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Suisse : un expert s'inquiète de modifications de la loi sur les manifestations

Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de rassemblement pacifique et d'association, Maina Kiai. Photo ONU/Jean Marc Ferré
Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de rassemblement pacifique et d'association, Maina Kiai. Photo ONU/Jean Marc Ferré

Suisse : un expert s'inquiète de modifications de la loi sur les manifestations

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de réunion et d'association pacifiques, Maina Kiai, a estimé que certaines propositions de modifications à la loi sur les manifestations sur le domaine public dans le canton de Genève, en Suisse, pourraient « indûment restreindre les droits à la liberté de réunion pacifique et d'expression, qui sont l'essence de toute démocratie ».

Un certain nombre de propositions de modifications introduites par la nouvelle loi apparaissent problématiques, selon l'expert indépendant. Les propositions de modifications seront soumises à un référendum cantonal ce dimanche 11 mars.

La nouvelle loi prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 100.000 francs suisses (soit environ 110.000 dollars) pour quiconque a notamment omis de requérir une autorisation de manifester, ne s'est pas conformé à la teneur de l'autorisation de manifester ou ne s'est pas conformé aux injonctions de la police. « Ce montant est disproportionné et aurait un effet néfaste sur l'exercice des droits de réunion pacifique et d'expression », a indiqué M. Kiai.

« L'exercice des libertés fondamentales ne devrait pas être soumis à l'autorisation préalable des autorités », a souligné l'expert indépendant, notant qu'une telle disposition excluait la possibilité de tenir des manifestations spontanées, dans la mesure où une autorisation est nécessaire pour tenir une manifestation pacifique.

Les modifications de la loi sur les manifestations dans le canton de Genève prévoient en outre que le bénéficiaire d'une autorisation de manifester pourra se voir priver du droit d'obtenir une nouvelle autorisation pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans si, même en l'absence de toute faute, la manifestation donne lieu à des atteintes graves aux personnes ou aux biens. « De telles restrictions dissuaderaient également la population d'exercer son droit à exprimer son opinion au moyen de manifestations pacifiques », a prévenu M. Kiai.

Par ailleurs, la nouvelle loi permet aux autorités d'interdire des manifestations dans certains lieux, y compris dans le centre-ville.

La loi impose également aux personnes prévoyant une manifestation la mise en place d'un service d'ordre lorsque cela paraît propre à limiter les risques d'atteinte à l'ordre public. En l'absence de garanties suffisantes pour assurer le respect de l'ordre public, l'autorisation n'est pas accordée.

« Il incombe à l'Etat la responsabilité première de protéger les réunions pacifiques et la modification proposée dissuaderait davantage de nombreux organisateurs éventuels d'exercer leur droit de réunion pacifique », selon l'expert.

En outre, les enfants et jeunes de moins de 18 ans sont toujours frappés d'une interdiction de solliciter une autorisation de manifester, en contradiction avec le droit international.

« La Suisse mène actuellement d'importantes initiatives dans le domaine de la promotion et de la protection du droit de réunion pacifique. Les changements proposés à la loi sur les manifestations dans le canton de Genève ne sont pas en adéquation avec ces louables efforts », a souligné M. Kiai.

L'an dernier, durant la 18ème session du Conseil des droits de l'homme à Genève, la Suisse a été à l'origine de la tenue d'un débat majeur sur la promotion et protection des droits de l'homme dans le contexte des manifestations pacifiques. « Cet événement s'est avéré particulièrement opportun et extrêmement utile au regard des bouleversements historiques de 2011 », a rappelé l'expert.