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Kofi Annan déclare l'état de droit en péril et plaide en sa faveur

Kofi Annan déclare l'état de droit en péril et plaide en sa faveur

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Malgré l'arsenal des lois dont les Etats se sont dotés, l'actualité fournit de nombreux exemples des périls encourus par l'état de droit, a déclaré le Secrétaire général de l'ONU, qui a affirmé qu'il pouvait être rétabli mais que cela dépendrait de l'emprise du droit sur notre conscience.

Dans son allocution devant les représentants des Etats-membres réunis pour le débat de haut niveau de l'Assemblée générale, le Secrétaire général s'est déclaré heureux de voir tant de pays représentés ici à un niveau aussi élevé.

« C'est, je le sais, parce que vous comprenez qu'en ces temps difficiles, l'Organisation des Nations Unies est, comme vous l'avez dit, il y a quatre ans dans la Déclaration du Millénaire, 'le lieu de rencontre indispensable de l'humanité tout entière'. »

Aux yeux du Secrétaire général, comme c'était le cas il y a un an, le monde est « à la croisée des chemins ». « Si vous, les dirigeants politiques des nations du monde, ne pouvez pas vous mettre d'accord sur la voie à suivre, l'histoire décidera pour vous, ce qui ne servira pas nécessairement les intérêts des peuples de vos pays », a-t-il prévenu.

Affirmant ne pas chercher aujourd'hui à préjuger de ces décisions, il a insisté sur le cadre dans lequel elles « devront absolument s'inscrire : la légalité, dans chaque pays et à l'échelle mondiale. »

L'idée d'un « gouvernement des lois et non des hommes » est presque aussi vieille que la civilisation elle-même », a-t-il fait observer. « Non loin de cette tribune, dans un des couloirs du bâtiment, se trouve une reproduction du code de lois promulgué par Hammourabi il y a plus de trois mille ans, dans un pays qui s'appelle à présent l'Iraq. »

Il a ajouté que « dans l'ensemble, le code d'Hammourabi nous paraît aujourd'hui incroyablement sévère ». Pourtant, a poursuivi Kofi Annan, « gravés dans les tablettes figurent les principes de justice reconnus – à défaut d'être appliqués – par presque toutes les sociétés humaines qui se sont succédé depuis, [la] protection juridique pour les pauvres, [les] restrictions imposées aux plus forts pour les empêcher d'opprimer les plus faibles et les lois promulguées publiquement et connues de tous. »

Mettant cet héritage en contraste, il a déclaré « l'état de droit […] en péril aux quatre coins du monde », citant en appui « quelques exemples flagrants tirés de l'actualité. »

« En Iraq, des civils sont massacrés de sang froid, tandis que des agents humanitaires, des journalistes et d'autres non-combattants sont pris en otage et mis à mort de la façon la plus barbare », a-t-il fait observer, ajoutant que « par ailleurs, des prisonniers iraquiens on été honteusement maltraités. »

Le Secrétaire général a également évoqué le Darfour, ses populations entières déplacées, leurs habitations détruites et où « le viol est devenu une stratégie délibérée. » Il a évoqué le nord de l'Ouganda, ses enfants « mutilés et forcés de prendre part à des actes d'une cruauté indicible », Beslan, aux enfants « pris en otage et sauvagement massacrés ».

Il a fait référence à Israël et à ses « civils, y compris des enfants, délibérément pris pour cibles par des Palestiniens, […] victimes d'attentats-suicide », à la Palestine aux maisons détruites, aux terres confisquées et aux civils blessés ou tués « parce qu'Israël fait un usage excessif de la force. »

« Et, partout dans le monde, des gens sont préparés, par la propagande anti-juive, anti-musulmane, anti-quiconque fait partie d'un groupe différent, à commettre d'autres actes du même genre », a-t-il ajouté.

Affirmant que de tels actes « sont absolument injustifiables, il a affirmé qu'il n'existait aucune cause, aucune « revendication, aussi légitime soit-elle, qui puisse les légitimer. »

« Ils nous déshonorent tous, car leur fréquence signale notre incapacité collective à faire appliquer la loi et à inspirer le respect du droit aux hommes et aux femmes du monde », a déclaré Kofi Annan qui a poursuivi en affirmé que le respect de la légalité commençait « chez soi ».

« Or, dans bien des endroits, il demeure un vain mot », a-t-il fait observer.

Faisant remarquer que « les États se sont dotés d'une impressionnante collection de normes et de lois, il a ajouté que « malheureusement, cet ensemble présente beaucoup de lacunes et de points faibles » et que trop souvent, il était appliqué de façon sélective et arbitraire » ce qui lui enlevait le pouvoir « qui fait d'un assortiment de lois un système juridique efficace. »

« Là où existe un pouvoir coercitif, comme au Conseil de sécurité, beaucoup estiment qu'il n'est pas toujours utilisé de façon juste ou efficace. Et là où le principe de la légalité est invoqué le plus solennellement, comme à la Commission des droits de l'homme, ceux qui l'invoquent ne prêchent pas toujours par l'exemple », a déclaré le Secrétaire général de l'ONU.

Il a insisté sur le fait que « la légalité théorique ne suffisait pas et que « les lois devaient être mises en pratique et imprégner tous les aspects de notre vie ».

« C'est en renforçant et en appliquant les traités de désarmement, y compris leurs dispositions relatives aux régimes de vérification, que nous nous prémunirons le mieux contre la prolifération – et le risque d'utilisation – des armes de destruction massive », a-t-il souligné. « C'est en appliquant la loi que nous priverons les terroristes de ressources financières et de refuge, ce que nous devons absolument faire pour vaincre le terrorisme. »

Il a également appelé à appuyer l'Union africaine qui « a dignement décidé de prendre en main le déploiement d'observateurs et d'une force de protection au Darfour, ainsi que la recherche d'un règlement politique. »

« Que personne n'aille penser que le Darfour est l'affaire des Africains et des Africains uniquement », a déclaré Kofi Annan qui a ajouté : « Les victimes sont des êtres humains, dont les droits fondamentaux doivent être sacrés pour nous tous. Nous avons tous le devoir de tout faire pour les secourir et de le faire immédiatement. »

Rappelant qu'au cours du mois dernier, il avait promis au Conseil de sécurité de donner, jusqu'à la fin de mon mandat, la priorité aux activités que mène l'ONU pour promouvoir l'état de droit et la justice dans les sociétés en situation de conflit ou d'après conflit, il a engagé les Etats membres « à redoubler d'efforts pour faire respecter la légalité chez vous et ailleurs. »

« Et je vous implore d'accorder tout votre soutien aux mesures que je vous soumettrai, à cette session, en vue d'améliorer la sécurité du personnel des Nations Unies », a-t-il poursuivi, soulignant le fait qu'il s'agissait de « non-combattants qui prennent volontairement de grands risques pour venir en aide à d'autres êtres humains » et « méritent non seulement votre respect, mais aussi votre protection. »

Partout dans le monde, les victimes de la violence et de l'injustice attendent, elles attendent que nous tenions notre parole.», a déclaré Kofi Annan qui a ajouté. « Quand l'inaction se dissimule derrière des mots, elles s'en rendent compte. Quand les lois qui devraient les protéger ne sont pas appliquées, elles s'en rendent compte aussi. »

Affirmant sa conviction « que nous pouvons rétablir et faire régner l'état de droit partout dans le monde », il a fait remarquer que cela dépendrait, « en fin de compte [...] de l'emprise que le droit a sur notre conscience. »

« L'Organisation des Nations Unies a été bâtie sur les cendres d'une guerre qui avait infligé d'indicibles souffrances à l'humanité, a-t-il rappelé. Et il ajouté : « chaque génération doit poursuivre les efforts inlassables qu'a déployés la précédente afin de renforcer l'état de droit pour tous, seul moyen de garantir la liberté de tous. Nous devons veiller à ce que la nôtre fasse sa part. »

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