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Crime organisé : face à un phénomène global, l'ONU sonne l'alarme

Crime organisé : face à un phénomène global, l'ONU sonne l'alarme

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« La criminalité organisée s'est développée dans des proportions sans précédent avec la mondialisation », a souligné lundi le Directeur de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Yuri Fedotov, à l'ouverture de la réunion annuelle des parties organisée à Vienne cette semaine.

Le patron de l'agence onusienne chargée du contrôle des drogues et de la prévention du crime a appelé à une mise en œuvre « plus vigoureuse » de la Convention de l'ONU contre le crime transnational organisé (UNTOC), adoptée il y a dix ans dans la ville italienne de Palerme.

Qualifiant le texte ratifié depuis par 157 États, qui constitue la base des procédures mondiales d'extradition et d'entraide judiciaire, « d'outil juridique puissant mais sous-utilisé », il a estimé que les Etats avaient besoin d'être « mieux sensibilisés sur les moyens de mettre en oeuvre ce texte et de l'utiliser pour renforcer leur coopération ».

Selon lui, la Convention offre en effet un cadre juridique adapté à l'action des services de police et de répression du crime organisé, en leur permettant de mieux coordonner leurs efforts, grâce à des enquêtes transfrontalières et au partage des renseignements.

La Convention de Palerme offre de surcroît une définition de la criminalité transnationale suffisamment large pour englober toutes les nouvelles formes de criminalité apparues ces dernières années, à la faveur de la mondialisation et de l'explosion des nouvelles technologies de l'information.

« Avec ses mesures précises, prévues pour lutter contre le blanchiment d'argent, s'attaquer aux avoirs bancaires ou obtenir la levée du secret bancaire, la Convention de Palerme permet de frapper les criminels là où ça fait mal, en coupant les liquidités si indispensables à leurs activités », a souligné Yuri Fedotov.

Le patron de l'ONUDC a ensuite rappelé que le trafic de drogues continuait d'être « la source de revenus la plus lucrative des organisations criminelles ». Comme l'ONUDC l'a indiqué dans son rapport 2010 sur la criminalité transnationale organisée, le trafic de cocaïne en provenance de l'Amérique latine et à destination de l'Amérique du Nord et de l'Europe est évalué à 72 milliards de dollars par an. Quant à l'héroïne, le trafic entre d'Afghanistan et l'Europe atteint 33 milliards de dollars.

Les trafics de cocaïne et d'héroïne représentent donc à eux seuls un marché clandestin et illégal de plus de 100 milliards de dollars par an, qui sont ensuite blanchis ou investis dans d'autres entreprises criminelles ou alimentent le terrorisme, selon l'ONUDC.

« Pour dire les choses autrement, les trafiquants de cocaïne et d'héroïne gagnent près de 280 millions de dollars par jour, soit près de 12 millions de dollars par heure, environ 200.000 dollars par minute », a résumé Yuri Fedotov.

Les sommes en jeu pour d'autres crimes visés par la Convention de Palerme atteignent aussi des montants « étonnants », note le patron de l'ONUDC, qui a cité en exemple la traite des personnes pour l'exploitation sexuelle en Europe, qui rapporte chaque année 3 milliards de dollars à ceux qui l'exploitent, mais fait surtout 140.000 victimes, principalement des femmes et des enfants.

De la même manière, le trafic illicite de migrants d'Amérique latine vers l'Amérique du Nord rapporte aujourd'hui 6,6 milliards de dollars par an, mais aussi 3 millions d'entrées illégales sur le territoire des Etats-Unis.

Enfin, le commerce illicite des armes rapporte plus de 53 millions de dollars chaque année, mais met surtout à la disposition de criminels des armes qui ravagent les collectivités vulnérables dans les milieux urbains.

Le patron de l'ONUC a également mis en avant « l'agilité des entrepreneurs criminels » qui ont su « exploiter adroitement l'ouverture des frontières et le développement des moyens de communication ». Ils se sont aussi tournés vers d'autres biens comme les espèces animales menacées, les objets d'art, le bois, les médicaments et les vêtements contrefaits, les diamants du sang, la pornographie infantile.

L'ONUDC cite quelques exemples du coût des nouveaux crimes qui émergent. Le trafic de ressources naturelles, comme le bois en provenance de l'Asie du sud-est et à destination de l'Union européenne, représente 3,5 milliards de dollars de revenus par an, tout en favorisant la déforestation, la perte d'habitat et d'espèces, la destruction des écosystèmes, l'accélération du changement climatique et l'augmentation de la pauvreté.

Quant au marché des contrefaçons de médicaments en provenance d'Asie, il avoisine aujourd'hui 1,6 milliard de dollars, alors que ces faux médicaments rendent non seulement malades, mais favorisent en plus la résistance aux vrais médicaments, notamment ceux contre les maladies infectieuses mortelles telles que le paludisme et la tuberculose.

Après avoir insisté sur la nécessité de « renforcer la réponse au niveau régional pour endiguer ces activités illicites », Yuri Fedotov a estimé qu'il fallait aussi « une réponse globale, à l'échelle du crime organisé, pour renforcer la résistance et la lutte contre le crime organisé là où il commence, le long des itinéraires de trafic qu'il emprunte et à aux destinations finales des produits ».