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RDC : l&#39experte de l&#39ONU sur la violence contre les femmes dénonce la « pire crise » qu&#39elle n'ait jamais connue

RDC : l&#39experte de l&#39ONU sur la violence contre les femmes dénonce la « pire crise » qu&#39elle n'ait jamais connue

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Yakin Ertürk, Rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l&#39homme des Nations Unies chargée de la question de la violence à l&#39égard des femmes, ses causes et ses conséquences, a dénoncé aujourd&#39hui les atrocités sexuelles commises en RDC, en particulier au Sud-Kivu.

L'experte s'est rendue du 16 au 27 Juillet 2007 en visite officielle en République démocratique du Congo (RDC), à l'invitation du gouvernement. Outre Kinshasa, elle a visité l'Ituri et les provinces du Sud-Kivu et de l'Équateur.

« En raison de la gravité et de l'urgence de la situation dans ce domaine en RDC, ma visite a porté principalement sur la violence sexuelle, qui est courante et commise par les groupes armés non-étatiques, les Forces armées de la RDC, la Police nationale congolaise et également par des civils », explique-t-elle dans une déclaration publiée aujourd'hui à Genève.

« La violence sexuelle ne doit pas être séparée des autres formes de violence qui se manifestent dans la famille et la communauté et qui sont, encore aujourd'hui, considérées comme normales par une grande partie de la société congolaise » a plaidé l'Experte.

En premier lieu, souligne-t-elle, l'Assemblée nationale peut jouer un rôle clé en menant à bien des reformes juridiques évidentes. Par exemple, le Code de la famille place concrètement la femme sous la tutelle de son mari comme si elle était mineure. Alors que la Constitution prévoit la parité entre les sexes, une loi sur la parité mettant en ?uvre l'article 14 de la Constitution n'a pas encore été adoptée.

D'autre part, nombre des victimes de viol deviennent victimes une deuxième fois quand elles sont rejetées par leur propre communauté, famille ou mari, à cause de la stigmatisation attachée au viol, alors que les violeurs jouissent de l'impunité.

Par exemple, le sort réservé aux bébés issus de ces viols est une préoccupation grave qui n'a jamais donné lieu à une réaction appropriée.

Yakin Ertürk a fait part des atrocités qui lui ont été rapportées au Sud-Kivu.

« D'emblée, j'attire l'attention sur la situation alarmante dans la province du Sud-Kivu qui nécessite une action immédiate. Dans le cadre de mon mandat, qui concerne la violence contre les femmes, la situation dans les deux Kivus est la pire des crises que j'ai rencontrées jusqu'ici », a-t-elle insisté.

« La Synergie provinciale du Sud-Kivu sur la violence sexuelle, organe qui rassemble des représentants du gouvernement, des Nations Unies et de la société civile, a déjà enregistré 4.500 cas de violence sexuelle au cours de six premiers mois de l'année. Le nombre réel de cas est sans aucun doute beaucoup plus élevé: la plupart des victimes vivent dans des régions inaccessibles, ont peur de porter plainte ou n'ont pas survécu à la violence ».

« La plupart des cas de violence sexuelle au Sud-Kivu, d'après nos informations, sont perpétrés par des groupes armés non étatiques étrangers. Certains de leurs membres semblent avoir été impliqués dans le génocide rwandais et avoir fui ensuite vers la RDC. Opérant dans la forêt, ces groupes armés attaquent les communautés locales, pillent, violent, emmènent les femmes et les filles comme esclaves sexuelles et les soumettent au travail forcé ».

« Les atrocités perpétrées par ces groupes armés sont d'une brutalité inimaginable, qui va bien au-delà du viol. Le viol et l'esclavage sexuel sont au c?ur de ces atrocités qui visent la destruction physique et psychologique complète des femmes, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour l'ensemble de la société ».

« À de nombreux égards, ces atrocités rappellent celles commises par l'Interahamwe pendant le génocide rwandais. Les femmes sont soumises à des viols collectifs brutaux, souvent devant leur propre famille ou leur communauté tout entière. Dans de nombreux cas, les hommes de la famille sont contraints, sous la menace d'une arme, de violer leur propre fille, leur mère ou leur s?ur ».

« Après le viol, il est fréquent que les bourreaux tirent au fusil dans l'appareil génital de la femme ou qu'ils la poignardent dans cette partie de son corps. Plusieurs femmes, qui ont survécu à des mois d'esclavage, m'ont raconté que leurs tortionnaires les avaient forcées à manger les excréments ou la chair des membres de leur famille assassinés », a dit Yakin Ertürk.

Cette dernière a aussi fait de part de sa visite à l'hôpital de Panzi, une institution spécialisée à Bukavu (Sud-Kivu) qui reçoit chaque année près de 3.500 cas de femmes souffrant de fistules et d'autres blessures gynécologiques graves résultant de ces atrocités sexuelles.

« À l'hôpital, j'ai parlé avec une petite fille de 10 ans, qui avait été enlevée avec ses parents. Elle a dû subir une opération d'urgence, après que les tortionnaires aient brutalement enfoncé un bâton dans ses organes génitaux », a-t-elle rapporté.

Jusqu'à ce jour, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) se sont montrées incapables de mettre fin aux atrocités dans le Sud-Kivu, qui sont massivement commises depuis plusieurs années, a-t-elle dénoncé.

Après la Mission de l'Organisation des Nations Unies en RDC (MONUC) et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence à l'égard des femmes a dénoncé à son tour les violences commises par les Forces armées de la RDC (FARDC), la Police nationale congolaise (PNC) et les autres forces de sécurité de l'État, qui continuent de commettre des actes de violence sexuelle (dépêche du 27.07.2007).

Au Sud-Kivu et en Ituri, alors que les groupes armés non-étatiques restent les acteurs principaux de la violence sexuelle, près de 20% de tous les cas de violence sexuelle, d'après les rapports dont nous disposons, sont commis par les FARDC et la PNC, a-t-elle rappelé.

« D'après nos informations, certaines unités des FARDC prennent délibérément comme cible les communautés civiles qui sont soupçonnées d'appuyer les milices et pillent, violent massivement et dans certains cas tuent des civils. Des soldats ou des policiers, individuellement, commettent eux aussi de tels actes, se considérant au-dessus de la loi ».

« Ces actes constituent des crimes de guerre et, dans certains cas, des crimes contre l'humanité. Le droit international fait obligation au gouvernement de traduire en justice tous les criminels, y compris ceux qui détiennent la responsabilité de commandement », a-t-elle rappelé.