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Haïti : priorité à la sécurité, pour le chef de la Mission de l'ONU

Haïti : priorité à la sécurité, pour le chef de la Mission de l'ONU

Juan Gabriel Valdés, Envoyé à Haïti
La sécurité est la priorité numéro un en Haïti, affirme l'Envoyé de l'ONU qui répond à l'impatience et à l'exaspération en indiquant que les moyens de la Mission permettront désormais de faire face à l'insécurité, même si la force n'est pas à long terme la voie qui conduira à la réconciliation. Il plaide aussi pour une plus grande flexibilité dans le décaissement du milliard de dollars promis pour le pays.

« La sécurité n'est pas la priorité numéro un seulement pour les Haïtiens, mais aussi de la MINUSTAH et de tous ceux qui sont là pour aider le peuple haïtien » a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général pour Haïti, Juan Gabriel Valdés, qui faisait le 8 décembre un bilan des efforts de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti, la MINUSTAH, indique un communiqué de la Mission paru le 9 décembre, ajoutant que la société haïtienne devait être consciente de l'intérêt que la communauté internationale porte à la cause d'Haïti.

« Nous sommes très conscients de l'impatience et même de l'exaspération de quelques Haïtiens qui attendent de la MINUSTAH un effort supplémentaire » pour lutter contre l'insécurité, a souligné Juan Gabriel Valdés, qui a précisé qu'au mois de décembre, les effectifs de la Mission s'élèveront à plus de 6 000 soldats et près de 2 000 policiers internationaux, soit presque la totalité des effectifs prévus par le Conseil de sécurité.

« Maintenant que nous avons à Port-au-Prince toutes les troupes nécessaires pour faire notre travail, nous sommes sûrs que nous allons répondre avec toute la détermination que nous permet notre mandat et suivant les normes internationales d'une force de paix », a affirmé le chef de la MINUSTAH.

« Nous allons montrer à la population haïtienne que nous sommes décidés à utiliser la force pour affronter les bandits, désarmer les groupes qui veulent continuer à utiliser la force contre l'Etat, le gouvernement légitime et le peuple haïtien, et pour permettre à l'espoir de renaître dans le c?ur des Haïtiens qui veulent une société plus pacifique ».

Répondant à la question d'un journaliste qui l'interrogeait sur la « passivité » de la MINUSTAH, Juan Gabriel Valdés a expliqué que « la présence des 150 policiers jordaniens et de 1200 soldats brésiliens au centre de la ville ainsi que la présence de soldats Sri lankais dans la zone de Carrefour » donnait déjà « une possibilité d'agir dans la ville que nous n'avons pas eu auparavant ».

Il a aussi éclairci une controverse sur les propos du commandant Heleno Ribeiro Pereira, chef des Casques bleus, auquel on aurait prêté l'intention de ne pas faire usage de la force.

« La MINUSTAH ne va pas utiliser une violence aveugle sans planification et sans stratégies qui pourrait faire de nombreuses victimes innocentes et déclencher un climat insupportable dans tout le pays », voilà ce qu'a dit le Commandant Heleno au Congrès brésilien, a précisé Juan Gabriel Valdés, ajoutant qu'il s'agissait tout simplement des règles de l'ONU.

Revenant sur les difficultés rencontrées par la Mission, le Représentant spécial a souligné l'ampleur de la crise humanitaire en raison des désastres naturels, notamment aux Gonaïves, mais aussi en raison du défi que pose la présence des ex-militaires, qui continuent de montrer leurs armes en public.

« Ils ont même arrêté des citoyens et ont pris des mesures manifestement illégales, nous mettant dans une situation plus compliquée en termes de menace à la légalité. Les troupes étant presque toutes en place, nous allons poursuivre notre mandat de façon beaucoup plus effective, a souligné le Représentant spécial, qui a manifesté sa volonté « de rompre les liens entre la violence criminelle et la violence politique ».

« Nous avons la responsabilité d'empêcher ce lien qui permet à certains groupes d'utiliser la violence armée pour leur propre bénéfice et pour accumuler plus de pouvoir », a indiqué le chef de la MINUSTAH qui s'est déclaré par ailleurs en faveur du désarmement des ex-membres de l'armée, du paiement des pensions et d'une partie de leurs arriérés de salaire sur une base forfaitaire, et de leur réinsertion dans la vie civile s'ils n'ont pas commis de crimes.

Le Représentant spécial a par ailleurs insisté sur le dialogue et la réconciliation nationale, se déclarant extrêmement satisfait d'avoir entendu des appels en ce sens de la Conférence épiscopale comme du Président Boniface Alexandre.

« Dans mes réunions avec les Haïtiens et les partis politiques de toutes les tendances, [?] j'ai constaté une volonté de parvenir à un dialogue [?] qui pourra refléter les préoccupations, les aspirations et les rêves de la majorité des Haïtiens, particulièrement les couches les plus modestes de cette société », a-t-il expliqué.

« Le dialogue national n'est pas l'affaire de la communauté internationale ; ce sont les Haïtiens qui doivent dialoguer. Notre rôle est de mettre à leur disposition des scénarios, des techniques, ainsi que des expériences des pays comme ceux de l'Amérique latine, où des problèmes plus complexes ont pu être résolus », a estimé Juan Gabriel Valdés, pour qui le transfert de son expérience aux Haïtiens peut « traduire la solidarité latino américaine avec le peuple haïtien ».

Le Représentant spécial a enfin fait part de son inquiétude quant à la lenteur avec laquelle le processus d'aide à Haïti se déroule à l'heure actuelle, précisant qu'il serait à Washington le 15 décembre et qu'il avait mis en place, avec le Premier ministre et le ministre de la Planification, avec la participation du PNUD, des organisations internationales comme la Banque mondiale, la BID, l'Union européenne, une commission ad hoc chargée d'accélérer le processus de décaissement des fonds qui ont été promis à Haïti.

« Je suis absolument conscient que si on a promis à Haïti 1 milliard 200 mille dollars, ce n'est pas possible que ces fonds soient décaissés seulement à la fin du processus de transition ou bien à la fin de cette phase. On veut obtenir des fonds pour créer des opportunités d'emplois pour les Haïtiens en 2005 », a-t-il souligné indiquant qu'il pensait qu'un grand effort serait accompli le 15 décembre, pour « rendre flexibles les conditions imposées par les organismes internationaux pour décaisser les fonds, approuver des projets et relancer le processus de développement d'Haïti ».