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ONUDC : nouvelles drogues, nouveaux marchés dans le monde

ONUDC : nouvelles drogues, nouveaux marchés dans le monde

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La consommation de drogue se stabilise dans les pays développés mais augmente dans les pays en développement, et les produits traditionnels – héroïne, opium, cocaïne- tendent à être remplacés par des stimulants de type amphétamine (STA) et des médicaments délivrés sur ordonnance, selon un rapport de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié mercredi.

Premier constat du Rapport annuel 2010 de l'ONUDC, l'offre mondial des deux principales drogues –opiacés et cocaïne- est en déclin. La culture mondiale d'opium a diminué de 23% en deux ans et la baisse devrait s'accélérer encore cette année. Quant à la culture de la coca, qui a déjà chuté de 28% pendant la dernière décennie, elle continue à décliner, entrainant avec elle la baisse de la production de cocaïne qui a diminué de 12 à 18 % ces deux dernières années.

L'héroïne connait la même tendance. Au niveau mondial, la production a diminué de 13% en 2009 pour atteindre 657 tonnes, ce qui reflète, selon le rapport, une baisse de la culture de l'opium chez les deux principaux producteurs : Afghanistan et Myanmar. Cette baisse est toutefois à attribuer au stockage des productions antérieures, selon l'ONUDC, qui estime que 12.000 tonnes d'opium sont stockées en Afghanistan, assez pour répondre à la demande mondiale pendant deux ans et demi.

Le marché mondial de l'héroïne, estimé à 55 milliards de dollars, se concentre essentiellement en Afghanistan (qui assure 90% de l'offre), en Russie, en Iran et en Europe de l'Ouest, qui consomment ensemble la moitié de l'héroïne mondiale.

Concernant la cocaïne, sa consommation continue de baisser aux Etats Unis. Après avoir perdu deux tiers de sa valeur dans les années 1990, le marché américain en a encore diminué d'un quart au cours de la dernière décennie.

« C'est l'une des raisons de la violence observée aujourd'hui au Mexique où les narcotrafiquants se disputent un marché en train de couler. Ces guerres internes sont une bénédiction pour les Etats Unis, car l'assèchement du marché se traduit par des taux de dépendance en baisse, des prix plus élevés et une cocaïne moins pure », a expliqué le Directeur exécutif de l'ONUDC, Antonio Maria Costa, lors de la présentation du rapport.

Conséquence de cet affaiblissement du marché nord américain, les narcotrafiquants se sont tournés vers d'autres régions, en premier lieu l'Europe, où le nombre de consommateurs de cocaïne est passé de 2 millions en 1998, à 4,1 millions en 2008. Fin 2008, le marché européen représentait par conséquent 34 milliards de dollars, presque autant que le marché américain estimé à 37 milliards de dollars.

Ces bouleversements géographiques de la consommation de cocaïne se sont traduits par l'émergence de nouvelles routes pour le trafic, la plus importante étant désormais celle qui va des pays de la Cordillère des Andes, en Amérique du sud, à ceux de l'Union européenne, en passant par l'Atlantique et les pays d'Afrique de l'Ouest. Conséquence directe selon le rapport : une instabilité grandissante dans les pays en développement où les recettes du trafic servent la corruption des élites.

« Ceux qui sniffent de la cocaïne en Europe sont en train de tuer les forêts des pays andins et de corrompre les dirigeants ouest africain », a résumé Antonio Maria Costa.

Troisième type de drogue sur lequel l'ONUDC s'est penché : les stimulants de type amphétamine (STA). Leur consommation explose, selon le rapport, qui estime à 30-40 millions le nombre de consommateurs, plus que ceux d'opiacés et de cocaïne réunis. Principale raison de la flambée de ces drogues, leur mode de production : les laboratoires sont situés à proximité des marchés. L'acheminement des produits est d'abord plus simple et moins exposé, plus difficile donc à intercepter. La production est ensuite plus flexible, plus adaptée aux attentes du marché local.

« On ne résoudra pas le problème de la drogue si on déplace la dépendance d'une drogue à une autre », a souligné Antonio Maria Costa, ajoutant que le nombre de laboratoires clandestins découverts en 2008 avait augmenté de 20%, dont beaucoup dans des pays où la consommation de STA est nouvelle et en forte croissance, comme le Moyen-Orient et l'Asie.

Le rapport de l'ONUDC fait enfin le point sur la consommation de cannabis, la plus répandue dans le monde avec près de 130 à 190 millions de consommateurs. Il met en avant la croissance soutenue de la production en intérieur en Amérique du Nord et en Europe et celle en extérieur du Maroc et surtout de l'Afghanistan, devenu premier producteur mondial en quelques années.

Après avoir dressé ce tableau de la production et de la consommation mondiale de drogues, l'ONUDC tire plusieurs conclusions, notamment le manque de traitements mis à la disposition des toxicomanes dans le monde. « Pendant que les gens riches, dans les pays riches, peuvent se payer des traitements, les populations pauvres et les pays pauvres n'ont pas les moyens de faire face aux conséquences sanitaires de la consommation de drogue », a expliqué Antonio Maria Costa. Rappelant qu'en 2008, un cinquième des toxicomanes a reçu un traitement et que 20 millions d'entre eux n'y ont pas eu accès, il a estimé qu'il était « temps de mettre en place un accès universel aux traitements ».

Pour le chef de l'ONUDC, la réponse à la toxicomanie n'est par ailleurs ni la prison, ni la peine capitale, mais un suivi médical.

En ce qui concerne les pays en développement, le rapport de l'ONUDC met en garde ces pays contre les risques auxquels ils s'exposent : criminalité, corruption, instabilité politique, problèmes sociaux et sanitaires majeurs, sans moyens adéquats pour y répondre. Il cite notamment les exemples de la flambée de la consommation d'héroïne en Afrique de l'Est, de cocaïne en Afrique de l'Ouest et de STA au Moyen-Orient.

En guise d'exemple, le rapport cite le Triangle nordique d'Amérique du Sud, où des pays comme le Honduras, le Guatemala et le Salvador sont confrontés à une violence quotidienne sans précédent, bien plus grave que celle observée au Mexique et qui attire pourtant le plus l'attention des médias.

En conclusion, le rapport recommande de renforcer le développement des pays pour réduire leur vulnérabilité à la criminalité, la coopération entre les pays pour identifier et démanteler les réseaux internationaux. « Si nous ne gérons pas efficacement la menace posée par les organisations criminelles, nos sociétés seront prises en otage et le contrôle des drogues sera remis en cause », a insisté Antonio Maria Costa, avant de demander que soient mises en œuvre les conventions de l'ONU sur les drogues et pris au sérieux les traitements médicaux et la prévention.