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Réforme de la gestion de l'ONU : Kofi Annan regrette l'absence de consensus

Réforme de la gestion de l'ONU : Kofi Annan regrette l'absence de consensus

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Après que les délibérations à la commission budgétaire de l'Assemblée générale se sont terminées vendredi par un vote, rompant avec la pratique du consensus, le Secrétaire général a exprimé son « profond regret » face au refus des propositions de réforme administrative présentées dans son rapport « Investir dans l'ONU ».

Kofi Annan a exhorté les États Membres à « explorer les moyens d'oeuvrer ensemble pour rétablir l'esprit de confiance mutuelle qui est à la base du consensus et qui est essentiel au fonctionnement sans heurts des Nations Unies », dans d'un message transmis le 28 avril par son porte-parole.

« Le Secrétaire général estime en outre que tous les États Membres demeurent engagés en faveur des principes de la réforme des Nations Unies et qu'ils entameront le processus visant à rechercher les moyens mutuellement acceptables pour poursuivre ce travail », conclut le message.

La Commission des questions administratives et budgétaires (Cinquième Commission) a adopté vendredi, au terme d'intenses négociations, un projet de résolution répondant aux propositions du Secrétaire général dans son rapport intitulé « Investir dans l'Organisation des Nations Unies ».

Le Secrétaire général avait présenté ce rapport le 7 mars dernier devant l'Assemblée générale (sur les principaux points du rapport dépêche du 7.03.06).

Ces propositions portent sur six grands domaines d'activité : le capital humain, la qualité de l'encadrement, l'informatique/télématique, les prestations de service, le budget et les finances, la gouvernance et la gestion du changement.

Le projet de résolution « Investir dans l'Organisation des Nations Unies », présenté par l'Afrique du Sud au nom du groupe des 77 et de la Chine, a donné lieu à un vote contrasté de 108 voix pour, 50 voix contre et trois abstentions.

L'adoption de ce texte par un vote rompt avec la pratique fortement ancrée au sein de la Cinquième Commission d'adopter ses résolutions par consensus.

Les États-Unis et l'Autriche, qui représentait l'Union européenne, ont rejeté ce texte.

Le représentant autrichien a ajouté que l'Union avait déployé tous les efforts pour parvenir à un consensus jusqu'à la dernière minute.

Pour sa part, le représentant américain a précisé que même si son pays n'était pas en accord avec le projet de résolution, il respectait la position du Groupe des 77 et de la Chine et la ténacité avec laquelle le Groupe avait défendu son point de vue. « Les États-Unis tiennent à la réforme de l'Organisation afin de garantir son efficacité », a?t-il assuré.

Principal sujet de controverse, le projet « prie le Secrétaire général de lui présenter des renseignements sur toutes les propositions de réforme pertinentes qu'elle a antérieurement approuvées; une évaluation des retombées des réformes déjà mises en ?uvre ou encore en cours et de la façon dont elles s'articulent avec les propositions; des renseignements précis sur les incidences financières et administratives et des explications détaillées et des exemples précis montrant comment les propositions permettraient de rendre l'Organisation plus efficace et de remédier aux insuffisances actuelles ».

Une série d'évaluations nouvelles qui risquent de nettement de nettement prolonger le processus de réforme.

Le texte souligne aussi que les « États Membres sont seuls habilités à arrêter les priorités de l'Organisation, conformément aux décisions des organes délibérants ».

Cette précision vise à rejeter directement certaines recommandations du rapport intitulé « Investir dans l'Organisation des Nations Unies », concernant les relations du Secrétariat avec la Cinquième Commission.

Le Secrétaire général suggérait notamment dans la proposition 20 de son rapport que la Cinquième Commission « s'intéresse essentiellement aux questions centrales du budget, et singulièrement à la planification et à l'analyse des résultats », et que ses travaux soient « limités dans le temps » afin d'éviter « des débats interminables sur chaque ligne du budget ».

Similairement, la Proposition 21 invitait à « recentrer l'ordre du jour de la Cinquième Commission et du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) » - organe d'experts fonctionnant en amont de la Cinquième Commission ? et à limiter la durée de leurs travaux, pour les amener ainsi à privilégier l'examen des questions stratégiques essentielles au lieu de s'attacher aux détails.

Ces recommandations dérivaient notamment d'un souci exprimé par le Secrétaire général Kofi Annan et par l'actuel Vice-Secrétaire général de l'ONU, Mark Malloch Brown, de voir cesser la « micro-gestion » de l'Organisation par les Etats Membres, alors que l'Assemblée générale décide à l'heure actuelle du nombre et du grade de chaque poste au sein du Secrétariat.

Le Groupe des 77 et de la Chine, présidé par le représentant de l'Afrique du Sud, l'ambassadeur Dumisani Kumalo, avait fait savoir lors d'une conférence de presse (audio) le 26 avril à l'ONU qu'il estimait que ces propositions revenaient à priver les Etats Membres, et notamment les pays en développement qui ne disposent pas du levier qu'apporte les contributions financières, de leur prérogative de base sur le contrôle de la gestion de l'ONU.

« Il est manifeste qu'il existe des préoccupations concernant les propositions 20 et 21 », avait indiqué le Secrétaire général dans une lettre adressée jeudi 27 avril à John Ashe, ambassadeur d'Antigua et Barbuda et président de la Cinquième Commission.

« Bien que mon seul objectif ait été de proposer des méthodes de travail plus efficaces dans le processus intergouvernemental, je reconnais que ces deux propositions ont soulevé préoccupation et résistance », affirmait-il.

« Il est certain qu'elles ne devraient pas faire obstacle au consensus ou conduire à la pratique précieuse et bien établie d'éviter des votes entraînant des divisions sur les questions budgétaires », disait le Secrétaire général.

« Ce ne devrait pas non plus être une entrave à la réalisation de progrès sur d'autres aspects de la réforme », soulignait le Secrétaire général qui proposait de les « mettre de côté » et d'adopter rapidement une résolution par consensus, permettant aux travaux sur la réforme de se poursuivre.

Cette recommandation n'a pas été suivie d'effet.

« C'est un épisode sérieux dans les efforts de réforme des Nations Unies. Cela témoigne du mauvais climat et des soupçons qu'il y a à l'ONU depuis

quelques mois », avait estimé devant la presse l'ambassadeur de la France, Jean-Marc de la Sablière, alors que les négociations n'étaient pas encore achevées.

« Derrière cet épisode, ce qui est en jeu c'est la modernisation des Nations Unies », avait-il affirmé. « Il ne faut pas que cet épisode devienne une crise car nous devrons nous retrouver en juin pour adopter des décisions par consensus », avait-il affirmé le 27 avril.