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Il est difficile d'imaginer le monde sans l'ONU, estime le sénateur américain Patrick Leahy

Il est difficile d'imaginer le monde sans l'ONU, estime le sénateur américain Patrick Leahy

Kofi Annan (g) et le sénateur amércain Patrick Leahy (d) (archives)
A l'issue d'une visite avec Kofi Annan, le sénateur du Vermont et représentant aux Nations Unies du sénat américain, Patrick Leahy, a déclaré fermement croire en l'ONU. Rappelant que l'Organisation était une « proie facile », il a appelé les membres du Congrès à adopter un point de vue plus internationaliste, mieux à même de défendre les propres intérêts des Etats-Unis.

« Je suis un des sénateurs américains qui estiment que nous avons de la chance d'avoir Kofi Annan à l'ONU aujourd'hui, avec tous les problèmes du monde qui ont un impact sur les intérêts des Etats-Unis ainsi que de la plupart des autres pays. Ses préoccupations quant à la santé, la faim, les droits de l'homme sont très importantes à nos yeux », a déclaré aujourd'hui Patrick Leahy, sénateur du Vermont du parti démocrate et l'un des deux représentants du Sénat auprès de l'ONU.

image • Retransmission du point presse de Patrick Leahy [19mins]

« Par le passé, je n'ai pas hésité à critiquer l'ONU pour appeler l'attention sur les problèmes à résoudre, mais je crois fermement en l'ONU, comme la majorité de mes électeurs. En fait, il est difficile d'imaginer le monde sans l'ONU. Pendant la guerre froide, c'était l'enceinte où nous pouvions parler, avec nombre de nos éventuels adversaires. Aujourd'hui, c'est encore le lieu où les Etats-Unis et d'autres pays peuvent discuter, offrant une occasion qu'ils pourraient ne pas avoir ailleurs sur la scène internationale », a déclaré Patrick Leahy.

« L'ONU a de nombreuses missions de maintien de la paix dans des pays dans lesquels les Etats-Unis et d'autres pays ont un intérêt mais où aucun de ces Etats, y compris le mien, ne voudraient envoyer leur propres troupes », a-t-il rappelé.

« Voilà des choses qui doivent continuer. Je suis préoccupé de voir que certains au Congrès estiment que l'ONU est une proie facile, qu'il est très facile de la démanteler ou de faire passer des lois régissant de façon unilatérale et restrictive l'Organisation, comme si nous pouvions dicter au reste du monde comment il doit fonctionner, simplement parce que l'ONU se trouve dans l'enceinte du territoire américain », a affirmé le sénateur américain.

« Je pense que c'est une erreur, et que ces membres du Congrès devraient adopter un point de vue plus internationaliste, car c'est celui qui sera le mieux à même de protéger les intérêts des Etats-Unis en tant que nation ».

Interrogé sur un projet de loi qui circule au Congrès, visant à répartir par avance les fonds alloués à l'ONU au titre des contributions obligatoires des Etats-Unis, le sénateur a estimé qu'un tel projet serait contre-productif et contraire aux intérêts des Etats-Unis, en aliénant le soutien des Etats dont la contribution est nécessaire pour réformer l'Organisation.

Patrick Leahy a souligné que de nombreux représentants, démocrates comme républicains, soutenaient les Nations Unies, même si certains obtiennent des applaudissements à bon compte auprès de leurs électeurs en se déclarant contre l'ONU ou l'aide publique au développement. « L'américain moyen doit croire que nous dépensons 15% de notre budget en assistance étrangère, alors qu'il s'agit de moins d'une fraction dƇ% ».

En définitive, il faudra le soutien des membres du Congrès mais surtout du Président des Etats-Unis, a-t-il ajouté.

Interrogé sur la nomination de John Bolton au poste d'ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, Patrick Leahy a indiqué que le sénateur républicain John Sununu et lui-même avaient été confirmés à l'unanimité au poste de représentant du Sénat, ironisant que ce ne serait pas le cas de John Bolton et qu'il recueillerait sans doute la marge de soutien la plus faible dans l'histoire des Etats-Unis.

Sur la situation au Liban et en Syrie, alors que le Gouvernement de George W. Bush a demandé que le mandat de l'enquête sur la mort de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri soit élargi pour se pencher sur l'attentat qui a coûté la vie au journaliste Samir Kassir (voir notre dépêche du 2 juin 2005), Patrick Leahy a indiqué soutenir totalement cette position.

« La Syrie a agi avec duplicité dans cette affaire. Ils avaient une présence militaire très importante qui s'est retirée. Ils avaient aussi un déploiement très important de police secrète et personne ne peut dire s'ils se sont retirés totalement. Même si c'est contraire aux propres intérêts syriens à long terme, ils ont été impliqués au Liban et en Iraq », a déclaré Patrick Leahy.

« Il ne fait pas de doute, dans mon esprit, qu'ils étaient derrière l'assassinat de Rafic Hariri », « sur la base des éléments que j'ai pu avoir entre les mains ». « Le seul point positif est qu'ils ont tellement dépassé les bornes que l'on a eu la réaction actuelle », a affirmé le sénateur.

Interrogé sur l'ouverture d'une enquête par la CPI sur le Darfour (voir notre dépêche d'aujourd'hui), le sénateur du Vermont a estimé que la situation méritait la qualification de génocide.

Il a ajouté qu'une autre situation méritait l'attention, à savoir l'impunité de Charles Taylor, l'ancien Président du Libéria, responsable de milliers de morts au Libéria et en Sierra Leone, qui pourrait « facilement être traduit en justice par le Tribunal pénal pour la Sierra Leone » et qui « continue de peser sur la situation politique ».

Interrogé sur les « signaux confus » des Etats-Unis concernant le renvoi de la situation en Corée du Nord au Conseil de sécurité, le représentant du Sénat a ironisé en se « déclarant choqué » par la possibilité d'une telle confusion.

« Il est incroyable qu'un pays aussi isolé, qui a affamé sa propre population, ait pu obtenir les fonds pour construire une bombe [atomique] », a-t-il toutefois déclaré.

« J'aimerais que ceux qui ont autant d'intérêt dans cette affaire que les Etats-Unis, la Chine par exemple, exerce des pressions considérablement plus importantes. C'est dans leur intérêt en tant que nation mais également en tant que membre d'une assemblée des nations », a conclu le sénateur Leahy.