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Haïti peut être une chance pour le monde, affirme la porte-parole de la MINUSTAH

Haïti peut être une chance pour le monde, affirme la porte-parole de la MINUSTAH

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Haïti peut être « une chance pour le monde » et montrer ce que peut faire le développement durable dans un pays où tout est à construire, a affirmé aujourd&#39hui la porte-parole de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), lors d&#39un entretien avec le Centre de nouvelles de l&#39ONU, à New York.

Haïti peut être « une chance pour le monde » et montrer ce que peut faire le développement durable dans un pays où tout est à construire, a affirmé aujourd'hui la porte-parole de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH, lors d'un entretien avec le Centre de nouvelles de l'ONU, à New York.

« Tout est à faire mais si on le fait bien on peut avoir un impact rapide et très positif sur le développement du pays », a déclaré aujourd'hui Sophie Boutaud de la Combe, lors d'une interview au siège de l'ONU, au lendemain d'une conférence de presse du Représentant spécial du Secrétaire général pour Haïti, Edmond Mulet (dépêche du 29.01.07) et son interview avec la radio de l'ONU».

« Le pays peut éviter les écueils du développement dans les pays industrialisés », a-t-elle affirmé. Si le déboisement est frappant, en l'absence de réseau fiable d'électricité et de carburant, on peut replanter. « Tous les légumes et les fruits sont biologiques, ne serait-ce que parce que les agriculteurs n'ont pas d'engrais chimiques, mais aussi parce que le sol est fertile naturellement », a-t-elle expliqué.

« Haïti peut produire ce qu'il veut en termes d'agriculture, profitant des climats de la mer comme de la montagne. Par exemple, le sud d'Haïti produit un vétiver exceptionnel qui fournit les plus grands fabricants de parfum au monde, et dont le pays est le premier exportateur », a-t-elle ajouté.

Mais pour l'instant, a-t-elle déploré, la dizaine de ports haïtiens n'ont que des ressources douanières limitées.

L'Etat aura besoin des ressources de l'économie pour se renforcer : ce n'est qu'en collectant les impôts, qui sont versés sur une forme « quasi volontaire » à l'heure actuelle, qu'il pourra reverser des salaires de nature à éliminer la corruption, a-t-elle expliqué.

A la question de savoir comment se déroulent les activités du personnel de l'ONU au quotidien, elle a rappelé la situation est différente à Port-au-Prince et dans les régions. « Dans les régions, le personnel de l'ONU peut marcher dans la rue partout sans problèmes. Certains quartiers de Gonaïves, du Cap haïtien sont encore un peu fragiles, comme Cité Soleil ou d'autres quartiers de Port-au-Prince ».

Mais le reste du pays est « vraiment calme et stabilisé », a-t-elle souligné.

« Les routes sont en très mauvais état. Il n'y a pas eu d'entretien des routes bitumées depuis très longtemps. Pourtant, on voit à l'heure actuelle des initiatives individuelles pour combler ici et là les trous dans les routes », a dit Sophie Boutaud de la Combe.

« Des gens demandent ainsi sur le bord des routes une contribution à l'entretien du bitume ». « Dans certaines régions l'Etat est tellement fragile ou inexistant que la population se lance dans des initiatives volontaires », a-t-elle expliqué.

Sur les kidnappings qui ont fait la une récemment aux mois de novembre et décembre, Sophie Boutaud de la Combe a expliqué que le 15 novembre « pour préparer les élections du 3 décembre, les troupes de la MINUSTAH avaient été redéployées dans les régions pour apporter un soutien logistique et sécuritaire ».

« Ce redéploiement a créé un vide, notamment par la réduction des points de contrôle, qui a été tout de suite utilisé par les gangs. C'est là que l'on a assisté à ces kidnappings dramatiques qui ont touché à des enfants, y compris des bus scolaires. En Haïti l'enfant est sacré, et cette situation a été très mal ressentie par la population ».

Mais à l'heure actuelle, même à Port-au-Prince, il n'y a pas de couvre-feu. « Aujourd'hui on entend des tirs lorsqu'il y a des opérations. Mais en 2004 on les entendait à toute heure du jour ou de la nuit. En 2005, je me suis surprise à remarquer les tirs, qui n'intervenaient plus ni partout ni tout le temps », a raconté la porte-parole.

« C'est le résultat des opérations de la MINUSTAH pour circonscrire les gangs dans des zones réduites. Dernièrement, les tirs sont circonscrits dans certains quartiers de Cité Soleil. On gagne à l'heure à l'actuelle du terrain, centimètre par centimètre ».

« Le but est de les repousser et de les arrêter, mais pour cela il faut avoir des informations ». C'est pour cela que l'on a lancé l'opération « Je we bouche palé » (je oué bouche palé), ce qui veut dire en créole « Ce que je vois, je le dis » et qui est un jeu de mots sur une expression qui voudrait plutôt dire « Ce que je vois, je le garde pour moi ».

« Malgré la tradition du silence, la population a désormais plus confiance dans le fait qu'elle peut donner des informations, en constatant que lorsque les gangs sont démis, ils peuvent accompagner leurs enfants à l'école etc ».

A ce propos, les casques bleus, brésiliens ou argentins, qui connaissent bien dans leurs pays des quartiers similaires à ceux de Port-au-Prince, sont très appréciés de la population, a dit la porte-parole.

A la question de savoir si les gangs bénéficient d'un soutien populaire, Sophie Boutaud de la Combe a renvoyé une nouvelle fois à l'absence de l'Etat. Les gangs tiennent la population en otage ne serait-ce que parce que le fruit de leurs activités criminelles allège dans une certaine mesure la misère.

La porte-parole a expliqué que tout démantèlement d'un gang doit immédiatement être accompagné d'un soutien social afin de soulager la population et combler les déficiences de l'Etat.

« Certaines agences des Nations Unies, en raison des règles de sécurité drastiques internes à l'ONU, n'ont pas accès à certains quartiers. Il existe heureusement certaines organisations non gouvernementales (ONG) présentes sur le terrain, qui ne peuvent pas toujours apporter tout l'appui nécessaire ».

A la question de savoir si la MINUSTAH était là pour rester, la porte-parole a rappelé que la Mission était présente pour permettre aux autorités haïtiennes d'apprendre à être autosuffisantes. C'est de ces progrès que dépendra la durée de l'intervention des Nations Unies.

Pour l'instant un des principaux appuis de l'ONU se fait dans la formation de la police haïtienne.

La MINUSTAH vise d'abord à apporter former de nouvelles recrues qui seront envoyées sur le terrain, ensuite à former les policiers recrutés, notamment aux techniques spéciales d'intervention. La police haïtienne (PNH) reçoit aussi de l'équipement grâce à l'aide bilatérale.

La réforme de la police -- police qui a été « utilisée par le passé à des fins qui n'étaient pas de service public » -- passe aussi par une sélection du personnel existant, communément appelé le « vetting ».

Depuis le mois de décembre, cette sélection a commencé sur le terrain, depuis le haut jusqu'au bas de la hiérarchie. La MINUSTAH a formé des membres de la police à cette sélection et une formation interne est en route. L'enquête porte sur les biens des policiers et sur leur moralité et plusieurs dizaines d'entre eux ont déjà été mis en dehors de la police haïtienne.

Ce « pilier » de formation et la coopération opérationnelle fonctionne bien, a estimé la porte-parole, notamment l'unité anti-kidnapping composée des forces de l'ONU et de la PNH.

Le « pilier justice », en revanche, pose davantage problème. D'abord parce qu'il faut beaucoup plus de temps pour former des juristes. Ensuite parce que cela ne rentre pas spécifiquement dans le mandat de la MINUSTAH, qui a une mission « d'appui technique » au gouvernement. On fait donc face à une pénurie de magistrats qui n'ont pas toujours les compétences nécessaires.

L'appui au ministère de la justice, dans l'immédiat, visera à aider le gouvernement à déposer plusieurs projets lois relatifs notamment à la réforme de la magistrature, notamment l'école et le conseil supérieur de la magistrature.

Mais outre ces problèmes législatifs, les problèmes quotidiens sont des problèmes de logistiques : le manque de papier, les pannes d'électricité, l'absence de photocopieurs.

Par ailleurs, très concrètement si la police monte un dossier et n'en garde pas de copie, l'affaire ne sera pas suivie si les papiers sont perdus ou « disparaissent ».

Interrogée en dernier lieu sur la réalisation dont la MINUSTAH était la plus fière, Sophie Boutaud de la Combe a cité l'appui aux élections, évoquant la patience de la population qui a passé des heures sous le soleil pour y participer.