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ONU : le cancer de la dette menace l'économie européenne et mondiale

Rob Vos, économiste au Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA). Photo ONU/Paulo Filgueiras.
Rob Vos, économiste au Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA). Photo ONU/Paulo Filgueiras.

ONU : le cancer de la dette menace l'économie européenne et mondiale

Les programmes d'austérité fiscale en vigueur à travers l'Europe et la crise de la dette souveraine ont ébranlé l'économie européenne et accroissent désormais la probabilité d'une nouvelle récession mondiale.

Les programmes d'austérité fiscale en vigueur à travers l'Europe et la crise de la dette souveraine qui a éclaté en Grèce en mai dernier et s'est ensuite étendue, d'abord à l'Irlande et au Portugal, puis à l'Espagne et à l'Italie, ont ébranlé l'économie européenne et accroissent désormais la probabilité d'une nouvelle récession mondiale, affirment les Nations Unies dans un rapport publié mardi.

Dans ce rapport intitulé « Situation et perspectives de l'économie mondiale » (World Economic Situation and Prospects 2012 – WESP), les experts de l'ONU prédisent pour l'Union européenne une croissance économique de 0,7 % seulement en 2012, un rythme sensiblement inférieur à celui de 1,6 % enregistré en 2011.

Selon le rapport de l'ONU, l'austérité fiscale et de la crise de la dette ont ébranlé la confiance à la fois des producteurs et des consommateurs, et ont affaibli le système bancaire qui était déjà dans une situation délicate. Compte tenu de son dynamisme très faible au commencement de l'année 2012, la croissance du PNB ne devrait atteindre que 1,7% d'ici à 2013.

Les économistes de l'ONU prévoient que 2012 sera une année décisive, en ce qu'elle déterminera si le monde continuera sur la voie d'une reprise économique lente ou retombera dans la récession – un risque qui s'est accru sensiblement depuis le début de la crise de la dette. Si un tel scénario négatif venait à se réaliser, l'ONU estime que l'économie de l'Union européenne pourrait se contracter de 1,6 % en 2012 et la plupart de ses pays membres pourraient connaître de nouveau la récession, y compris la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

« Le plus grand risque pour l'économie mondiale en 2012-2013 réside dans la possibilité que les responsables, en particulier en Europe et aux Etats-Unis, ne parviennent pas à faire face à la crise de l'emploi et à empêcher une aggravation de la dégradation des dettes souveraines et de la fragilité du secteur financier, » affirment les experts dans le rapport.

« Les économies des pays développés sont sur le point de tomber dans une spirale dépressionnaire résultant de quatre faiblesses qui se nourrissent les unes des autres : la dégradation des dettes souveraines, la vulnérabilité des secteurs bancaires, une demande agrégée faible (liée à un chômage élevé et à des mesures d'austérité fiscale) et une paralysie des prises de décision causée par des situations d'impasse politique et des déficiences institutionnelles. Toutes ces faiblesses sont d'ores et déjà présentes, mais l'aggravation d'une seule d'entre elles pourrait créer un cercle vicieux qui conduirait à une grave tourmente financière et à une dépression économique », ajoutent-ils.

En revanche, la reprise économique se poursuit de manière vigoureuse en Afrique, à contre-courant de la tendance mondiale, selon le rapport. Le continent africain devrait connaître une hausse de son taux de croissance général, qui devrait passer de 2,7% en 2011 à 5,0% en 2012 et 5,1% en 2013.

Les experts de l'ONU estiment que cette tendance sera principalement soutenue par le niveau élevé des cours des matières premières, un afflux significatif de capitaux étrangers ainsi qu'une hausse continue de la demande et des investissements en provenance d'Asie. Toutefois, les taux de croissance des pays du continent continueront de diverger fortement, en raison des conflits armés, du manque d'infrastructures, de la corruption et des sécheresses. Dans certains pays, ces facteurs handicaperont gravement la croissance et auront un coût humain élevé.

L'Afrique du sud devrait connaître une croissance économique plus vigoureuse en 2012, soutenue par une demande croissante en provenance d'Asie, la poursuite de mesures de relance fiscale et une augmentation de la consommation stimulée par des salaires en hausse.

De très sérieux problèmes politiques et les changements tumultueux survenus ces derniers mois continuent de peser sur la croissance économique en Afrique du nord. Dans le contexte du récent changement de régime en Libye, on estime que cette économie s'est contractée de 25 % en 2011, mais les efforts de reconstruction devraient générer une reprise en 2012.

L'Egypte, le Maroc et la Tunisie devraient tous connaître une hausse sensible de leur croissance économique en 2012, causée en large partie par la fin des troubles politiques et leurs conséquences négatives pour l'activité économique. Les taux de croissance dans la sous-région resteront bridés par les incertitudes politiques, qui pourraient continuer d'exercer un effet néfaste sur le secteur du tourisme, mais la reprise devrait être au rendez-vous suite à la fin des troubles politiques et des conflits militaires.

En Afrique de l'est, le Kenya continuera de connaître une forte croissance de son PNB, soutenue par les investissements dans les infrastructures, l'expansion du secteur des télécommunications et de l'activité bancaire. La croissance devrait également être vigoureuse en Ouganda, où d'importants investissements ont été faits dans le secteur énergétique, par exemple dans une nouvelle usine de raffinage, et ceci malgré les risques d'agitation politique. En Ethiopie, une forte croissance viendra récompenser la poursuite de l'amélioration des infrastructures, notamment dans le secteur de l'énergie.

Malgré une croissance relativement solide en Afrique, les experts soulignent que le chômage et la pauvreté demeurent de sérieux problèmes. Les principales causes sont le manque de diversification, notamment dans les activités générant une forte valeur ajoutée, la pénurie de travailleurs qualifiés et une productivité faible.