'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, présente sa proposition de budget-programme, d'un montant de 2,535 milliards de dollars, pour l'exercice 2000-2001. Photo ONU/Eskinder Debebe

Avec un large éventail de points à son ordre du jour, la Cinquième Commission répartit d’une année sur l’autre ses priorités en matière de budgétisation et de gestion des ressources humaines. Ses négociations se déroulent dans le cadre de trois sessions annuelle distinctes, entre octobre et juin. Les dossiers les moins urgents sont généralement repoussés à la première partie de la reprise de la session, qui se tient normalement pendant trois ou quatre semaines au mois de mars. La Commission reprend de nouveau son travail pendant quatre semaines en mai, afin d’examiner les aspects administratifs et budgétaires du financement des opérations de maintien de la paix et d’autres questions en suspens.

L’an dernier, le budget biennal de l'ONU a été adopté, la question ayant dominé cette Assemblée générale a été celle des ressources humaines.

« Le personnel de l'ONU est un élément clé du travail de l'Organisation pour la mise en œuvre de ses mandats », confirme M. Berger, qui note que 75% du budget de l'ONU couvre les dépenses liées au personnel. « Par conséquent, tout ce qui a trait aux ressources humaines est de la plus haute importance pour la Cinquième Commission. »

Alors que les effets de la crise économique et financière continuent de se faire ressentir, et que de nombreux États Membres sont contraints à une austérité budgétaire, le mot d'ordre cette année à la « Cinquième » est celui de réforme.

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La Cinquième Commission donne le coup d'envoi des discussions sur les estimations budgétaires en 1972. George H. Bush, qui deviendra plus tard Président des États-Unis, prend la parole à cette occasion (octobre 1971). Photo ONU/Yutaka Nagata

Le Secrétariat, note M. Berger, a lancé nombre de réformes en matière de ressources humaines, notamment le concept de mobilité du personnel, sujet « très important » et préoccupant pour le fonctionnement global de l’Organisation.

« L'idée de base, c’est qu’il devrait exister une rotation pour le personnel onusien, à la manière du personnel diplomatique, tous les trois, quatre ou cinq ans, dans le cadre de leur développement professionnel et ce, afin qu’il acquière de nouvelles expériences », explique le Président.

Mais il reconnait que se départir du système de mobilité actuel est un processus lent et compliqué et que les États Membres en sont encore à étudier mes modalités d’une telle réforme. De nombreuses questions se posent en effet: le personnel de l'ONU devrait-il être contraint de faire une « tournée » – de New York à Bangkok, et de Genève à Nairobi? Combien de temps dureraient de telles rotations? En particulier dans les affectations considérées comme difficiles?

Bien que le système onusien paraisse parfois en difficulté et délicat à gérer sur le plan administratif, la question de la planification et du budget, surtout en période d’austérité, reste présente dans tous les esprits.

« Je pense que le Secrétariat a lancé des initiatives qui permettront à l'Organisation d'être plus transparente et moderne à l’avenir et à l'ONU de mieux s’acquitter de ses mandats. C’est cela que nous voulons voir », a résumé M. Berger.